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20 avril 2015


Un discours fort et sans concession qui rappelle la nécessité de tirer les leçons de l’Histoire

VIIème Sommet des Amériques :
Discours de la Présidente argentine Cristina Kirchner

Vidéo et transcription officielle

 

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Le 11 avril 2015, Mme Cristina Fernández de Kirchner, Présidente de la République Argentine, a participé au VIIème Sommet des Amériques qui s’est tenu à Panama. La Chef de l’Etat a participé à la rencontre de présidents de la région et a présenté la position de l’Argentine sur diverses questions parmi lesquelles figurent la souveraineté de Cuba, Venezuela et des Iles Malouines ainsi que les actions des fonds vautours, la guerre, la drogue et les armes.

Vidéo en esp
Discours de Mme Cristina Fernández de Kirchner, Présidente de la République Argentine, lors du VIIème Sommet des Amériques, République de Panama, le 11 avril 2015


Transcription officielle

« Monsieur le Président,

Je voudrais tout d’abord remercier le Président Juan Carlos Varela, pour sa chaleureuse bienvenue et celle de son peuple, a ce VIIème Sommet des Amériques. Et je voudrais également saluer tous les Présidents, Présidentes et Chefs de Délégation ici présents.

Ce n’est pas facile de parler après l’intervention du président de la République de Cuba, ami et commandant Raúl Castro, mais je crois sincèrement qu’il serait nécessaire, que lors de tous les Sommets, pas seulement celui des Amériques, mais à tous les Sommets, dans tous les Forums Internationaux, dans lesquels nous aimons tant inclure, comme ici, les mots, les idées, les convictions d’équité, de prospérité et d’égalité, que nous prenions la décision d’y inclure la sincérité. Parce que sans sincérité, nous pouvons aborder tous les problèmes, nous pouvons les décrire, mais difficilement nous pourrons atteindre à leurs racines. Et je veux me référer ponctuellement à deux ou trois questions, pour faire honneur à l’économie de temps qui nous a été si gentiment demandée par le Président de Panama.
Je veux d’abord me référer à deux questions évoquées par Monsieur Juan Manuel Santos, Président de la République de Colombie, dans son intervention. L’un est de caractère global et nous concerne tous, mais en plus de nous préoccuper nous devons rechercher les causes, les conséquences et comment le combattre, c’est le trafic des drogues. Parce que la drogue et le trafic de drogue peut convertir les Etats de cette région, en Etats en faillite.

Juan Manuel parlait du combat contre la drogue, dans lequel nous sommes engagés, mais nous devons aborder la question à partir des pays consommateurs de drogue, car nous devons dire la vérité, les pays dans lesquels est produite la drogue ne sont pas majoritairement les pays où la drogue est consommée. Et parler également du financement du narcotrafic, car la substance toxique coûte 2.000 dollars quand elle sort des pays producteurs et atteint les 40.000 dollars quand elle arrive, par exemple, à Chicago.

Nous devrions donc aborder, et devraient donc aborder, essentiellement ce problème les pays qui consomment le plus de drogues et essentiellement aussi le nœud de la question, qui est le financement. Où est lavé l’argent du trafic de drogues ? Dans les banques des pays producteurs ou dans les banques des pays développés et les paradis fiscaux qui appartiennent aux pays développés ?

Ne soyons pas cyniques, ne soyons pas cyniques. Des milliards de dollars sont blanchis dans les paradis fiscaux et dans les banques des pays développés. Si nous n’abordons pas ce problème aujourd’hui, il n’y aura pas de solution au problème du trafic de drogues. De la même façon, avec le même acharnement qu’on poursuit le financement du terrorisme international, il faut suivre le financement et le chemin de l’argent des cartels de la drogue. Si nous n’abordons pas le problème de ce point de vue, nous aurons 20.000 Sommets, et ce qui est pire, les pays émergents vont rester avec les morts et avec les armes que produisent les pays développés et qu’ils fournissent aux cartels.

Regardez quelle contradiction : les pays développés restent avec la drogue et avec l’argent ; mais restent avec les morts et les armes, les pauvres d’Amérique latine. Alors, aborder ce problème signifie que les nations centrales doivent avoir une politique claire concernant le blanchiment de cet argent.

Je veux également féliciter le Président Juan Manuel Santos pour son entêtement, si vous me permettez le mot, dans l’engagement du processus de paix dans un pays fracturé, territorialement divisé, avec des affrontements produisant des milliers de victimes, des milliers de morts et des déplacés vers les pays voisins.

