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Accueil > Réflexions et travaux > Usage de la force et Droits de l’homme : Le cas de la Libye.

8 mai 2011

Usage de la force et Droits de l’homme :
Le cas de la Libye.

par Augusto Zamora R. *

 

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« I »

Les actions armées en cours contre la Libye, dirigées et exécutées par l’OTAN, sous couverture de la résolution 1973 (2011), approuvées par le Conseil de Sécurité de l’ONU le 17 mars 2011 dernier, remettent sur la table une question de fond en Droit international : la relation entre usage de la force et protection des droits de l’homme. Pour comprendre le sujet, il est nécessaire de voir les antécédents.

En janvier 2011, des manifestants libyens, encouragés par les heureux mouvements populaires de la Tunisie et de l’Égypte, sortent eux aussi dans les rues de plusieurs villes, dont Bengasi, demandant des améliorations sociales. Le Gouvernement réagit en annonçant un fonds d’investissement de 24.000 millions de dollars. Cependant, à partir du 15 février, les manifestations se réaniment et dérivent en une rébellion contre l’ « homme fort » de la Libye, Mouammar Kadhafi, qui compte 42 ans de pouvoir. Les rebelles assaillent et brûlent diverses installations et bâtiments du Gouvernement à Bengasi et dans d’autres villes. Les chocs avec les forces de l’ordre deviennent des affrontements armés. La désertion de dirigeants et de troupes de l’armée et leur passage dans les rangs des rebelles convertissent les manifestations en guerre civile. La Libye est divisée en deux factions, avec une forte composante tribale. Le Gouvernement répond, alors, par des menaces dures contre les rebelles, ceux qu’il nomme les « rats » qu’il poursuivra « maison par maison » jusqu’à les exterminer. Ces déclarations, causent un rejet général et nourrissent ceux qui demandent une action en Libye. Cependant, les jours suivants, les rebelles, partant depuis Bengasi, prennent d’autres villes de la côte libyenne et de l’intérieur. Le Gouvernement réagit avec énergie et, malgré les bombardements de l’OTAN, réussit à récupérer une grande partie des villes et à stabiliser le front de lutte à Brega.

Il y a un troisième front de combat, qui est journalistique. Des médias de plusieurs pays, surtout et de manière écrasante les occidentaux, se font écho et multiplient les plaintes de massacres et d’atrocités à ce qu’on suppose perpétrés par des forces gouvernementales contre la population civile désarmée. Le 25 février, un fils de Kadhafi, Saif demande à l’Union Européenne l’envoi d’une mission en Libye, pour constater la non véracité des plaintes d’atrocités. Sont aussi invitées l’ONU et l’Union Africaine. Cependant, aucun pays ou organisation n’a envoyé aucune mission en Libye, pour enquêter in situ sur les plaintes contre le Gouvernement.

Les informations qui sortent de Libye rapportent des bombardements aériens et d’artillerie des forces gouvernementales contre les villes levées en armes, mais il n’y a pas de documents visuels qui justifient avec précision les résultats. Une majorité écrasante de documents visuels présentent des combattants irréguliers et réguliers, dans des activités de combat. Les récits des journalistes sont de la même teneur. Ils rapportent une rébellion et des combats entre des factions rivales. Tout cela rend encore plus étrange et inexplicable le refus d’ enquêter in situ sur les faits dénoncés, quand le pourcentage élevé d’incertitude le rendait indispensable pour déterminer la réalité de ce qui se passait en Libye. Ce qui est certain c’est que, malgré cette lagune flagrante, les plaintes contre l’Administration centrale libyenne sur des violations de droits de l’homme ont un écho. Le Conseil de Sécurité approuve deux résolutions – que nous examinerons ensuite - et l’Assemblée générale de l’ONU (AG) fait de même, et suspend le 1 er mars la Libye comme membre du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, dans une résolution approuvée par consensus par les 192 membres qui composent l’AG.

Pendant ce temps, quelques pays membres de l’OTAN, menés par les EU et la France, commencent un fort déploiement aéronaval en face des côtes libyennes, au moment où ces Gouvernements font pression sur l’ONU pour qu’elle autorise des actions coercitives contre le Gouvernement libyen, spécialement la création d’une zone d’exclusion aérienne.

Après deux semaines de progressions militaires des rebelles, début mars les forces gouvernementales passent à la contre-attaque et récupèrent plusieurs villes de la côte centrale du pays, dans le golfe de Syrte. Le 19 mars, deux jours après avoir approuvé la résolution 1973, l’OTAN commence les bombardements contre des objectifs militaires du Gouvernement libyen. On attaque des bases aériennes, des batteries antiaériennes, des arsenaux, des casernes et, finalement des zones urbaines à Tripoli et dans d’autres villes contrôlées par le Gouvernement, où existaient, selon l’OTAN, des objectifs militaires.

