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11 novembre 2022

Rafael Correa : La victoire de Lula change totalement la géopolitique de l’Amérique Latine

 

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L’ancien président équatorien Rafael Correa (2007–2017) a affirmé que « le monde de l’avenir est celui du bloc » et il a évoqué l’impact de la nouvelle vague progressiste sur l’intégration latino-américaine et la possibilité de lancer une monnaie commune en plus d’aborder les avancées des discours de haine dans la région.

Il a affirmé que la victoire de Luiz Inacio Lula da Silva au Brésil change « totalement la géopolitique » de l’Amérique latine où les quatre plus grandes économies seront gouvernées par la gauche et il a qualifié le président élu de « grand intégrationniste » qui renforcera l’union régionale.

« Je suis presque certain qu’avec Lula, la Communauté des États Latino-américains et Caribéens (CELAC) se renforcera et que L’UNASUR se remettra en marche », a dit Correa à Télam lors d’une interview accordée dans le cadre de sa visite à Buenos Aires

La CELAC a réaffirmé récemment sa volonté d’atteindre une meilleure intégration régionale. Pensez-vous que ce mécanisme doive remplacer l’Organisation des États américains (OEA) ?

Évidemment, c’est ce que nous avons souhaité dès la fondation de la CELAC qui est un forum latino-américain. Quel sens à l’OEA ? En plus de son parcours néfaste et pire encore avec Luis Almagro qui battu tous les records, imaginez que l’Argentine et le Chili aient un problème et qu’ils doivent aller en discuter à Washington. Cela n’a aucun sens. La CELAC doit être le forum dans lequel l’Amérique latine tient ses accords et résout ses conflits et ensuite, en tant que bloc, nous pouvons créer un autre espace, qui peut être l’OEA. elle-même, pour obtenir des accords et régler les conflits avec l’Amérique du Nord. Mais aller à l’OEA à Washington pour discuter de problèmes concernant les pays latino-américains ou un pays latino-américain avec les États-Unis est une absurdité totale. Le monde de l’avenir est celui du bloc. L’Amérique latine doit aller vers un bloc mais je pense aussi qu’il doit être latino-américain et que les Caraïbes anglo-saxonnes doivent former un autre bloc parce qu’on tombe dans l’erreur de considérer que la proximité géographique donne la proximité dans les intérêts et les visions. Les Caraïbes anglo-saxonnes sont totalement différentes de l’Amérique latine. En effet, il y a beaucoup de pays des Caraïbes anglo-saxonnes dont le chef d’État est le roi d’Angleterre.

Et dans quel état est l’intégration latinoaméricaine ?

Dans un moment de faiblesse mais je pense que ce cycle va s’achever. Il s’est passé une chose curieuse. L’intégration, comme en Europe, allait au-delà des idéologies. C’était une question pratique et il en était ainsi quand l’UNASUR a été fondée en 2008. Ce sont des Gouvernements de droite qui l’ont fondée comme celui du colombien Alvaro Uribe et celui du péruvien Alan Garcia. Depuis 2014, une restauration conservatrice a eu lieu avec une faim de retard, sans limite ni scrupules, extrémiste, et qui a tout écrasé. Elle n’a même pas respecté la volonté d’intégration qui, j’insiste, dépassait les idéologies. La démocratie n’a pas été respectée comme dans le coup d’État contre Dilma (Rousseff) ou contre Evo (Morales). Même pas les droits de l’homme comme ce qu’ils ont fait à Lula et nous font à nous. Nous sommes face à une nouvelle droite, beaucoup plus sectaire et proche de l’homme des cavernes qui jusqu’à ce qu’elle ait éliminé tout problème du statu quo va poursuivre ses pratiques en utilisant l’extrême droite fasciste. Mais avec la nouvelle vague progressiste, je crois que ce cycle néfaste est terminé.

La victoire de Lula suppose -t ’elle une nouvelle impulsion ?

Avec sa victoire, les quatre économies les plus importantes d’Amérique latine, pour la première fois de l’histoire, sont dirigées par des gouvernements de gauche : le Brésil, le Mexique, l’Argentine et la Colombie. Cela change totalement la géopolitique de la région. Je suis presque sûr qu’avec Lula, la CELAC va se renforcer et l’UNASUR se remettre en marche. Lula est un grand intégrationniste.

