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1er avril 2019

Le rôle financier des groupes fondamentalistes chrétiens US s’accroit

L’extrême-droite US avance avec comme objectif l’Europe

par Eduardo Febbro

 

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« Alliance Defending Freedom » et « American Center for Law and Justice » ont transféré un peu plus de 20 millions d’euros en Europe dès 2008.

Ce n’est déjà plus un groupe que l’on regarde comme s’ils étaient descendus de je ne sais pas où. Les extrême-droites, les groupes radicaux défenseurs de la famille, les catholiques fondamentalistes ennemis acharnés du mariage égalitaire, de l’avortement, du divorce, des unions civiles, des conquêtes des femmes et d’autres formes modernes de la reconnaissance des droits, constituent aujourd’hui une force politique et financière d’énorme influence. Ils ont une audience électorale, un pouvoir, des leaders politiques au sommet, des réseaux sociaux très bien administrés, un plan unique d’expansion dans l’histoire, beaucoup d’argent et un objectif dans le viseur : L’Europe.

Une investigation sans appel réalisée par l’association étasunienne « OpenDemocracy » vient de mettre des chiffres sur cette invasion et confirmer ainsi l’existence d’un flux très élevé de fonds dispensés par les groupes fondamentalistes chrétiens des États-Unis à l’extrême droite européenne. « OpenDemocracy » estime à 50 millions d’euros les fonds transférés par ces groupes (plusieurs sont liés à Donald Trump) à une douzaine d’organisations de l’européenne d’extrême-droite. Opendemocracy révèle que deux de ces organismes, « Alliance Defending Freedom (ADF) » et « American Center for Law and Justice » ont transféré un peu plus de 20 millions d’euros en Europe dès 2008.

« Billy Graham Evangelistic Association », « Focus on the Family », « Heartbeat International », « Human Life International », « ADF International, « Alliance Defending Freedom » ou, comme des financiers comme les frères Koch (« la » colonne financière du Tea Party) sont quelques noms les plus cités dans cette entreprise de reconquête. ADF a reçu des donations de Betsy DeVos, Secrétaire de l’Education de Trump, et d’Erik Prince, fondateur de l’entreprise de mercenaires Blackwater. L’Union Européenne était consciente de cette situation mais, jusqu’au rapport de OpenDemocracy, elle manquait d’un support ayant des données sûres sur les transferts de fonds. Environ 40 députés du Parlement Européen se sont adressés au député Frans Timmermans pour que l’intromission « de ces chrétiens fondamentalistes étasuniens soit analysée avec la plus grande rapidité ». Le temps presse d’autant que depuis l’élection de Donald Trump, quelques ultras de la droite des Etats-Unis d’Amérique ont déployé leurs ailes sur le ciel européen avec le but d’influencer les élections du Parlement du 26 mai prochain.

À leur tête, se trouve Steve Bannon, l’ex-conseiller de Trump. L’axe de la « conspiration » se déplace entre Bruxelles et Rome, où ils sont installés depuis peu plus d’un an. Le travail de OpenDemocracy a été comme un coup de fouet pour les parlementaires du Vieux Continent. Tous savaient que quelque chose se passait mais personne n’avait anticipé que, derrière, il y avait une telle quantité d’argent en jeu. Neil Datta, Secrétaire du Forum Parlementaire Européen sur la Population et le Développement, reconnaît que cette offensive d’extrême-droite des Etasuniens se produit « beaucoup plus rapidement et à une échelle qu’aucun expert n’a jamais été capable d’imaginer ». Les montants cités par OpenDemocracy seraient à peine « la partie visible de l’iceberg », comme note la rédactrice responsable de cette ONG étasunienne, Mary Fitzgerald, qui ajoute : « beaucoup de failles nous ont compliqué le travail pour découvrir tant la totalité du flux monétaire que les sources d’où il provient. (…) Les parlementaires, les plateformes sociales et les responsables politiques doivent intervenir pour empêcher la propagation d’influences qui ne se justifient pas, ainsi que les pressions politiques ».