Après le commencement des bombardements de l’OTAN contre l’armée libyenne, les rebelles réalisent des avancées remarquables en direction de Tripoli, faisant penser que la chute du Gouvernement était imminente. Malgré les bombardements, les Forces armées gouvernementales réagissent avec vigueur et font reculer les rebelles jusqu’à la ville de Brega. Depuis début avril, les fronts de combat se sont stabilisés dans cette zone, puisque les avions de l’OTAN, après avoir causé de fortes pertes aux forces du Gouvernement, les privant de l’usage de moyens aériens et réduisant celui de blindés, ont obligé celles-ci à bouger avec lenteur. Fait singulier à remarquer, la faction rebelle a ouvertement demandé l’intervention étrangère, en appuyant les attaques et les bombardements par l’OTAN d’objectifs et de villes sous contrôle du Gouvernement. Étant donné que les bombes et les missiles ne connaissent pas les droits de l’homme, on doit penser que la faction rebelle se préoccupe peu du sort des civils qui appuient le Gouvernement ou qui vivent dans les beaucoup de villes qui restent loyales ou sous contrôle gouvernemental.

Depuis la fins février, le pays est divisé. L’est, avec Bengasi comme centre politique, est aux mains rebelles. L’ouest, avec la capitale Tripoli, reste sous contrôle du Gouvernement. Quelques villes du centre du pays sont des zones disputées par les factions, passant des uns aux autres, au gré des armes. Dans une perspective de Droit international, la Libye se trouve immergée dans une guerre civile ou un conflit armé interne ou, dit autrement, un conflit armé sans caractère international. On n’est pas devant un État failli, comme la Somalie, ni devant un cas de génocide, comme au Rwanda, ni même devant la résistance d’un président battu électoralement qui se refuse à remettre le pouvoir au vainqueur, comme en Côte d’Ivoire récemment.

Un fait important dans la guerre civile libyenne consiste en ce que les forces étrangères qui disent agir sous le mandat de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité, ont ouvertement demandé la chute du Gouvernement libyen et la départ de son dirigeant, Mouammar Kadhafi. Nulle part dans la résolution 1973, il existe un mandat dans cette direction, puisqu’une intervention étrangère pour abattre un Gouvernement constitue une violation claire et évidente de la Charte même de l’ONU et du Droit international général.

L’autre fait important fut la plainte faite par le Vatican, le 31 mars, à travers son nonce à Tripoli, sur la mort d’au moins 40 civils à cause des bombardements de l’OTAN, ainsi que le bombardement d’objectifs civils, comme un hôpital. Cette plainte a constitué un fort coup pour les actions de force qu’a lancées cette organisation, qui justifie les bombardements comme une action indispensable pour protéger la population civile innocente des attaques indistinctes des forces du Gouvernement. La contradiction est manifeste ici, tuer des civils dans des actions dirigées, à ce qu’on suppose, pour protéger des civils.

« II »

La résolution 1973 (2011) du Conseil de Sécurité fait une référence constante à l’obligation de la Libye – comme tout autre État - de respecter les droits de l’homme et les normes du Droit international Humanitaire en cas de conflits armés. Ainsi, dans l’incise 3 de la partie résolutive, le Conseil de Sécurité :

« 3. Il exige que les autorités libyennes remplissent les obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire, les règles des droits de l’homme et le droit des réfugiés, et adoptent toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils, pour satisfaire leurs besoins essentiels et pour assurer le passage rapide et sans entrave de l’assistance humanitaire. »

La résolution 1973 renvoie, donc, au Droit international – avec un accent particulier sur les droits de l’homme – et au Droit international Humanitaire. Elle étend sa préoccupation à la possible existence de crimes contre l’humanité qui, si leur perpétration est vérifiée, donnerait lieu à des actions de la Cour Pénale Internationale. Tout cela se trouve dans le préambule de la résolution précitée. Dans la même ligne, se trouve la première résolution adoptée sur la situation en Libye - la résolution 1970 (2011) - approuvée le 26 février. Dans cette résolution le Conseil de Sécurité :

« Prie instamment les autorités libyennes de :

a) Agir avec la réserve maximale, respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire et permettre l’accès immédiat d’observateurs internationaux des droits de l’homme »

La résolution 1970 renvoie « la situation existante dans la Jamahiriya arabe libyenne depuis le 15 février 2011 au procureur de la Cour Pénale Internationale ».

