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8 mars 2014

L’extrême droite est confortée dans le nouveau Gouvernement pro occidental de l’Ukraine.

par Rafael Poch de Feliu*

 

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Le mouvement radical Svoboda a un vice-premier ministre et trois ministres. Le parti, en plus d’être ultra-droitier, a des impulsions/tendances antisémites, mais l’UE le soutient.

C’est ce qui s’appelle une armoire à glace ; plus de largeur que de hauteur, un visage taillé à la serpe et sur les cent kilos. Peu de plaisanterie avec Aleksandr Muzichkovo, l’un des leaders du Pravy Sektor (Secteur de droite). Sa simple présence intimide. Avec son uniforme de camouflage, Muzichkovo a été vu mettre de l’ordre dans le Palais de Justice de Rovno. Il a saisi par la cravate la première autorité judiciaire de la région, un homme jeune et plutôt frêle, qui n’ose pas répliquer à la vague d’insultes que l’ultra-droitier lui consacre, il le secoue, le fait s’assoir, il s’excite tandis qu’il continue d’insulter, lui donne une tapette. Autour de lui personne n’ose ouvrir la bouche.

La scène se repète devant la chambre parlementaire de la région. Muzichkovo préside. Sur la table une kalash. L’ultra demande d’un ton menaçant : « Quelqu’un veut-il me prendre le fusil ? : quelqu’un veut-il me prendre le couteau ?, osez ». Personne ne se déplace.

« Pravy Sektor » a été fondé il y a très peu de temps, tout juste un mois avant que ne commencent les manifestations à Kíev. Il a regroupé dans une espèce de front populaire« antisystème » divers groupes néonazis, ultra-droitiers/extrême-droitiers et les nationalistes radicaux qui se réclament de la tradition de Stepán Bandera (1909-1959) et de son organisation armée insurgé (UPA) qui a lutté contre le NKVD de Staline, et a collaboré avec les nazis en grossissant la division « Galitzia » des SS quand ceux-ci ont envahi l’URSS en 1941 et a fini par lutter un peu contre tous ; les communistes, les Allemands et l’Armia Krajowa polonais, avant d’être récupéré par la CIA qui l’a soutenu avec des armes et de l’argent jusqu’en 1959, quand Bandera a été assassiné à Munich par des agents de Staline avec une balle de cyanure.

Bandera a aujourd’hui des monuments en Ukraine Occidentale, où sa mémoire jouit d’un certaine assise populaire, mais il est considéré comme une figure négative dans la plupart du reste du pays, où les fachos sont désignés sous le nom générique de « banderovski ».

Avec le parti Svoboda, Pravy Sektor et les banderovski en général, étaitent la force de choc paramilitaire pour tenir le long de trois mois face à la police dans Kíev. Sans eux il n’aurait pas été possible de finir par renverser le gouvernement chancelant de Viktor Yanukovich. Tandis qu’officiellement Washington et Berlin appuyaient des leaders avec costume cravate comme l’actuel Premier ministre Yatseniuk ou l’ex-boxeur Klichkó, d’autres forces occidentales ont promu comme main-d’œuvre ce secteur ultra. Argent et réseaux de services secrets ont agi dans Kíev de la même façon qu’ ils l’ont fait dans d’autres « révolutions » contre des adversaires. Le résultat a été l’apparition dans la capitale de l’Ukraine d’un gouvernement, qui, sans pouvoir être réduit à une galerie de radicaux de droite, contient un remarquable échantillon de ceux-ci.

Au leader de Pravy Sektor Dmitri Yarosh, né il y a 42 ans dans une ville qui porte le nom du premier policier bolchevique (Dneproderzhinsk), le 26 février le nouveau régime a offert le poste de vice-secrétaire du Conseil de Sécurité National (CSN), l’organe que supervise les services secrets, ministère de l’Intérieur et l’armée. Yaroshl’a repoussé.