L’engagement de mon pays et de toute la région pour l’aider et l’appuyer sont nécessaires. Nous voulons que la Colombie redevienne une seule, un seul territoire et nous devons engager tous nos efforts pour y parvenir.

A vrai dire, ce Sommet est le dernier pour moi, en tant que Présidente de la République Argentine. Je crois que c’est également le dernier Sommet du Président Barack Obama. Et oui, c’est un Sommet historique. C’est un Sommet historique parce que la République de Cuba participe pour la première fois. Curieusement, nous avons appris ce rapprochement dans mon pays, alors que nous fêtions le Sommet du Mercosur, le 17 décembre dernier, où il a été annoncé qu’il y aurait un dialogue entre le Président des Etats-Unis et le Président de Cuba, Raúl Castro.

Mais s’il vous plaît, ne confondons pas. Je sais que le Président Barack Obama, il vient de le dire, n’aime pas trop l’histoire ou il pense que ce n’est pas très important. Je crois que l’histoire … moi, j’aime beaucoup, et en plus elle me permet de comprendre ce qui ce passe, ce qui s’est passé et pourquoi cela s’est passé, et essentiellement elle permet de prévenir que ci pourrait se passer, l’histoire nous apprend. Non pas pour nous souvenir et nous auto-flageller, comme un exercice de masochisme, mais tout simplement pour comprendre pourquoi les choses se sont passées.

Alors, il faut bien comprendre que Cuba, et que nous-mêmes ne sommes pas là simplement présents à la rencontre de deux Présidents qui se serrent la main après très longtemps. Non, Messieurs. Cuba est là parce qu’elle a lutté pendant plus de 60 ans avec une dignité sans précédents, avec un peuple qui, comme le disait Raúl tout à l’heure, est né à 77 % sous le blocus et qui souffre encore d’énormes pénuries et que ce peuple fut conduit par des dirigeants qui n’ont pas trahi sa lutte, mais qui en ont fait partie.

Mais ce n’est pas pour cela que nous ne devons pas donner toute sa valeur, et nous l’avons fait et je l’ai manifesté de façon absolument positive, à la décision du Président Obama d’engager le dialogue, que cela se fasse sous sa présidence, c’est une attitude positive et nous lui donnons toute sa valeur.

La vérité c’est que nous sommes très contents de venir à ce Sommet des Amériques pour produire et assister plus que produire, à cette victoire historique de la révolution cubaine, car la véritable victoire de la révolution cubaine c’est ce que nous vivons aujourd’hui ici.

Et nous sommes contents parce que nous allons participer, je vais participer en tant que Présidente, lors de cette dernière réunion, à un événement historique. Et nous en étions là quand, soudain, un décret est signé qui déclare la fraternelle République Bolivarienne du Venezuela, comme une menace pour la sécurité des Etats-Unis d’Amérique.

J’avoue, je l’avoue à tous mes collègues, que quand j’ai entendu la nouvelle, j’ai pensé qu’il s’agissait d’une erreur, qu’ils n’étaient pas d’accord avec les politiques, qu’ils condamnaient les politiques. Et non, on m’a apporté le texte, une menace pour la sécurité des Etats-Unis.

Et franchement, il ne m’est pas venu une réponse enflammée, anti-impérialiste. La première chose qui m’est venue c’est de rire, parce que c’est presque invraisemblable, à la limite du ridicule, non seulement que le Venezuela mais un quelconque pays de notre continent, puisse être une menace pour la plus grande puissance du monde. Au-delà de l’idée que je puisse me faire des Etats-Unis, nous ne pouvons pas méconnaître que c’est la plus grande puissance militaire, économique, financière et scientifique, avec un budget de 640 milliards de dollars, 640 milliards de dollars. Et je profite pour le dire en passant, qu’ils devraient mieux les utiliser pour combattre le trafic de drogues et l’immigration illégale. Avec un tel budget, on ne comprend pas comment on ne peut pas combattre le trafic de drogue et qu’il y ait 11 millions de personnes sans papiers.

Mais pour revenir à la question, je demandais hier soir à Nicolás Maduro : « C’est combien ton budget militaire ? » Je crois qu’il m’a répondu, 1 milliard, 2 milliards, un peu plus.

Mais alors comment peut-on concevoir que la plus grande puissance au monde puisse considérer la République Bolivarienne de Venezuela comme une menace ? J’entendais le discours ou les explications du Président Barack Obama à ses propres compatriotes après avoir signé le 2 avril dernier l’accord avec l’Iran en matière nucléaire, conjointement avec les autres membres du Conseil de Sécurité plus l’Allemagne, expliquer à ses propres compatriotes qu’ils devaient être rassurés parce que les Etats-Unis sont le pays le plus puissant du monde et que l’Iran n’avait qu’un budget de 30 milliards de dollars, alors que le budget des Etats-Unis dépasse les 600 milliards de dollars.