Il ne semble pas y avoir de doute donc que tant la résolution 1970 que la 1973 sont fondées sur la perception réelle ou présumée que, depuis le 15 février 2011, le Gouvernement libyen a perpétré de graves violations des droits de l’homme et du Droit international Humanitaire au préjudice d’une partie de sa population. Le Conseil des Droits de l’homme a adopté pour sa part le 3 mars, la résolution A/HRC/RES/S-15/1, dans laquelle, entre d’autres considérations dures, il exprimait sa :

« profonde consternation sur la situation dans la Jamahiriya arabe libyen et condamne énergiquement les événements récents et les violations systématiques des droits de l’homme commises dans ce pays, y compris les attaques indistinctes contre des civils, exécutions extrajudiciaires, détentions arbitraires, détention et torture de manifestants pacifiques, certains desquels peuvent constituer des crimes contre l’ humanité ».

Cette situation a mené le Conseil de Sécurité à établir une « une zone d’interdiction de vols de l’aviation militaire libyenne », (appelée par les journalistes « zone d’exclusion aérienne ») pour empêcher que l’aviation militaire libyenne soit employée contre la population civile. La résolution 1973 autorise les membres de l’ONU à ce qu’ils :

« adoptent toutes les mesures nécessaires, bien que le prévoit le paragraphe 9 de la résolution 1970 (2011), pour protéger les civils et les zones peuplées par des civils qui sont sous la menace d’attaque dans la Jamahiriya arabe libyen, y compris Bengasi, bien qu’excluant l’usage d’une force d’occupation étrangère de toute sorte dans toute la partie du territoire libyen ».

L’expression « toutes les mesures nécessaires » (pour protéger la population civile non combattante) a été interprétée par les pays qui ont décidé d’intervenir dans le conflit interne libyen, comme une autorisation pour l’usage – pour l’instant limité – de la force contre le Gouvernement libyen et les Forces armées loyales, ainsi que contre les installations et les moyens qui lui étaient fidèles ou restaient sous son contrôle. En fait, la coalition que dirige l’OTAN agit chaque fois plus comme « la » force aérienne de la faction rebelle, que comme une force internationale chargée par l’ONU de maintenir la « zone d’exclusion aérienne ». Cette prise de partie de la coalition internationale constituerait une violation de la propre résolution 1973, qui dans aucune des ces parties autorise la coalition internationale à prendre partie dans le conflit interne libyen. Le mandat octroyé l’objectif concret, faut-il le souligner, de « protéger les civils et les zones peuplées par des civils qui sont sous la menace d’attaque », non de prendre partie pour l’une des factions en lutte.

Les pas suivants, comme ont été annoncé par différents pays qui composent la coalition, est de fournir un personnel spécialisé pour entraîner et pour préparer la faction rebelle et pour fournir des armes et des équipements militaires. D’arriver à concrétiser ces deux actions, on serait devant une autre violation flagrante de la résolution de l’ONU et du Droit international général et coutumier, puisque deux principes fondamentaux du Droit international seraient violés : le principe qui oblige à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des États et le principe de non intervention, les deux intégrés dans la Charte de Nations Unies. L’opération qui avait été sollicitée pour protéger la vie et les droits de l’homme de la population civile non combattante a, finalement, dérivé en une intervention armée contre un pays souverain.

En plaçant le conflit interne libyen dans la perspective d’une internalisation, les actes de la coalition doivent être examinés à la lumière du Droit et de la Jurisprudence internationaux, les seuls qui peuvent donner un cadre juridique aux actes précités et situer le conflit libyen dans une perspective d’analyse légale, qui permet de fonder une position politique en accord avec la légalité en vigueur.

« III »

Le Droit international contient assez de réglementation à propos des grands principes sur lesquels il repose spécialement, en ce qui concerne le non usage de la force, le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale des États et la non intervention. Malgré cette réalité, étant donné que le Droit n’est pas une science exacte, les interprétations les plus variées surgissent toujours, bien que certaines soient intéressées et d’autres peu juridiques.

Pour cette raison, quand c’est possible, le plus opportun est de recourir à la jurisprudence de la Cour internationale de Justice (CIJ), qui est « le principal organe judiciaire » des Nations Unies et l’unique tribunal mondial existant. C’est, donc, le plus haut tribunal international et l’unique compétent, aujourd’hui, pour statuer sur la légalité ou l’illégalité d’un acte ou la somme de ceux-ci, commis par un ou plusieurs États.

Dans la vaste jurisprudence de la CIJ, on remarque, dans la situation qu’affronte la Libye, le cas dénommé des Activités militaires et paramilitaires dans et contre le Nicaragua (Nicaragua vs EU), initié par le Nicaragua contre les Etats-Unis, à cause de la politique d’intervention et de force de ce pays contre le Nicaragua sandiniste, entre 1981 et 1990. Le cas a été jugé par le Tribunal le 27 juin 1986, depuis un peu moins de 25 ans. Dans sa sentence, la Cour a eu l’occasion d’aborder plusieurs questions qui, avec la situation libyenne, ont retrouvé une validité insolite.