Le responsable du CSN est Andri Parubi, originaire de Galicie. Parubi a été le « Commandant de l’Auto-défense du Maidán » c’est-à-dire la personne qui coordonnait, plus ou moins, le dispositif paramilitaire de la révolte. Parubi a été le fondateur du Parti Socialiste-Nationaliste de l’Ukraine (SNPU), une formation de stricte tonalité néonazie avec des contacts internationaux néonazis dans toute l’Europe et une certaine assise parmi la jeunesse du Lviv, capital de Galicie. En 2004 le parti s’est transformé en mouvement « Svoboda » (Liberté). Un an après Parubi a fondé un nouveau parti et en 2012 il a été admis au « Batkivshina », le parti de l’ex-Première ministre emprisonnée pour corruption, Yulia Tymochenko.

Dans les milieux pro-gouvernementaux de Kíev on a l’habitude de dire que « Svoboda » a « beaucoup changé dans les dernières années ». Il est vrai qu’en 2006 les radicaux du SNPU se sont scindés (aujourd’hui plusieurs d’eux sont dans le « Pravy Sektor »), mais réduire ce parti à des « nationalistes radicaux », comme l’a fait la presse anglo-saxonne la plus influente dans cette crise, est ingénu.

Quatre ans après que les radicaux du SNPU soient partis, le leader de « Svoboda », Oleg Tiagnibok, a qualifié de héros Iván (John) Demianiuk, l’un des bouchers de l’abattoir ukrainiens du champ d’extermination nazi de Sobibor, extradé et jugé en Allemagne peu de temps avant de mourir. Tiagnibok a qualifié le gouvernement de l’Ukraine comme une « mafia russe-juive » et il y a quatre ans un document de programme de son parti appelait à « abolir le parlementarisme, interdire tous les partis politiques, nationaliser l’industrie et les médias, nettoyer complètement l’administration, l’armée et l’éducation, spécialement à l’est et liquider physiquement tous les intellectuel russo- parlant et ucrainophobes ». Des ministres des Européens, comme l’Allemand Frank Walter Stinmeier, ont été photographiés en serrant la main de Tiagnibok, qui dans les dernières années a été reçu à plusieurs occasions par l’ambassadeur allemand au Kiev. En 2013 le Congrès Mondial Juif a demandé de déclarer illégal « Svoboda ».

Au sein du gouvernement actuel de Kíev « Svoboda » il a aujourd’hui trois ministres (écologie, agriculture et éducation), en plus du vice-premier ministre, numéro deux du gouvernement, d’Aleksandr Sich, le procureur général, d’Oleg Majnitski, et au moins six gouverneurs de provinces.

La simple réalité est que le conglomérat radical qui a été décisif pour mettre à Kíev un gouvernement prooccidental, en servant d’intermédiaire des épisodes comme le massacre de manifestants et de policiers pour le compte des obscurs francs-tireurs la veille de la chute de l’administration précédente, a aujourd’hui un pouvoir réel dans ce pays. Pour la première fois depuis 1945 un secteur clairement d’ultra-droite et avec des impulsions antisémites contrôle d’ importantes parcelles de pouvoir dans un gouvernement européen bénis par l’Union Européenne.

Rafael Poch pour La Vanguardia

La Vanguardia. Odesa, 8 de marzo de 2014.

* Rafael Poch, Rafael Poch-de-Feliu (Barcelone, 1956) a été vingt ans correspondant de « La Vanguardia » à Moscou et à Pékin. Avant il a étudié l’Histoire contemporaine à Barcelone et à Berlin-Ouest, il a été correspondant en Espagne du « Die Tageszeitung », rédacteur de l’agence allemande de presse « DPA » à Hambourg et correspondant itinérant en Europe de l’Est (1983 à 1987). Actuellement correspondant de « La Vanguardia » à Berlin.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.

El Correo. Paris, le 8 mars 2014.

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