recherche

Accueil > Empire et Résistance > Blocs régionaux > BRICS > Chine > La Chine et le Nouvel ordre mondialNoam Chomsky

7 septembre 2010

La Chine et le Nouvel ordre mondial
Noam Chomsky

par Noam Chomsky *

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Parmi toutes les menaces supposées contre la superpuissance mondiale un rival est en train d’émerger en silence et avec force : la Chine. Et les Etats-Unis analysent de près les intentions de ce pays.

Le 13 août une étude du Pentagone se préoccupait de ce que la Chine fût en train d’étendre ses forces militaires pour pouvoir neutraliser la capacité des navires de guerre nord-américains à entrer dans des eaux internationales », rend compte Thom Schanker dans le New York Times. Washington a fait retentir la sonnette d’alarme disant que le manque de transparence de la Chine sur la croissance, les capacités et les intentions de ses militaires donne de l’instabilité à une région vitale du globe. »

Les Etats-Unis, au contraire, sont suffisamment transparents sur leurs intentions d’agir librement de part et d’autre de la « région vitale du monde »qui entoure la Chine (et où que ce soit)

Ils arborent leur vaste capacité à le faire : avec un budget militaire en croissance qui atteint presque celui de l’ensemble du reste du monde, des centaines de bases militaires sur toute la planète, et un leadership indiscutable en matière de technologie de destruction et de domination

Le manque de compréhension des règles d’urbanité internationales de la part de la Chine apparaît dans son refus de voir le porte-avion nucléaire US George Washington participer aux manœuvres militaires des Etats-Unis et de la Corée du Sud près des côtes chinoises en juillet.

En revanche l’Occident comprend que de telles opérations sont menées à bien pour défendre la stabilité et leur propre sécurité.

Le terme de stabilité a un contenu technique dans le discours des relations internationales : celui de la domination des Etats-Unis. Ainsi, aucun froncement de sourcil ne se produit lorsque James Chace, ancien éditeur du Foreign Affairs expliquait qu’afin d’obtenir la stabilité au Chili en 1973, il fut nécessaire de déstabiliser le pays et de renverser le gouvernement légitime du Président Salvador Allende et d’instaurer la dictature du général Augusto Pinochet, qui commit des assassinats et des actes de torture sans discernement et établit un réseau de terreur qui aida l’installation de régimes similaires dans d’autres endroits, avec l’appui des Etats-Unis et ce, pour défendre la stabilité et la sécurité.

Il est facile de reconnaître que la sécurité des Etats-Unis requiert un contrôle absolu. L’historien John Lewis Gaddis, de l’Université de Yale, a proposé une première approche académique dans « Surprise » Security and American Experience, où il recherche les racines de la doctrine de la guerre préventive du président George W.Bush. Le principe de l’action est que l’expansion est « le chemin de la sécurité », une doctrine que Gaddis fait remonter à deux siècles en arrière, jusqu’au président John Quincy Adams, auteur du Destin manifeste. Concernant la mise en garde de Bush adressée aux états-uniens qui doivent être prêts aux actions préventives quand il sera nécessaire de lutter pour leur liberté et défendre leurs vies ».

Gaddis observe que le président d’alors « se faisait l’écho d’une vieille tradition , au lieu d’en établir une nouvelle « réitérant des principes que plusieurs présidents avaient défendu et que tant Adams comme Woodrow Wilson avaient très bien compris ». C’est la même chose avec les successeurs de Wilson jusqu’à maintenant. La doctrine de Bill Clinton était que les Etats-Unis étaient autorisés à utiliser la force militaire pour assurer « l’accès sans complexe à des marchés clefs, des approvisionnements énergétiques et stratégiques » sans même le besoin d’inventer des prétextes du type de ceux de Bush fils.

D’après le secrétaire de Défense de Clinton, William Cohen, les Etats-Unis doivent en conséquence maintenir une énorme avancée de forces militaires « déployées » en Europe et Asie » dans le but de faire pencher l’opinion des gens en notre faveur et « pour forger des événements qui défendront notre subsistance et notre sécurité ». Cette recette de guerre permanente- observe l‘historien militaire Andrew Bacevich- est une nouvelle doctrine stratégique, qui a été renforcée plus tard par Bush Jr et par Barack Obama.

Comme tout chef mafieux le sait, même la perte la plus subtile de contrôle peut faire s’écrouler un système de domination, quand d’autres se proposent de suivre le même chemin.

Ce principe central de pouvoir se formule comme la théorie des dominos dans le langage des stratèges politiques. Elle se traduit dans la pratique par la reconnaissance de ce que le « virus » de l’heureux développement indépendant peut « contaminer » dans n’importe quel autre lieu et, de cette manière doit être détruit tandis que les victimes potentielles du fléau en sont inoculées, alors qu’elles se retrouvent aux mains de brutales dictatures.

D’après l’étude du Pentagone, le budget militaire de la Chine est passé à environ 150 000 millions de dollars, près de la cinquième partie de la dépense du Pentagone pour engager et mener à bien les guerres d’Iraq et d’Afghanistan cette année, ce qui n’est qu’une partie du montant total du budget militaire étatsunien, il va sans dire.

Les préoccupations des Etats-Unis sont compréhensibles si l’on prend en compte la supposition virtuelle et indiscutable de ce que les USA doivent maintenir un « pouvoir indiscutable » sur la majorité du reste de pays, avec « une suprématie militaire et économique » -tandis qu’ils assurent limiter tout exercice de souveraineté » de la part des Etats – qui pourraient interférer dans leurs visées mondiales .

Ce sont les principes établis par les planificateurs de haut niveau et experts de politique extérieure pendant la Seconde Guerre Mondiale, quand ils ont développé le cadre du monde de l’après-guerre, cadre qui a été largement exécuté.

Les Etats-Unis devaient maintenir cette domination dans la « grande zone » qui devait inclure au minimum l’hémisphère occidental, le Moyen-Orient et l’ancien empire britannique incluant les ressources énergétiques cruciales du Proche Orient.

Tandis que la Russie commençait à pulvériser les armées nazies après Stalingrad, les objectifs de la « Grande Zone » se sont étendues le plus possible à l’Eurasie. On est toujours parti du principe que l’Europe pouvait choisir une cause alternative, peut-être la vision gaulliste d’une Europe depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural. L’organisation du Traité de l’Atlantique Nord est née en partie pour contrecarrer cette menace et cette affaire demeure très vive aujourd’hui au moment où l’Otan devient une force d’intervention des Etats-Unis, responsable du contrôle des « infrastructures cruciales » du système mondial duquel dépend l’Occident.

Depuis qu’ils sont devenus la puissance mondiale dominante depuis la Seconde Guerre Mondiale, les Etats-Unis ont cherché à maintenir un système de contrôle mondial. Mais ce projet n’est pas facile à maintenir. Le système s’effrite visiblement, avec des implications significatives pour le futur. La Chine est un joueur en puissance très influent et qui répond au défi .

Traduction pour « Changement de société » de : Chantal Subias

Etats-Unis, le 6 septembre 2010.

A suivre ...

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site