Considérant que les résolutions 1970 et 1973 du Conseil de Sécurité ont pour pierre angulaire ce sujet, il est nécessaire de commencer avec la question des droits de l’homme. La CIJ s’est référée à eux dans les paragraphes Nº 267 et 268 de sa sentence de 1986. La raison était que les Etats-Unis avaient gravement accusé le Nicaragua, depuis des le début 1980, de violer les droits de l’homme du peuple nicaraguayen, conclusion à laquelle était arrivé le Congrès de ce pays en 1985. Le Gouvernement des Etats-Unis alléguait la violation des droits de l’homme comme justification de ses actions d’intervention et de force contre le Gouvernement sandiniste. La Cour analyse les accusations des Etats-Unis, arrivant à la conclusion suivante :

« Quand les droits de l’homme sont protégés par des traités internationaux, cette protection se traduit dans des dispositions prévues dans le texte des mêmes traités et elles sont destinées à vérifier ou à s’assurer du respect de ces droits ».

La CIJ veut dire que, en cas de plaintes pour violations des droits de l’homme, les différents traités internationaux contiennent des dispositions et des mécanismes pour enquêter sur les plaintes et pour constater – ou démentir – si de telles plaintes sont réelles. À la suite de l’insurrection populaire qui e eu lieu au Nicaragua en 1978, contre la dictature de la famille Somoza, la Garde nationale du dictateur a perpétré des massacres terribles et des atrocités contre la population civile, qui ont été amplement divulguées par la presse internationale. Ces atrocités ont été dénoncées devant l’organisme régional, l’Organisation d’États américains (OEA), qui a demandé une enquête sur ces plaintes à la Commission Interaméricaine des Droits de l’homme (CIDH).

La CIDH a désigné une commission d’enquête, qui s’est rendue au Nicaragua à la fin 1978, elle a réalisé un rapport (OEA/Ser. L/V/II) qu’elle ensuite présenté à l’OEA, où est documentée la véracité des plaintes présentées et où les crimes perpétrés par la dictature somoziste sont prouvés. L’organisme régional a agi comme il le devait : d’abord enquêter sur les plaintes, ensuite adopter des mesures liées au cas, si les plaintes se confirment et si on les considère recevables, adopter des mesures. Ceci est, bien évidemment, l’ordre logique dans d’autres instances du Droit, en application du principe toute personne (ou l’État) est innocente jusqu’à ce qu’on prouve sa culpabilité.

Dans ce sens on peut rappeler le rapport Un Programme pour la Paix, présenté en 1992 par le secrétaire général de l’époque de l’ONU, Boutros Boutros Ghali. Dans le rapport précité, Ghali rappelait que l’article 42 de la Charte autorisait le Conseil de Sécurité à commencer des actions militaires internationales de maintien de la paix et de sécurité, mais qu’une action de cette nature « doit seulement commencer si ont échoué tous les moyens pacifiques ». C’est-à-dire, il était indispensable, premièrement, de recourir à l’épuisement des moyens pacifiques de résolution de conflits, comme le précise l’article 2.3 de la Charte de Nations Unies et l’établit le Droit international, avant d’autoriser des actions militaires.

Les actions qui impliquent l’usage de forces militaires pourraient être autorisées après que, faut il le souligner, les moyens pacifiques aient échoué. C’est un point médullaire, parce que la première obligation d’un État, groupe d’États ou d’organisations internationales est de recourir à n’importe lequel des moyens de règlement pacifique de conflits, règle qui est le corollaire, sœur jumelle de l’interdiction générale de la menace et l’usage de la force, que dispose l’article 2.4 de la Charte de Nations Unies.

Avec le Gouvernement de la Libye, on a agi de façon inverse. D’abord on a condamné son Gouvernement ; deuxièmement, on n’a fait aucune tentative pour recourir à l’éventail de moyens de règlement pacifique qu’ offre le Droit international ; ensuite des mesures coercitives ont été adoptées et, finalement, on a autorisé qu’une coalition des États, dirigée par les Etats-Unis et l’OTAN ait recours à l’usage de la force pour créer une « zone d’exclusion aérienne ». Par la suite, la mission de la coalition a dérivé en actions armées en faveur de l’une des factions, avec l’intention délibérée de renverser le Gouvernement libyen.

