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31 janvier 2004

Victoire populaire au référendum en Uruguay : Rejet de la privatisation de leur entreprise pétrolière

 

Par Andrés Gaudin
Noticias Aliadas, 29 janvier 2004.

Les Uruguayens ont ratifié lors d’un référendum obligatoire qu’ils n’étaient pas disposés à laisser vendre leurs entreprises publiques ; de ce fait, ce petit pays sud-américain continue d’être, par décision populaire, le seul de la région à ne pas s’être rallié à la vague de privatisations amorcée pendant la décennie passée par l’essor des politiques néolibérales.

Lors d’une consultation populaire le 7 décembre dernier, 62,3% des citoyens ont voté l’abrogation de la loi favorable à la fusion de l’entreprise pétrolière d’État, Administración Nacional de Combustibles, Alcoholes y Pórtland (ANCAP) avec une entreprise multinationale qui devait être désignée par un appel d’offres international.

« La décision d’abroger la loi est un message très clair adressé aux organismes financiers internationaux. Nous leur avons dit que nous, Uruguayens, n’allions pas permettre l’utilisation du patrimoine public pour clôturer les comptes fiscaux et payer les intérêts de la dette extérieure », a déclaré Hugo de Mello, le président de la Fédération des fonctionnaires de l’ANCAP. (FFANCAP)

La FFANCAP est le syndicat unique qui regroupe la quasi-totalité des 4000 employés de l’industrie pétrolière d’État, y compris les ouvriers et le personnel administratif et technique. La FFANCAP est l’instigatrice du référendum avec la centrale des travailleurs Plenario Intersindical de Trabajadores-Convención Nacional de Trabajadores (PIT-CNT, Intersyndicale plénière des Travailleurs - Convention nationale des Travailleurs) et le Frente Amplio (gauche), l’organisation politique qui a confirmé grâce à ce vote qu’elle pouvait gagner l’élection présidentielle du 31 octobre prochain.

La loi 17.448 avait été approuvée par le Congrès l’an passé grâce au vote des députés des partis traditionnels Colorado, au gouvernement, et Blanco. Elle proposait comme première étape - préalable à la privatisation totale - l’association pour 30 ans de l’ANCAP avec l’une des compagnies pétrolières dominantes du marché mondial, et elle confiait le management à celle qui serait choisie.

Ce référendum est le troisième par lequel le peuple uruguayen manifeste son opposition aux privatisations. En 1992, 72% des votants avaient rejeté un plan qui prévoyait la vente de toutes les entreprises publiques. En 2002, certain de recueillir un scrutin également négatif, le président Jorge Battle avait retiré un projet concernant exclusivement la téléphonie cellulaire.

L’ANCAP fut créée en 1931 avec l’objectif d’ « éviter la fuite des devises, réduire la dépendance aux multinationales du pétrole et promouvoir le développement de nouveaux combustibles sur la base des matières premières nationales. » Ses bénéfices - un milliard de dollars US en moyenne depuis lors - devaient être affectés à la recherche scientifique, l’éducation, la sécurité sociale et la santé.

L’Uruguay est dépendant en matière de pétrole. L’ANCAP se limite à raffiner le brut qu’elle importe. Cependant, les prix intérieurs des combustibles sont en phase avec les niveaux régionaux. En 2003, on a payé en Uruguay 0,47 dollar US en moyenne par litre de gasoil (diesel), comme au Brésil, et un centavo de plus qu’en Argentine, deux pays producteurs de pétrole.

Mais le grand argument du gouvernement, des partis politiques et des grandes chambres d’entrepreneurs qui se sont ligués en faveur de la privatisation fut la nécessité de chercher un associé à l’ANCAP, point sur lequel l’entreprise d’État a connu une large expérience négative, chiffrable en centaines de millions de dollars de pertes.

En 1998 et 1999, l’ANCAP s’est associée à deux entreprises argentines qui allaient lui permettre d’accéder aux marchés du pétrole et du ciment de son voisin, et à une entreprise écossaise pour améliorer la fabrication des alcools et conquérir de nouveaux marchés : tout se solda par un échec.

L’ANCAP est la plus grande entreprise industrielle du pays, elle est rentable et elle mettra en service en mars prochain une raffinerie de dernière génération qui a nécessité un investissement de plus d’un milliard de dollars US et qui lui permettra de doubler sa capacité de production.

Certains analystes essaient de relativiser le rejet des privatisations en l’attribuant au soi-disant esprit conservateur des Uruguayens.

« Rien n’est plus faux - dit De Mello -, le peuple sait qu’après la faillite des grandes entreprises privées nationales, les seules entreprises rentables, puissantes, et qui dynamisent le processus économique sont celles de l’État, et c’est ce qu’il a défendu lors du référendum du 7 décembre. »

« On pourrait dire que le rejet de la privatisation de l’ANCAP a été le premier acte de gouvernement du Frente Amplio », a déclaré le politologue Daniel Buquet. La campagne pour la privatisation a été dirigée par Battle et l’ancien Président Julio María Sanguinetti (1985-90 et 1995-2000), tous deux du Parti Colorado, et par l’ancien Président du Parti Blanco Luis Alberto Lacalle (1990-95), c’est-à-dire par les représentants majeurs des deux organisations qui se sont partagées historiquement le pouvoir.

De l’autre côté, celui des travailleurs de l’ANCAP et de la centrale syndicale, les retombées de la campagne contre les privatisations ont bénéficié au candidat du Frente Amplio à la présidence, Tabaré Vázquez. La première enquête postérieure au référendum crédite Vázquez de 52% d’intentions de vote.

Pour leur part, les Présidents du Brésil et d’Argentine voient dans un gouvernement uruguayen du Frente Amplio le meilleur choix pour relancer politiquement le Marché commun du Sud (MERCOSUR) et démarrer une négociation conjointe sur la Zone de Libre-échange des Amériques (ALCA), impulsée par les Etats-Unis, et que les Présidents Luiz Inácio Lula da Silva du Brésil, Néstor Kirchner d’Argentine et le candidat Vázquez remettent tous autant en question.

Peu de jours après le référendum, pendant le dernier sommet du MERCOSUR à Montevideo, Lula et Kirchner se sont à plusieurs reprises entretenus avec Vázquez et ses équipes de travail. Quelques-uns des conseillers du Brésilien et de l’Argentin l’ont clairement affirmé : « Les Uruguayens ont rejeté Sanguinetti et Lacalle, c’est l’heure pour nous de commencer à dialoguer avec le futur Président de l’Uruguay. »


Traduction : Hapifil, pour RISAL, 17 février 2004.

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