Toute cette galaxie du catholicisme fondamentaliste s’est réunie ce week-end dans l’une des villes italiennes les plus perméables à la d’extrême-droite, Vérone. Le Congrès Mondial des Familles (WCF) a inauguré dans cette ville son treizième congrès avec la présence du leader de l’extrême-droite italienne et Ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini. Brian Brown, président de l’Organisation internationale de la Famille, un antidote grossier à tout progrès humain, sans détours, n’a cessé de répéter : « l’homosexualité dégrade la nature humaine. Être gay détruit le sens même de l’être humain ». Chaque fois que le Congrès Mondial de la Famille apparaît quelque part, il y a toujours un dirigeant politique de l’extrême droite lié à ce Congrès. Cette fois est Matteo Salvini, tandis qu’au sommet de Budapest en 2017 l’ouverture a été menée d’un autre des ultras émergents de l’Europe, le Premier ministre hongrois Victor Orban.

Ce week-end, à Vérone, en plus de Salvini et Steve Bannon, l’autre « marque » visible sera le parti néofasciste Forza Nuova et une poignée de célèbres oligarques russes assidus donateurs aux caisses des souverainistes de l’Europe, aux associations traditionalistes catholiques, aux groupuscules qui militent contre l’homosexualité ou à l‘extrême droite. Parmi les « médiévalistes » des droits, se trouvent l’archiprêtre orthodoxe Dimitri Smirnov, Alexey Komov et Konstantin Malofeev. Ces deux derniers sont la colonne vertébrale de Russie Unie tandis que Dimitri Smirnov est l’un des porte-drapeaux mondiaux contre ce qu’il appelle « l’homosexualisme » et un adepte radical à l’idée de « l’intelligence supérieure des hommes » face aux femmes. On peut rappeler que ces groupes présents à Vérone ont aussi joué un rôle principal dans les croisades radicales en Amérique Latine contre les lois en faveur de l’avortement ou du mariage égalitaire. Plusieurs d’entre eux disposent de bureaux à Strasbourg, ville où se trouvent le Parlement Européen et les institutions européennes où ils se présentent pour y faire du lobby.

Derrière cet écran religieux, il y a une bataille politique féroce pour le pouvoir au Parlement européen. Steve Bannon, quand il a déménagé en Europe, il y a un an, a fondé « The Movement » (Le Mouvement) avec cette intention. Aujourd’hui c’est l’un des responsables de « Dignitatis Humanae », une sorte d’organisation ultraconservatrice installée dans les environs de Rome, dédiée à promouvoir « les guerriers de la culture » fondamentaliste. Dignitatis Humanae reçoit des capitaux d’ « Acton Institute for the Study of Religion and Liberty », financée par les frères Koch, Charles et David. Les deux frères sont la troisième fortune des États-Unis. En 2004, ils ont créé la fondation « Americans for Prosperity » qui a été le soutien de la résurgence de l’extrême-droite aux USA à travers le Tea Party. Et bien sûr, celui qui dit Europe est, aussi, en train de parler du Vatican et du Pape François. Ces fondamentalistes US sont ceux qui, depuis deux ans, tirent les fils du complot ultraconservateur contre le Pape. Par exemple, Charles Koch finance l’Université Catholique de l’Amérique au côté de Timothy Bush, un ultraconservateur fondateur du « NAPA Institute et l’un des directeurs du portail « Eternal Word Television Network (EWTN) ». Ce portail, à un moment entre 2017 et 2018, a diffusé une pluie innombrable de « fakes » sur le Pape et même a promu la « communication » des ultras de la curie romaine. Les d’extrême-droite sont sorties aujourd’hui pour arracher tout ce qu’elles trouvent sur leur chemin. Le contexte européen et, au niveau mondial, la faible résistance qu’elles trouvent parmi le nouvel électorat, les protègent. Le XXIe siècle s’en est remis de nouveau au murmure hypnotiseur de leurs idées. Elles reviennent aux terres historiques du christianisme seulement pour semer leurs graines les plus néfastes.

Eduardo Febbro* pour Página 12 depuis Paris

Página 12. Buenos Aires, le 31 mars 2019

Eduardo Febbro. Correspondant du quotidien argentin Página 12 et journaliste de RFI à Paris.

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo de la Diaspora. Paris, le 1er avril 2019

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