Ressort, dans cette ligne, le désintérêt de l’ONU et d’autres acteurs régionaux à mener une inspection in situ sur la situation des droits de l’homme en Libye, donnant une occasion à son Gouvernement de présenter des positions et à la commission enquêtrice de déterminer la grandeur et la réalité des plaintes présentées. Le Gouvernement libyen a été, exprès, condamné à une incapacité à se défendre rampante. Pourrait-on considéré ce modus operandi compatible avec le système international de défense et de protection des droits de l’homme ? Pour répondre à cette question il n’y a pas besoin de faire des constructions théoriques. Il suffit de recourir à ce qui est dit par la CIJ, dans le paragraphe 268 de sa sentence de 1986, au sujet de la prétention du Gouvernement des Etats-Unis, de justifier ses actes d’usage de la force au nom de la défense des droits de l’homme :

« De toutes façons, si les Etats-Unis peuvent, certainement, avoir leur propre appréciation sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua, l’emploi de la force ne peut pas être la méthode adaptée pour vérifier et assurer le respect de tels droits ».

La Cour touche, dans ce paragraphe, le point central de la question : peut-on recourir à l’usage de la force pour défendre les droits de l’homme ? La CIJ donne une réponse claire et précise : « cela ne peut pas être la méthode adaptée pour vérifier et pour assurer leur respect. »

La Cour fait un pas de plus. Après avoir indiqué que la défense et la protection des droits de l’homme a « un caractère strictement humanitaire », elle indique que la protection de ces droits :

« n’est en aucune forme compatible avec le minage des ports, la destruction d’installations pétrolières, ou même l’entraînement, l’armement et équipements des contras [groupes armés antisandinistes]. »

A-t-il changé, entre 1986 et aujourd’hui, le système international des droits de l’homme pour permettre l’usage de la force ? Il n’y a rien qui l’indique ainsi. Les traités et les conventions internationales continuent d’être les mêmes. De nouveaux traités n’ont pas été approuvés, ni n’existe de pratique internationale acceptée par la quasi totalité des États qui permet d’affirmer qu’a surgi une norme d’usage à ce sujet. Ce qui a été affirmé par la CIJ, dans sa sentence de 1986, demeure valide et en vigueur.

Les faits en Libye mettent en évidence que l’usage de la force n’est pas la méthode adaptée pour protéger les droits de l’homme. Le Saint-Siège, par son nonce à Tripoli, a dénoncé le 31 mars dernier la mort de 40 civils par des bombardements de la coalition. Le 20 mars, la Russie avait dénoncé la mort de 48 civils. Peu après, le 23 mars, le Gouvernement libyen a fait une autre plainte similaire. Il n’y a pas eu du tout d’intérêt en Occident (ni dans aucun organisme ou forum de l’ONU, on peut le dire aussi) de vérifier si ces plaintes étaient vraies ou fausses. Si la plainte du Saint-Siège n’avait pas eu lieu, la mort de civils serait restée ensevelie sous l’indifférence ou aurait continué à se produire. Dans les jours suivants, de nouvelles dizaines de morts – cette fois des rebelles appuyés par la coalition –s’ajoutaient aux civils non combattants. De la même manière que dans le Droit Interne il semble répugnant de condamner un innocent, pas moins répugnant est dans le Droit international d’invoquer la défense des droits de l’homme et de porter la mort et la destruction à un pays souverain.

La CIJ s’est aussi occupée du sujet de l’aide humanitaire, invoquée par les Etats-Unis dans le cas présenté par le Nicaragua, comme justification de l’aide qu’ils fournissaient aux groupes armés qui combattaient le Gouvernement sandiniste. La Cour, dans le paragraphe 243, indique les éléments substantifs qui doivent caractériser toute aide humanitaire :

« Un élément essentiel de l’aide humanitaire est qu’elle doit être fournie « sans discrimination d’aucune sorte. Selon le Tribunal, pour ne pas avoir le caractère d’une intervention condamnable dans les affaires intérieures d’un autre État, l’aide humanitaire ne doit pas seulement se limiter aux finalités consacrées par la Croix-Rouge c’est-à-dire « prévenir et alléger les souffrances des hommes « et » protéger la vie et la santé (et) faire respecter l’homme », mais doit aussi, et surtout être prodiguée sans discrimination à toute personne qui en a eu besoin au Nicaragua, et pas seulement aux contras et à leurs proches. »

La CIJ nous donne, ici, un autre élément pour situer dans une perspective plus intelligible les actions de la coalition militaire dans le domaine de l’assistance humanitaire. Celle-ci arrive, apparemment avec assez de fluidité, à la faction rebelle, mais la même n’arrive pas aux victimes des bombardements de la coalition sur les villes et les zones contrôlées par le Gouvernement libyen. Avec la dite « assistance humanitaire » de la coalition, il se passe donc la même chose qu’avec celle que les Etats-Unis ont fourni à la contra. Le sujet humanitaire était seulement un voile – un de plus – pour essayer de cacher des actions illégales d’intervention et de force contre le Nicaragua, dont l’intention était, comme l’affirmera le président Ronald Reagan à l’époque, en 1985, que le Gouvernement sandiniste se « rende » aux Etats-Unis. L’assistance que fournit la coalition militaire dirigée par l’OTAN suit, mutatis mutandis, les pas des Etats-Unis en 1980 : cacher une opération illégale d’intervention et de force contre un État souverain, sous couvert de défendre les droits de l’homme et d’habiller d’une assistance humanitaire l’approvisionnement militaire d’un groupe armé. Les rebelles libyens agissent de leur part chaque jour avec plus d’aisance en tant que forces irrégulières dirigées et dépendantes de l’OTAN, comme le démontre leurs demandes croissantes de plus de bombardements et d’armes, de munition et d’éléments guerriers, comme le faisait la contra.