C’est un non-sens et vraiment dommage, Président Obama, je ne sais pas s’il est présent ou s’il est déjà parti, je n’arrive pas à voir, il faudrait que je mette mes lunettes, mais je n’ai pas envie, bon, il n’est pas là, ce n’est pas grave, quelqu’un lui racontera. C’est vraiment dommage, peut-être des négociations internes de son pays, nous savons que ce n’est pas facile, nous savons que les secteurs les plus réactionnaires le cernent et qu’ils lui demandent des choses malgré les difficultés.
Mais s’ils voulaient affronter le Venezuela, ils auraient dû trouver une autre forme, parce que vraiment, personne ne peut croire à ça. Comme personne ne peut croire que le Royaume-Unis ait déclaré que mon pays était aussi une menace, la République Argentine, au sujet des Iles Malouines, qui sont notre propre territoire.
C’est absurde qu’un budget de presque 60 milliards de dollars, 2.3 du PBI du Royaume-Uni soit consacré à la défense. Absurde également, mais j’ai été frappée par la similitude et la simultanéité des deux positions. Et je suis étonnée parce que mon pays a été gouverné par les dictatures les plus terribles, qui ont mis fin à la vie de milliers d’Argentins, qui ont été précisément celles qui ont décidé de la guerre des Malouines en 1982. Et cependant, avec eux, on peut dire qu’ils ont eu des relations presque cordiales.

C’est pour ça que je dis que c’est dommage que ce Sommet soit assombri par cette décision. Et nous demandons, conjointement avec les autres pays frères, que ce décret soit mis de côté. Je ne vais pas avoir recours à la souveraineté ou à des discours lacrymogènes, mais je vais faire simplement appel au sens commun.
Le dirigeant qui a fondé mon mouvement, le Général Péron, disait qu’on revient de tout sauf du ridicule. Et c’est absolument ridicule de considérer n’importe lequel de nos pays comme une menace.

Et pour finir, Monsieur le Président, moi qui aime l’Histoire, j’ai lu que cela fait partie de l’Histoire aussi, que dans cet hémisphère, on supposait que les Etats-Unis pouvaient interférer impunément. C’est vrai que ces interférences dont nous avons le souvenir, qu’a évoquées par exemple le président Castro, renversements de gouvernements démocratiques, peut-être le plus emblématique a été celui de Salvador Allende, Jacobo Árbenz, font partie de l’histoire, d’invasions ou la tertiarisation des coups d’Etats à travers les Forces Armées locales de chaque pays.
Et c’est vrai qu’il y a aussi de nouvelles formes plus subtiles d’intervention et d’influence sur nos gouvernements à travers ce que l’on connaît comme “les coups mous”. Coups mous qui utilisent les moyens massifs de communication multinationaux, fausses dénonciations, associations capricieuses d’Etats entre eux pour faire je ne sais pas quelles choses et quelles conspirations. Plus subtiles, plus sophistiquées, mais toujours des interventions qui trouvent leurs origines dans de nouvelles organisations sous le nom de ONGs.

L’autre jour, je lisais un article très intéressant dans un journal du Mexique, qui parlait d‘ONGs qui luttent toujours pour la liberté ou pour les droits de l’Homme ou pour des buts louables que nous partageons, mais nous ne savons jamais comment elles sont financées, qui sont toujours prêtes à faire les dénonciations les plus ésotériques sans jamais pouvoir les vérifier, mais qui cherchent clairement la déstabilisation des gouvernements de la région et, fondamentalement, ces gouvernements qui sont ceux, curieusement, qui ont le plus fait pour l’équité, pour l’éducation et pour l’inclusion sociale.

Je crois les mots de ceux qui disent qu’ils veulent un monde plus juste, où les enfants iraient à l’école, où tous auraient des droits, où l’on pourrait étudier, où il y aurait de la santé. Mais alors, pourquoi on combat et on accuse de populistes les gouvernements d’Amérique du Sud, d’Amérique Latine, qui ont obtenu les meilleurs résultats en termes de droits de l’homme, d’équité, d’inclusion, d’éducation, de santé ? Pourquoi elles appuyaient ou appuient les gouvernements qui appliquent des politiques néolibérales qui excluent des citoyens ? Ou pourquoi combattent-elles des gouvernements qui ont le plus fait durant cette décennie, malgré les différences que l’on puisse avoir et c’est normal, pour inclure des gens, réduire la faim, la misère et la pauvreté ?