Il propose aussi de lancer une monnaie sud-américaine…

C‘est ce que nous proposions il y a 15 ans, cela fait partie de la nouvelle architecture financière régionale qui était l’un des objectifs fondamentaux de L’UNASUR. C’est paradoxal parce que le pays qui en a le moins besoin, c’est le Brésil. C’est un grand conglomérat d’ Amérique du Sud et il peut être suffisamment fort pour avoir une monnaie nationale. Ceux qui en ont le plus besoin sont les petites économies ouvertes comme l’Équateur ou le Pérou où la mobilité des capitaux a été désastreuse. Mais tant mieux si le Brésil stimule une zone latinoaméricaine avec une monnaie propre.

Avec également une banque centrale propre

Évidemment, la nouvelle architecture financière régionale a trois composantes : la Banque centrale du Sud, qui accumule les réserves pour avoir plus de protection que chacun avec ses réserves propres, la Banque de Développement du Sud pour les projets d’infrastructures d’intégration et la monnaie commune qui peut débuter avec un système de commerce compensé – en minimisant l’utilisation d’une monnaie étrangère. Ensuite, une monnaie comptable et ensuite la monnaie physique. Là, il y a une voie toute tracée qui est la voie européenne. L’Union européenne doit nous servir d’exemple : ce sont 27 pays avec des systèmes politiques différents, des religions différentes, des cultures différentes, une histoire et des langues différentes qui se battaient pour des dizaines de millions jusqu’à il y a quelques années et qui ont décidé de s’unir. J’ai toujours dit que l’Europe devra expliquer à ses enfants pourquoi elle s’est unie et nous, les Latino-américains, nous devrons expliquer aux nôtres pourquoi nous sommes aussi en retard en ayant tout de commun.

Ceci est-il en relation avec ce que vous disiez de l’OEA ?

Oui mais quand pendant 200 ans, ils te dominent ainsi, c’est qu’ils ne sont pas mauvais, c’est nous qui sommes fous. Nous ne nous trompons pas, beaucoup de choses ne sont pas imposées mais acceptées avec enthousiasme.

La nouvelle vague progressiste dans la région est-elle identique à celle du début du siècle ?

Nous nous portions très bien, nous n’étions pas d’accord sur tout mais il y avait une très grande confiance mutuelle et au niveau de la politique internationale, nous agissions comme un seul bloc. C’est l’une des différences que je vois avec la nouvelle vague qui est très hétérogène et qui n’a pas cette confiance. (Gabriel) Boric vient critiquer le Venezuela et en plus critique le blocus des États-Unis. Cela me semble incroyable ! Le Venezuela qui subit 600 sanctions, est en économie de guerre et en résistance. On ne peut pas jouer avec les paramètres normaux, nous avons une seule morale. Ces gens sont en train de survivre à une agression brutale dans laquelle il y a eu de réels plans d’invasion (…) Et il y a une gauche, un Boric qui vient critiquer le Venezuela et ne mentionne pas l’autre. C’est la première différence : je vois une hétérogénéité, une légèreté, une faiblesse et une absence de confiance qu’il n’y avait pas. La seconde grande différence est qu’en face, il y a une droite plus préparée. Au début de la première vague progressiste, nous l’avons surprise et des changements jamais vus auparavant en Amérique latine ont eu lieu. Mais maintenant, elle est préparée. Elle a une cohésion, une coordination nationale et internationale, des ressources illimitées et elle va s’opposer avec tout cela à tout changement.

L’attentat contre la vice-présidentes Cristina Kirchner et la violence politique dans la campagne électorale brésilienne ont mis en évidence l’avancée des discours de haine dans la région. Comment revenir sur cette tendance ?

Que Cristina soit vivante est un miracle. Le tireur n’était pas le seul assassin, il y a des co-auteurs qui ont créé cette situation et ce sont les médias qui emplissent l’opinion publique de haine. Ensuite, un déséquilibré pense qu’en tuant un dirigeant de gauche, il crée une patrie. Revenir en arrière est compliqué. Un premier pas nécessaire est d’avoir des lois qui régulent les excès de la presse. Nous n’affrontons pas la droite mais ses médias qui ont perdu toute limite jusqu’à nous détruire. Il faut les contrôler avec des lois comme c’est le devoir d’une société parce que c’est un pouvoir sans contre-pouvoir. Nos démocraties ne sont pas populaires, elles sont médiatiques. Ceux qui gèrent, jugent, exécutent et légifèrent dans leurs titres, ce sont les médias, pas les pouvoirs correspondant de l’État. C’est cela qu’il faut changer.