« IV »

En plus, si la CIJ estime que le minage de ports ou la destruction d’installations pétrolières sont incompatibles avec la défense et la protection des droits de l’homme : qu’est-ce qui peut être dit des actions armées – dans ce cas, des bombardements, y compris contre des villes - destinés à détruire ou affaiblir au maximum le Gouvernement d’un État souverain et ses Forces armées, ou des plans de fourniture d’armes et d’entraînement aux forces adversaires du Gouvernement libyen ? Et que dire de l’autre fait, pas moins éminent, que des dirigeants politiques des pays qui ont organisé la coalition militaire qui a attaqué la Libye, comme le britannique David Cameron et le français Nicolas Sarkozy, affirment le 28 mars, que le leader libyen, Mouammar Kadhafi, « doit immédiatement partir » parce que « le régime libyen actuel a perdu toute légitimité » ?

Ces déclarations rappellent celles exprimées par différents présidents des Etats-Unis relatives aux Gouvernements latino-américains, qui ont justifié des interventions armées et des coups d’État. En 1909, le président Howard Taft a exigé la démission du président nicaraguayen José Santos Zelaya. En 1946, Washington a déclaré le président argentin Juan Domingo Perón « le plus grand ennemi des Etats-Unis ». En 1984, Ronald Reagan a demandé le « déplacement » du Gouvernement sandiniste. Dans quelques semaines, le mandat du Conseil de Sécurité de l’ONU pour créer une « zone d’exclusion aérienne » pour des motifs humanitaires, a été transformé en une vraie intervention armée, similaire, sur le fond et la forme, à celles qu’organisaient des Etats-Unis contre les pays de la mer caribéenne pendant la première moitié du XXe siècle.

Ce fut pour se défendre des interventions armées étrangères, que les pays latinoaméricains ont travaillé avec courage pour que soit accepté, comme norme juridique à caractère obligatoire, le principe de non intervention dans les affaires intérieures ou externes des États. Ce principe a vu la lumière lors de la VI ème Conférence Internationale Américaine, célébrée à La Havane en 1928 (ayant comme fond la lutte héroïque du général Augusto C. Sandino contre les Marines des Etats-Unis au Nicaragua). Du Système Interaméricain et de la main de l’Amérique Latine, le principe de non intervention a sauté à l’ONU, jusqu’à devenir l’un des principes essentiels des relations internationales. Aujourd’hui ce principe est reconnu dans des multiples traités et résolutions internationales, ainsi que dans deux sentences de la CIJ, celle émise en 1949 (le Cas du Canal de Corfou, qui a été la première sentence de la CIJ) et celle de 1986. Dans la sentence de 1986 la Cour cite sa sentence de 1949, une façon de dire que, bien qu’ils se fussent écoulés 37 ans entre l’une et l’autre décision judiciaire, ce qui fut affirmé en 1949 restait en vigueur en 1986 (et pourrait être confirmé en 2011). Le Tribunal a signalé à la page 34 de sa sentence de 1949, répondant à la plaidoirie du Royaume-Uni sur l’existence d’un droit d’intervention :

« Le prétendu droit d’intervention ne peut être considéré … plus que comme une manifestation d’une politique de force, politique qui dans le passé, a donné lieu aux plus grands abus et qui ne peut pas, quels que soient les déficiences présentes dans l’organisation internationale, trouver place dans le Droit international. L’intervention est moins acceptable dans la forme présente ici, puisque, réservée par la nature des choses aux États les plus puissants, pourrait avec facilité mener à fausser l’administration même de la justice internationale. »

Après avoir fait état de façon explicite que le principe de non intervention se trouve fermement assis dans le Droit international public, comme norme de caractère obligatoire, la Cour se met à examiner, dans les paragraphes 207 et 208 :

« si n’existent pas quelques signes d’une pratique qui montre la croyance en une espèce de droit général qui autoriserait les États à intervenir, directement ou non, avec ou sans forces armées, pour appuyer l’opposition interne d’un autre État, dont la cause semble spécialement digne en raison des valeurs politiques et morales auxquelles il s’identifie. L’apparition d’un tel droit général supposerait une modification fondamentale du Droit international coutumier sur le principe de non intervention. »

