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29 mars 2011

American Curios

Detroit, frappée par la crise, est peu à peu abandonnée.

Exode, travail et fresques

par David Brooks*

 

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Diego Rivera n’aurait jamais pu imaginé que la ville qui accueille sa grande fresque pour honorer les travailleurs industriels, et surtout ceux du secteur automobile, où les énormes fortunes générées par Ford, Général Motors et Chrysler ont construit celle qui deviendrait la cinquième métropole du pays le plus riche du monde, tout à coup pourrait commencer à s’évanouir sous les yeux de tous, et que sa fresque se convertirait seulement en un regard nostalgique d’un passé de plus en plus lointain.

Detroit se démantèle lentement, laissant ses vastes et luxueuses avenues abandonnées, les énormes magasins qui semblent vides depuis des années ; son autrefois orgueilleux centre est dans l’obscurité, dans ses parcs restent les échos distants des cris de bonheur d’enfants qui ont déjà fui, laissant un mausolée gris au capitalisme industriel.

Déjà 25 % de la population de Detroit a abandonné cette ancienne capitale de l’industrie automobile mondiale pendant la dernière décennie, l’équivalent d’une personne qui part toutes les 20 minutes. Maintenant cette ville n’est plus parmi les 10 grandes principales villes du pays (San José, en Californie l’a dépassée) selon les statistiques les plus récentes rapportées par le Bureau du Recensement des États-Unis cette semaine. [Detroit Census Confirms à Desertion Like non Other]

L’exode de Detroit est le plus remarqué, mais ce n’est pas un cas isolé. En fait, la population étasunienne s’est déplacée du Middle West industriel vers le sud et vers l’ouest du pays, où la plus grande croissance de la population a été remarquée selon le dernier recensement. Bien que l’estimation ait seulement enregistré le phénomène ; elle n’offre pas d’idées sur les causes.

Le travail, comme dans toute migration, est le grand moteur de ces mouvements. Les travailleurs sont obligés de suivre les chemins déterminés par les grandes entreprises, aussi bien au niveau interne qu’international, et les étasuniens ne sont pas exempts de cela, bien qu’ils vivent dans un épicentre de l’économie mondiale.

La désindustrialisation des États-Unis, surtout au nord du pays, avec sa riche histoire de l’organisation syndicale de travailleurs provenant du monde entier, et ses grandes usines d’acier, de voitures, de toile cirée, de verre et d’électronique, de plus en plus abandonnées, a causé une transformation du panorama national pendant les dernières décennies. Bien que quelques villes industrielles aient réussi une meilleure transition que d’autres face à ce phénomène, les vieux centres industriels producteurs de la richesse de ce pays sont maintenant des cimetières ; les fonderies et les usines de voitures de plus en plus abandonnée, leur production est déplacée vers le sud du pays ou au « sud » du monde par les grandes entreprises multinationales étasuniennes.

En partie à cause de cela, le syndicat automobile, l’un des plus puissants il y a peu de décennies et qui est arrivé à avoir plus d’un million et demi de syndiqués, aujourd’hui lutte pour survivre après avoir perdu deux tiers de ses affiliés.

Michigan, l’état où se trouve Detroit, a été l’unique des 50 de l’union à enregistrer une baisse de population entre 2000 et 2010, selon le Bureau du Recensement des États-Unis. C’est en partie du au fait que cet état souffre l’un des taux de chômage les plus élevés du pays : maintenant il est à 10,7 %. Et le nouveau gouvernement républicain de l’État propose de réduire l’aide de l’État aux chômeurs ; d’autres organismes ont l’intention de faire de même comme solution pour combler leurs déficits budgétaires.

C’est toujours la même chose : déplacer les coûts des crises, créées par le secteur le plus riche, vers les travailleurs ou les pauvres. C’est la même optique que l’on essaie d’appliquer dans le Wisconsin, où l’on cherche à détruire les droits syndicaux du personnel du secteur public.

Un sixième des travailleurs étasuniens n’ont pas d’emploi ou en trouvent seulement à temps partiel, quand ils le désirent à temps plein, tandis que la classe politique ne prend plus d’initiatives nouvelles pour générer de l’emploi, puisqu’ils sont presque exclusivement concentrés sur la réduction du déficit. Il y a presque cinq fois plus de chômeurs que d’offres d’emploi, et la moyenne de temps qu’un travailleur reste chômeur est de 37 semaines, un record depuis 1945 à cette date.

Pendant ce temps, certains en profitent. Dix pour cent des étasuniens les plus riches a reçu tout –cent pour cent– de la croissance moyenne des revenus entre 2000 et 2007, selon l’Institut de Politique économique. En 2009, les 5% les plus riche contrôlait 63.5 % de la richesse du pays, tandis que 80 % d’en bas possédait seulement 12.8 %, selon Bob Herbert, chroniqueur du New York Times.

Les résultats sont visibles. Demandez à ceux de la Motor City, berceau du son Motown et moteur de l’économie industrielle des États-Unis, qui est maintenant la première ville dans l’histoire des États-Unis qui étudie sérieusement une proposition pour céder une partie de la banlieue pour qu’elle redevienne à usage agricole. Si l’on suit ce plan, ce serait « le premier démantèlement organisé d’une ville importante des Etats-Unis », a commenté un expert de The Independent.

Comme l’affirme Herbert dans le Times : « l’avarice illimitée, le pouvoir patronal sans restriction et une dépendance féroce au pétrole étranger nous ont portés vers une ère de guerre perpétuelle et de déclin économique ». Il remarque que « quand au pays le plus puissant de la terre, il lui est facile d’entrer dans l’horreur de la guerre mais qu’il lui est presque impossible de trouver un emploi approprié à sa population ou d’éduquer d’une manière correcte ses jeunes, il a complètement perdu son chemin ».

Les fresques inconfortables

De même que les fresques de Rivera ont gêné une certaine classe puissante dans ce pays (sa fresque commandée par Rockefeller fut détruite ; pendant des années, celle du musée du Detroit est restée occultée derrière des plantes), il semble que les hommes politiques qui ont lancé l’offensive contre les travailleurs et leurs syndicats dans ce pays continuent de percevoir l’image peinte comme dangereuse. Le gouverneur républicain du Maine, Paul LePage, l’un de ceux qui cherchent à réduire les droits et le pouvoir politique des syndicats du secteur public, a ordonné de retirer une fresque d’environ 10 mètres située dans l’immeuble du Département local du Travail, avec 11 panneaux représentant des travailleurs dans l’histoire de cet état, parce que, selon lui, la fresque est trop favorable au syndicat.

La Jornada . Mexique, le 28 mars 2011.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par  : Estelle et Carlos Debiasi.

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El Correo . Paris, le 29 mars 2011.

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