CORREA QUALIFIE DE « DÉSASTRE » LE GOUVERNEMENT LASSO EN ÉQUATEUR
ET N’EXCLUT PAS DE SE PRÉSENTER À NOUVEAU À L’ÉLECTION

L’ancien président équatorien Rafael Correa a qualifié de « désastre » le gouvernement du conservateur Guillermo Lasso en Équateur, où il a dénoncé une situation économique critique et l’insécurité, et n’a pas exclu de se représenter à la présidence du pays andin si la justice décide de lever les « verrous illégaux » qui l’en empêchent.

« L’Équateur est un désastre. Lasso et (Lenín) Moreno devraient écrire un livre qui devrait être un succès, « Comment détruire un pays en cinq ans ». Si nous ne le voyions pas, je ne pourrais pas le croire », a déclaré Correa à Télam, faisant référence à la gestion du dirigeant actuel et à celle de son prédécesseur (2017-2021), qui est passé du statut de "correiste" à celui d’opposant.

Bien que M. Lasso ait pris ses fonctions en 2021 en promettant d’inverser « les 14 dernières années de crise économique », l’Équateur présente le deuxième risque pays le plus endetté de la région et a déjà annoncé qu’il souhaitait conclure un nouvel accord avec le FMI lorsque l’accord actuel prendra fin l’année prochaine.

M. Correa a qualifié d’incompréhensible le fait que l’Équateur présente « le risque pays le plus élevé de l’histoire » alors que le prix du pétrole - l’une des principales sources de revenus du pays - est « très élevé ».

« Il est complètement inepte et un imposteur. Il ment et ne ment pas, ce qu’ils font c’est piller le pays », a déclaré l’économiste, qui s’est vanté d’avoir profité du boom pétrolier pour le transformer en bien-être pour le peuple et en politiques de transformation structurelle lorsqu’il était au pouvoir (2007-2017).

Dans la même veine, il a dénoncé la vague d’insécurité dans le pays andin, qui fait partie, selon lui, des « cinq plus violents » de la région, alors qu’à la fin de son mandat en 2017, il était « le deuxième plus sûr d’Amérique du Surd », derrière le Chili.

« J’ai quitté le pays avec 970 morts violentes par an et maintenant cela va dépasser 4.000, c’est une catastrophe ! » il a dit.

Face à cette situation, Correa n’a pas exclu de se porter à nouveau candidat à l’avenir si la justice décide de suspendre la condamnation pour une affaire de corruption, qui l’a condamné en 2020 à huit ans de prison et 25 ans d’interdiction d’exercer une fonction publique.

« Si je pouvais être candidat, modestie mise à part, je les battrais. Ce n’est pas dans mes plans, mais nous devons voir, parce qu’on a une immense responsabilité et la destruction qu’ils ont fait au pays est criante », a déclaré l’ancien président, qui a décrit sa condamnation comme « une stratégie » pour l’empêcher de revenir « avec l’immunité » et a considéré que « cela a fait de Lasso un président ».

En ce sens, il a souligné qu’ « il s’est défendu » et a gagné tous les procès au niveau international, puisque lorsqu’il a commencé à être poursuivi, il se trouvait en Belgique, où il vit avec sa famille depuis qu’il a quitté la présidence.

« Si j’avais été en Équateur, je m’y serais défendu et j’aurais fini en prison", a déclaré le leader du parti d’opposition Revolución Ciudadana, qui a dénoncé les persécutions et la guerre juridique subies par ses soutiens dans le pays andin.

Selon lui, c’est en Équateur que "le combat juridique est allé le plus loin", mais il a expliqué qu’en tant que "pays marginal", cen’est pas très connu.

« En Équateur, ils n’ont rien laissé, ils ont tout pris. En 2018, ils ont réalisé un coup d’État mou avec un référendum anticonstitutionnel où ils ont pris le contrôle de tous les organes de l’État, y compris la Cour constitutionnelle », a-t-il dénoncé.

Il a expliqué que parce qu’ils sont « correistes », les gens ne peuvent pas trouver de travail et que même si un fonctionnaire retweete une de ses publications, il est renvoyé.

« J’ai une cinquantaine de procès pénaux, mon équipe gouvernementale en a des centaines, les plus abusifs, les plus absurdes, et ceux qui ont passé les cinq dernières années ont souvent été au chômage et ont même vendu leur maison pour payer les avocats », a-t-il déclaré et a déploré : « La persécution a été brutale et le monde n’en sait rien ».

Interview par Marianela Mayer.

Resumen Latinoamericano, le 1er novembre 2022

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