Après avoir examiné les conditions requises qui sont requises pour l’émergence d’une nouvelle norme d’usage, ainsi que les arguments présentés à son époque par les Etats-Unis, la Cour, dans le paragraphe 209, constate :

« que le Droit international contemporain ne prévoit pas de droit général d’intervention de ce genre en faveur de l’opposition existante dans un autre État. Sa conclusion sera que les actes qui constituent une violation du principe coutumier de la non intervention qui impliquent, d’une forme directe ou indirecte, l’emploi de la force dans les relations internationales, constituent aussi une violation du principe qui interdit un tel emploi. »

Plus loin, dans le paragraphe 212, la Cour affirme que « le principe de respect de la souveraineté des États … dans le Droit international est étroitement lié à celui d’interdiction de l’usage de la force et à celui de non intervention ».

En suivant le raisonnement de la CIJ en 1968, peut-on penser aujourd’hui, en 2011, que -si la croyance en un droit général d’intervention existe- elle ait modifié la norme jusqu’à aujourd’hui existante, et comme la CIJ l’a exposée ? Il est possible de soutenir que ce qui a été affirmé par la Cour en 1986 sur le principe de non intervention continue d’être autant valable comme quand elle a confirmé sa validité, en contenu et contenant. L’approbation par le Conseil de Sécurité de Nations Unies, d’opérations humanitaires dans des cas concrets et isolés (comme ceux de la Somalie ou du Rwanda), le Conseil de Sécurité l’ fait sous sur le Chapitre VII de la Charte, qui lui donne les pleins pouvoirs discrétionnaires en matière de paix internationale et de sécurité. De plus, ni la résolution 1970, ni la 1973 mentionnent une seule fois le terme d’« intervention », encore moins fondent les mesures qu’elles adoptent sur la base d’ un concept qui soit cimenté ou soutenu par un hypothétique droit à l’ « intervention humanitaire ». Dans les cas où le Conseil de Sécurité a autorisé des actions d’assistance humanitaire, il l’a fait en rappelant le principe de souveraineté des États.

En tout cas, comme le signalera clairement la CIJ, la protection des droits de l’homme ou l’assistance humanitaire ne peuvent, en aucun cas, justifier des usages abusifs de pouvoir et force et, encore moins, servir de prétexte pour cacher des actes d’intervention interdits par le Droit international général et coutumier. On ne peut pas non plus nier que la plus claire opération d’ingérence humanitaire, celle qui mise en œuvre en Somalie, entre 1992 et 1993, écoutant « le caractère exceptionnel de la situation » –pays plongé dans des guerres tribales dévastatrices, qui avaient provoqué une catastrophe humanitaire - a terminé en un massacre atroce de civils par les forces des Etats-Unis, abritées derrière la résolution 794 des Nations Unies, et dans une désastreuse retraite du pays qu’ ils voulaient « aider », cas magnifiquement porté à l’écran par Ridley Scott, dans « Black Hawk down », où il illustre, mieux que dans toute discussion intellectuelle, quelle peut être la différence entre les réalités et les faits, entre les intentions et les résultats.

« Commentaires »

La protection et la défense des droits de l’homme est une obligation internationale, consacrée, comme cela a été signalé, dans des traités multiples et conventions, tant régionales que mondiales. Aucun État ne peut, comme l’a signalé la CIJ, violer impunément les droits de l’homme de ses citoyens et résidents. Néanmoins, il y a une multiplicité de mécanismes prévus dans les traités et conventions eux mêmes, sur les formes et les manières de protéger et de sauvegarder ces droits. Mais aussi évident que cela est qu’aucun État ou groupe d’ États ne peut, au prétexte de la protection de population civile, organiser et exécuter des actes d’intervention armée, directe ou indirecte, pour renverser le Gouvernement d’un État souverain.

En Europe occidentale, plusieurs se sont étonnés du silence et de la prudence des pays latinoaméricains au sujet de la situation en Libye. Pire, ils ont eu des phrases de condamnation contre les actions de l’OTAN contre le Gouvernement libyen. La cause de cette surprise – réelle ou apparente – serait dans la perception différente qui existe entre l’Europe et l’Amérique Latine au sujet des interventions étrangères. L’Europe Occidentale a un long historique violent de guerres impérialistes et d’interventions armées, sans autre finalité que la spoliation des ressources des pays et peuples touchés, ou l’obtention d’avantages géostratégiques. Les pays latinoaméricains ont en revanche un historique non moins étendu d’interventions étrangères, dont ils ont souffert aux mains de pays européens (rappelez-vous l’intervention française au Mexique, en 1864, ou le blocus de ports vénézuéliens, en 1902) et des Etats-Unis, les mêmes qui interviennent aujourd’hui en Libye.

