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14 décembre 2007

En innovant de notre façon jusqu’à la crise financière.

Innovating Our Way to Financial Crisis

 

Par Paul Krugman
The New York Times . Etats-Unis, le 3 décembre 2007.

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La crise financière qui a commencé à la fin de l’été dernier, puis qui a pris de courtes vacances en septembre et octobre, est revenue avec force.

Jusqu’à quel point est-elle dangereuse ? Bon, je n’ai jamais vu les acteurs du monde financier dans cet état, pas même pendant la crise asiatique de 1997-98, quand l’effet domino semblait en passe d’atteindre le monde entier

Cette fois, les acteurs du marché semblent vraiment effrayés, car ils ont réalisé tout d’un coup qu’ils ne comprennent pas le système financier complexe qu’ils ont eux-mêmes créé.

Mais avant d’aller plus, parlons de ce qui se passe en ce moment.

L’activité de crédit entre acteurs du marché est aux marchés financiers ce que l’huile est au moteur d’une voiture. La capacité à disposer d’argent liquide à court terme, ce que veulent dire les gens quand ils parlent de « liquidité », est un lubrifiant indispensable pour les marchés et pour l’ensemble de l’économie.

Mais la liquidité s’est évaporée. Quelques marchés de crédit ont effectivement fermé guichet. Les taux d’intérêt sur d’autres marchés - comme le marché de Londres, où les banques se prêtent entre elles- ont augmenté, même si le taux d’intérêt sur la dette du gouvernement des Etats-Unis, qui est encore considéré sûr, a plongé.

« Ce dont nous sommes témoins », dit Hill Gross, chez Pimco, « c’est essentiellement l’effondrement du système bancaire moderne actuel, un ensemble de prêts en cascade si difficile a comprendre que le président de la Federal Reserve, Ben Bernake a eu besoin d’un cours de remise à niveau mi août par les gestionnaires des hedge funds ".

Le refroidissement des marchés financiers doit déboucher, s’il dure plus longtemps, sur une réduction importante de l’activité de prêt, aussi l’investissement délaissera le secteur de la construction. ET cela entraînera une récession, probablement sévère.

Derrière la disparition de la liquidité, il y a un effondrement de la confiance : les acteurs du marché ne veulent pas se prêter entre eux, parce qu’ils ne sont pas sûrs d’être remboursés.

En clair, cet effondrement de la confiance est du à l’éclatement de la bulle immobilière. La hausse des prix du logement avait encore moins de sens que pour la bulle du « .com » - je veux dire qu’il n’y avait même pas de technologie nouvelle pour justifier que les vieilles règles ne soient plus appliquées, mais d’une façon ou d’une autre, les marchés financiers ont accepté les prix fous du logement comme la nouvelle norme. Et quand la bulle a explosé, nombre d’investissements notés AAA se sont révélés « pourris ».

Ainsi, les « super-senior« se retournent contre les hypothèques subprimes -c’est-à-dire des investissements qui ont la primauté sur tout paiement d’hypothèque qu’effectuent les emprunteurs, et qui devaient hypothétiquement être payés même si une partie importante de ces emprunteurs faisaient faillite - ont perdu un tiers de leur valeur de marché depuis juillet passé.

Mais ce qui a réellement miné la confiance c’ est le fait que personne ne sait où se cache ce déchet financier toxique. Citigroup n’était pas supposé avoir des dizaines milliards de dollars exposés dans les subprimes ; Et c’était le cas. Le Florida’s Local Government Investment Pool, qui agit comme la banque des écoles publiques était supposée ne pas être exposée aux risques ; Ce n’était pas le cas (et maintenant, les écoles n’ont pas d’argent pour payer les professeurs).

Comment les choses se sont elles avérées aussi opaques ? La réponse est : « l’innovation financière ». Deux mots qui devraient désormais éveiller la crainte des investisseurs.

Ok, pour être juste, quelques types d’innovation financière sont bons. Je ne veux pas retourner à l’époque où les comptes courants ne payaient pas intérêts et où vous ne pouviez pas retirer d’argent liquide les weekends.

Mais les innovations des dernières années - la soupe des sigles CDOs y SIVs, RMBS y ABCP- a été vendue avec de fausses prétentions. Ils ont été promus comme une manière de répartir le risque, de rendre plus sûr l’investissement. Ce qu’ils ont fait, en revanche - en dehors de permettre à leurs créateurs de se faire beaucoup d’argent, qu’ils n’ont pas dû restituer quand la bulle a explosé- fut de semer la confusion, en attirant les investisseurs pour qu’ils assument des risques plus grands que ce qu’ils imaginer.

Pourquoi a-t-on permis cela ? Dans le fonds, je crois que le problème fut idéologique : les dirigeants politiques, marqués par l’idée que le marché a toujours raison, ont simplement oublié les signaux d’alarme. Nous savons, en particulier, qu’Alan Greenspan a dédaigné les alertes d’Edward Gramlich, membre de la Réserve Fédérale, sur une crise potentielle des subprimes.

