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28 juin 2015

Ghaleb Bencheikh : Relever le défi de la paix

par Ghaleb Bencheikh*

 

La scène mondiale a donné vendredi dernier, encore une fois, la représentation générale de la crise aiguë qui secoue le monde islamique. Elle semble échapper à toute perspective de résolution.

Le cauchemar continue. L’abjection et l’ignominie se poursuivent. En plein mois de jeûne – censé être un temps fort de recueillement et de miséricorde - nous apprenons, coup sur coup, trois attentats sanglants perpétrés quasi simultanément en France, en Tunisie et au Koweït. Ils signent la perversion de la tradition et l’inversion de ses valeurs de bonté et d’amour en folie meurtrière.

Et, pour rester dans ce registre tragique rappelant les Tragiques, les condamnations du chœur que nous constituons et les réprobations que nous proférons, n’ont guère d’écho. Sans aucun effet, nous élevons haut nos clameurs, et nous nous lamentons avec les pleureurs. L’horizon paraît opaque et barré par les surenchères radicales et le facteur temporel n’ouvre pas du tout vers un futur prometteur.

Bien au contraire, les perspectives d’avenir sont brouillées par l’immédiateté des évènements retransmis par les moyens de communication sophistiqués jouant un rôle d’amplificateurs. L’intensité de la guerre des images et l’instantanéité des images de la terreur ainsi que la proximité du spectacle atroce qu’elles donnent à voir écrasent toute velléité de recherche de résolution des conflits.

Elles ne laissent place qu’à un émotionnel exacerbé comme unique élément d’appréciation. L’attentisme fataliste pousse les terroristes à sévir.

En effet, on voit mal comment, dans cette désolation, un tiers médiateur réussirait à s’imbriquer dans une confrontation bipartite. D’un côté, ceux qui veulent punir les mécréants, les apostats et les tièdes ; de l’autre les sociétés ouvertes.

L’ensemble produit une étrange impression de faiblesse tout en espérant l’intervention invraisemblable d’un deus ex machina pour qu’une issue à l’impasse puisse être proposée, et pendant que l’attente se prolonge et que l’on s’y installe, l’on se trouve démuni, tétanisé, impuissant en plein désarroi…

La violence religieuse islamiste signe le degré ultime de l’inhumaine cruauté. Quelle réaction pourrait-on alors afficher ? L’éradication totale de la vermine terroriste, à l’évidence, serait-on tenté de répondre spontanément.

Mais que faire encore lorsqu’elle prolifère comme champignons après pluie ? Ce sera monter encore des marches dans l’insensée escalade sur l’échelle de l’effroi et de l’épouvante ! Y a-t-il une réponse qui soit une norme professée ? Y a-t-il une attitude qui fasse sens pour tous ? Non ! Si ce n’est avouer humblement que l’homme musulman n’a pas su relever l’inaccessible défi de la paix et la fraternité universelles, et reconnaître simplement qu’il n’est pas encore arrivé là où toutes les causeries religieuses auraient voulu qu’il fût. A force de vouloir composer avec sa conscience, il finira par décomposer son être profond.

Est-ce à dire qu’il court à sa perte ? Assurément oui, sauf s’il sait s’enjoindre à la patience et à la persévérance. Les peuples civilisés savent trouver les ressources nécessaires en eux-mêmes pour résister face à la terreur.

Tant que les « nôtres » affichent leur hystérie suite aux caricatures du Prophète, alors qu’ils se terrent depuis des années lorsque leur religion est avilie et pervertie, ils ne sortiront pas de l’ornière. Le salut passe par les manifestations de masse et les démonstrations de force contre la barbarie. Nous devons en apprendre les codes et la tenue.

En attendant, tout doit concourir à faire reculer ces assassins : la répression dans le cadre de la loi et la justice, l’action politique et diplomatique ; la riposte militaire et de renseignement, l’assèchement des flux financiers. Mais surtout, la consolidation des acquis démocratiques, là où ils se trouvent ainsi que l’affermissement et l’ancrage des héritages et des biens culturels avec l’ouverture du champ intellectuel.

La refondation de la pensée théologique viendra sceller, une bonne fois pour toutes, le sort de l’idéologie islamiste dont l’architectonique ne repose que sur des artefacts fallacieux. Puissions-nous ainsi en finir avec l’hydre de Lerne terroriste.

Ghaleb Bencheikh* pour El Watan

El Watan, le 28 juin 2015.

*Ghaleb Bencheikh, né en 1960 à Djeddah en Arabie saoudite, est un docteur en sciences et physicien franco-algérien. Fils du Cheikh Abbas Bencheikh el Hocine et frère de Soheib Bencheikh, ancien recteur de la Grande Mosquée de Paris et ancien mufti de Marseille, il est également de formation philosophique et théologique et anime l’émission Islam dans le cadre des émissions religieuses diffusées sur France 2 le dimanche matin. Il préside la Conférence mondiale des religions pour la paix. Orateur s’exprimant avec beaucoup d’aisance, Ghaleb Bencheikh propage et vulgarise à sa manière les thèses et les idées fortes de son frère Soheib Bencheikh. Il appartient au comité de parrainage de la Coordination française pour la décennie de la culture de non-violence et de paix.

El Correo. Paris, 28 juin 2015.

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