C’est pour ça que je dis, Monsieur le Président, et je ne serai pas longue, qu’il sera nécessaire de parler avec une absolue sincérité quand nous serons seuls, les mandataires. Nous savons tous que quand nous parlons des grands pays qui dominent la région, quand nous disons les Etats-Unis, nous ne parlons pas seulement du Pouvoir Exécutif. Nous parlons de toute une série de facteurs de pouvoir, car les puissances produisent des pouvoirs qui deviennent autonomes du pouvoir politique élu par les peuples. Et souvent ces facteurs de pouvoir s’affrontent au pouvoir politique élu par les peuples quand ils ne servent pas les intérêts des grands groupes. Et nous avons des exemples historiques, même s’il n’aime pas, comme celui évoqué par Raúl Castro quand il nous raconte justement qu’au moment où le Président John Kennedy avait engagé la communication, le dégel, il a été tué. On ne sait toujours pas qui l’a assassiné, mais ça n’a été aucun commando bolivarien, car ça n’existait pas, ni cubain. Il a été assassiné dans son propre pays, par des Américains.

Et mon cher ami, Rafael Correa, le Président d’Equateur, a évoqué aussi Abraham Lincoln, fondateur du Parti Républicain, grand patriote, qui a gagné la Guerre de Sécession, qui fut en plus à la base de la grandeur des Etats-Unis, car ce n’était pas la cabane de l’Oncle Tom qui mobilisait Abraham Lincoln dans sa lutte contre l’esclavage, mais qu’il ne voulait pas que les Noirs travaillent dans les plantations, il voulait qu’ils travaillent dans des usines, à produire de la valeur ajoutée pour faire un grand pays.

Alors, l’histoire est importante pour comprendre pourquoi certains pays se sont développés d’une certaine façon … Quelqu’un posait la question tout à l’heure, Correa, je crois, “quelle a été la différence ? Pourquoi, si tous nos pays sont nés en même temps, ou presque en même temps, aux droits de l’indépendance, certains sont toujours des pays émergents, et d’autres, comme les Etats-Unis, ont la chance d’être la première puissance mondiale ? Il faudrait pour cela étudier l’histoire et voir ce qu’on fait leurs dirigeants. Leurs dirigeants n’étaient pas les élites qui gouvernaient nos pays et regardaient vers l’Europe ou vers le Nord pour se plier à leurs mandats. Au contraire, c’était de vrais patriotes, comme Lincoln, comme Jefferson, comme Franklin.

Alors, l’histoire est importante, parce qu’elle nous explique pourquoi les uns sommes une chose et les autres sont une autre chose. Tout est en relation avec tout.
Pour ces raisons, Monsieur le Président de Panama, je voudrais vous remercier profondément pour cette réunion, pour sa cordialité. Et je voudrais aussi, pour terminer, envoyer une salutation fraternelle en appui au désastre naturel que vit à l’heure actuelle la République sœur du Chili, et à sa Présidente, ma chère amie Michelle Bachelet, et dire à tous qu’il est nécessaire d’aborder avec beaucoup de sincérité les problèmes auxquels nous faisons face.

N’ayons pas peur de l’histoire, n’ayons pas peur des idéologies. Au contraire, regardez ce qui s’est passé après qu’a été décrétée la fin des idéologies, c’est les fondamentalistes qui sont apparus, le vrai problème d’aujourd’hui, pour la sécurité et la paix dans le monde, beaucoup plus que les idées. Les idées peuvent être combattues avec d’autres idées, mais quand on tue au nom de Dieu, c’est beaucoup plus difficile.

Pour cela, ne refusons pas les idéologies, ce sont elles qui ont produit la civilisation du XXème siècle, elles qui ont permis les avancées scientifiques qui feront le XXIème siècle.

Alors, apprenons de l’histoire, défendons nos idées et, essentiellement, faisons l’effort de comprendre que nous sommes face à un monde très différent, avec de nouveaux défis, qui demandent un nouveau cadre théorique pour le comprendre. Si nous ne le comprenons pas, difficilement nous pourrons faire face aux vrais problèmes et aux vrais dangers.

Merci beaucoup et bonne journée à toutes et à tous. »

Source : http://www.casarosada.gob.ar/

Transcripción oficial : VII Cumbre de las Américas : palabras de la Presidenta de la Nación

El Correo. Paris, 12 avril 2015.

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