Et l’orthodoxie du libre marché en prend un coup. Il y a seulement quelques semaines, Henry Paulson, le Secrétaire du Trésor, admettait dans la revue Fortune que l’innovation financière est passée au-dessus du règlement, pour ajouter ensuite : « je ne crois pas que nous l’avons voulu autrement ». Est-ce votre dernier mot, Monsieur le Secrétaire ?

Maintenant, la nouvelle proposition de Paulson d’ aider les emprunteurs à renégocier les paiements de leurs hypothèques et d’éviter l’expulsion, apparaît sur le principe comme une bonne idée (bien qu’il faille en connaître les détails).

De façon réaliste, cela ne sera qu’un petit emplâtre sur le problème des subprimes.

Le fonds de l’affaire est que ceux qui prennent les décisions politiques ont laissé l’industrie financière innover librement, et ce qu’elle a fait fut d’innover pour elle-même, en nous laissant dans un énorme bordel.

* Paul Krugman est un des économistes les plus reconnus du monde, chroniqueur régulier dans les pages du New York Times. Il a collaboré avec le groupe de conseillers d’économie du Président Clinton, mais la dynamique de la vie économique, sociale et politique des Etats-Unis ces dernières années l’a amené à des diagnostics aussi radicaux que lucides sur le monde contemporain.

***
Innovating Our Way to Financial Crisis
By Paul Krugman
The New York Times
. Usa, December 3, 2007.

The financial crisis that began late last summer, then took a brief vacation in September and October, is back with a vengeance.

How bad is it ? Well, I’ve never seen financial insiders this spooked - not even during the Asian crisis of 1997-98, when economic dominoes seemed to be falling all around the world.

This time, market players seem truly horrified - because they’ve suddenly realized that they don’t understand the complex financial system they created.

Before I get to that, however, let’s talk about what’s happening right now.

Credit - lending between market players - is to the financial markets what motor oil is to car engines. The ability to raise cash on short notice, which is what people mean when they talk about "liquidity," is an essential lubricant for the markets, and for the economy as a whole.

But liquidity has been drying up. Some credit markets have effectively closed up shop. Interest rates in other markets :
 like the London market, in which banks lend to each other - have risen even as interest rates on U.S. government debt, which is still considered safe, have plunged.

"What we are witnessing," says Bill Gross of the bond manager Pimco, "is essentially the breakdown of our modern-day banking system, a complex of leveraged lending so hard to understand that Federal Reserve Chairman Ben Bernanke required a face-to-face refresher course from hedge fund managers in mid-August."

The freezing up of the financial markets will, if it goes on much longer, lead to a severe reduction in overall lending, causing business investment to go the way of home construction - and that will mean a recession, possibly a nasty one.

Behind the disappearance of liquidity lies a collapse of trust : market players don’t want to lend to each other, because they’re not sure they’ll be repaid.

In a direct sense, this collapse of trust has been caused by the bursting of the housing bubble. The run-up of home prices made even less sense than the dot-com bubble - I mean, there wasn’t even a glamorous new technology to justify claims that old rules no longer applied - but somehow financial markets accepted crazy home prices as the new normal. And when the bubble burst, a lot of investments that were labeled AAA turned out to be junk.

Thus, "super-senior" claims against subprime mortgages - that is, investments that have first dibs on whatever mortgage payments borrowers make, and were therefore supposed to pay off in full even if a sizable fraction of these borrowers defaulted on their debts - have lost a third of their market value since July.

But what has really undermined trust is the fact that nobody knows where the financial toxic waste is buried. Citigroup wasn’t supposed to have tens of billions of dollars in subprime exposure ; it did. Florida’s Local Government Investment Pool, which acts as a bank for the state’s school districts, was supposed to be risk-free ; it wasn’t (and now schools don’t have the money to pay teachers).

How did things get so opaque ? The answer is "financial innovation" - two words that should, from now on, strike fear into investors’ hearts.

O.K., to be fair, some kinds of financial innovation are good. I don’t want to go back to the days when checking accounts didn’t pay interest and you couldn’t withdraw cash on weekends.

But the innovations of recent years - the alphabet soup of C.D.O.’s and S.I.V.’s, R.M.B.S. and A.B.C.P. - were sold on false pretenses. They were promoted as ways to spread risk, making investment safer. What they did instead - aside from making their creators a lot of money, which they didn’t have to repay when it all went bust - was to spread confusion, luring investors into taking on more risk than they realized.

Why was this allowed to happen ? At a deep level, I believe that the problem was ideological : policy makers, committed to the view that the market is always right, simply ignored the warning signs. We know, in particular, that Alan Greenspan brushed aside warnings from Edward Gramlich, who was a member of the Federal Reserve Board, about a potential subprime crisis.

And free-market orthodoxy dies hard. Just a few weeks ago Henry Paulson, the Treasury secretary, admitted to Fortune magazine that financial innovation got ahead of regulation - but added, "I don’t think we’d want it the other way around." Is that your final answer, Mr. Secretary ?

Now, Mr. Paulson’s new proposal to help borrowers renegotiate their mortgage payments and avoid foreclosure sounds in principle like a good idea (although we have yet to hear any details). Realistically, however, it won’t make more than a small dent in the subprime problem.

The bottom line is that policy makers left the financial industry free to innovate - and what it did was to innovate itself, and the rest of us, into a big, nasty mess.

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