Il est connu que, dans le monde, n’intervient pas celui qui veut, mais celui qui peut. Accepter une réduction de la portée du principe de non intervention est ouvrir les portes à un retour à l’époque d’avant l’ONU, quand une poignée de pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Italie, Portugal) intervenaient quand ils pouvaient et voulaient dans les dits pays du Tiers Monde.

Accepter que, au nom des principes humanitaires, les Gouvernements soient renversés, c’est revenir à la première moitié du XXe siècle. Les pays latinoaméricains n’ont pas travaillé aussi durement pour obtenir la reconnaissance mondiale du principe de non intervention pour le démolir sans plus, en appuyant les actions de l’OTAN contre un petit pays isolé et sans défense, comme le furent les pays de l’Amérique Latine dans des temps encore frais et récents. Aujourd’hui c’est le Gouvernement libyen. Demain : ce sera qui ?

Autre fait qu’on ne peut cesser d’être signalé : depuis la disparition de l’Union soviétique, en 1992, l’OTAN a joué le rôle principal dans quatre guerres contre d’autres pays dans trois continents. Contre l’exiguë Yougoslavie de la Serbie et Monténégro, en 1999 ; contre l’Afghanistan (qui dure encore), en 2001 ; contre l’Irak, en 2005, et aujourd’hui contre la Libye. A l’inverse, son zèle pour les droits de l’homme et les droits des peuples a fait face à sa complaisance, voire sa complicité, dans des actes d’authentique barbarie, comme l’agression d’Israël contre le Liban, en 2006, ou contre Gaza, en 2008.

La double morale et le deux poids deux mesures ont existé et continueront d’exister dans de multiples situations internes et externes. Avec comme exemple la résolution 1973 elle-même qui déplore « que les autorités libyennes continuent d’utiliser des mercenaires ». Selon des études du Groupe de Travail des Nations Unies sur les mercenaires, entre 30.000 et 50.000 mercenaires avaient été enrôlés par les Etats-Unis et d’autres pays en Irak, devenant la deuxième force militaire du pays, après les troupes des Etats-Unis.

En 2007, le quotidien The Washington Post a doublé ce chiffre, citant un recensement du Commando Central des EU, qui chiffrait le nombre de mercenaires en Irak à environ 100.000 hommes, dont 48.000 étaient soldats privés : « Le nombre de spécialistes en sécurité personnelle que nous utilisons seulement en Irak est supérieur à tous les agents de Sécurité Diplomatique que nous avons au niveau mondial », a affirmé Gregg Starr, fonctionnaire du Département d’État US, dans son témoignage devant le Congrès en juin 2006. En Afghanistan, le nombre de mercenaires (ou des « sous contrats privés » comme les nomme le Gouvernement des Etats-Unis) atteint, en 2009, 71.000 hommes, avec les entreprises Halliburton et Blackwater comme principaux opérateurs sur le marché des soldats de fortune. En plus, la Convention Internationale contre le Recrutement, Utilisation, Financement et Entraînement de Mercenaires, approuvée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 4 décembre 1989, en vigueur depuis octobre 2001, n’a été signée par aucun membre permanent du Conseil de Sécurité et l’on continue d’attendre la signature ou la ratification des pays membres de l’OTAN.

Cependant, le fait qu’existent une double morale et deux poids deus mesures, comme le démontre le cas de l’utilisation des mercenaires, n’implique pas qu’il faut leur donner une légitimité morale et légale. Quand le Nicaragua a porté plainte contre les Etats-Unis devant la CIJ en 1983, il l’a fait en cherchant à faire valoir ses droits comme État, tout en sachant que, en lui même, le jugement n’arrêterait pas l’intervention étrangère. Il a gagné le procès et ce jugement a servi à donner au monde un cadre légal jurisprudentiel auquel recourir, dans le cas de situations subies similaires à celles du Nicaragua dans la décennie 1980. La situation que la Libye vit démontre que la sentence de la CIJ de 1986, sur les Activités Militaires et Paramilitaires des Etats-Unis dans et contre le Nicaragua, loin d’être surpassée par les changements de la société internationale, continue de conserver sa pleine validité. Cela sert, quand même au moins, à démontrer, sentence en mains, que les actions de l’OTAN contre la Libye sont illégales et que la Libye aurait des éléments suffisants pour porter plainte contre les États participants dans les opérations armées à son encontre, devant la Cour Internationale de Justice.

* Augusto Zamora R. . * Augusto Zamora R. est ambassadeur du Nicaragua en Espagne, profesor en Droit Internacional et Relations Internacionales dans la Université Autónome de Madrid et auteur du libre « Ensayo sobre el subdesarrollo : Latinoamérica, 200 años después  ».

LMD. Madrid, le 8 Avril 2011

Traduit de l’espagnol pour El Correo par  : Estelle et Carlos Debiasi

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El Correo. Paris, le 7 mai 2011.

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