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22 août 2008

Pourquoi les bananes sont une parabole pour notre époque

Why bananas are a parable for our times

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Par Johann Hari

Sous les titres concernant la flambée des prix de l’alimentaire et la valse des gouvernements, reste un fait qui passe en grande partie inaperçu : les Bananes meurent. La denrée alimentaire, la plus consommée, plus que le riz ou les pommes de terre, a sa propre forme de cancer. C’est un champignon appeléFusarium oxysporum, Maladie de Panama,et qui rend les bananes rouges-briques et immangeables.

Il n’y a aucun remède. Les bananiers meurent tous s’ils sont atteints et cela se propage vite. Bientôt, dans cinq, 10 ou 30 ans - le fruit jaune onctueux comme nous le connaissons n’existera plus. L’histoire de la montée et de la chute de la banane peut être vue comme une étrange parabole sur nos entreprises qui dominent de plus en plus le monde - et de là où elles nous mènent.

Les bananes semblent au départ être un produit luxuriant de la nature, mais c’est une douce illusion. Dans leur forme actuelle, les bananes ont été tout à fait consciemment créées.

Jusqu’il y a 150 ans, une grande variété de bananes poussaient dans les jungles du monde et étaient invariablement consommés à proximité. Certaines étaient sucrées ; certains étaient aigres. Elles étaient vertes ou violettes ou jaunes.

Une société appelée United Fruit a pris un type particulier -Gros Michael - dans la jungle et a décidé de le produire en masse dans de vastes plantations, et de l’expédier sur les bateaux frigorifiés à travers le globe. La banane a été standardisée dans un modèle sympathique : jaune et onctueuse et commode pour le picnic ou le panier repas.

Il y avait là une étincelle de génie entrepreneurial mais United Fruit a développé un modèle d’affaires cruel pour y parvenir. Comme l’auteur Dan Koeppel l’explique dans son brillant livre "la Banane : le Destin du Fruit qui Changé le Monde," cela marchait comme cela. Trouvez un pays pauvre, faible. Assurez-vous que le gouvernement servira vos intérêts. S’il ne le fait pas, le renverser et le remplacer par celui qui le fera.

Incendiez ses forêts tropicales et construisez des plantations de bananes. Rendez les populations locales dépendantes. Écrasez toute tentative de syndicalisme. Puis, hélas, vous devez regarder comment les champs à la banane meurent de la maladie étrange qui poursuit les bananes à travers le monde. Si cela arrive, déversez des tonnes de produits chimiques sur eux pour voir s’il y a une différence. Si cela ne marche pas, déplacez-vous dans un autre pays. Recommencez à nouveau.

Cela a l’air d’une hyperbole jusqu’à ce que vous étudiiez ce qui est en fait arrivé. En 1911, le magnat de la banane Samuel Zemurray a décidé de s’emparer du pays du Honduras comme plantation privée. Il a rassemblé plusieurs gangsters internationaux comme le Guy "pistolet" Maloney, a monté une armée privée et a envahi le pays, en installant un amigo comme président.

Le terme "république bananière" a été inventé pour décrire les dictatures serviles qui ont été créées pour plaire aux compagnies bananières. Au début des années 1950, les guatémaltèques ont élu un professeur de sciences appelé Jacobo Arbenz, parce qu’il avait promis de redistribuer un peu de la terre des compagnies bananières aux millions de paysans sans terre.

Le président Eisenhower et la CIA (dirigée par un ancien salarié de United fruit) ont donné des instructions comme quoi ces "communistes" devraient être tués, et ont souligné que de bonnes méthodes étaient "un marteau, une hache, une clé à molette, ou un couteau de cuisine." La tyrannie avec laquelle ils les ont remplacé, a continué à tuer plus de 200.000 personnes.

Mais quel est le lien avec la maladie qui maintenant détruit les bananes du monde entier ? L’évidence suggère que même quand elles vendent quelque chose d’aussi inoffensif que les bananes, les entreprises sont structurées pour faire seulement une chose : maximisez les profits de leurs actionnaires. Dans le cadre d’une économie mixte hautement régulée, c’est une bonne chose, parce que cela aide à produire de la richesse ou des idées. Mais si les entreprises ne sont pas soumises à des règlements serrés, elles feront n’importe quoi pour maximiser le profit à court terme. Cela les mènera à un comportement apparemment déséquilibré - comme l’anéantissement de l’environnement dont elles dépendent.

Peu de temps après que la Maladie de Panama ait commencé d’abord à tuer les bananes au début du 20ème siècle, les scientifiques de l’United Fruit ont averti que l’entreprise faisait deux erreurs. Elle construisait une monoculture gigantesque. Si chaque banane est d’une espèce homogène, une maladie entrant dans la chaîne, n’importe où sur la Terre s’étendra bientôt. La solution ? Se diversifier sur une large variété de bananes.

Les normes de quarantaine de la compagnie étaient également nulles. Même les gens qui étaient censés prévenir l’infection marchaient d’un pas lourd dans les champs en bonne santé portant la maladie sur la terre de leurs bottes. Mais ces deux solutions coûtent de l’argent - et United fruit n’a pas voulu payer. Ils ont décidé de maximiser leur profit aujourd’hui, en calculant qu’ils sortiraient du secteur de la banane si tout cela a tournait mal.

Ainsi dans les années 1960, Gros Michel que l’United Fruit Uni avait emballé comme Une Vraie Banane était morte. Ils se sont bousculés pour trouver un remplaçant qui était à abri du champignon et sont finalement tombés sur la Cavendish. Une banane plus petite et moins onctueuse et qui s’abîme facilement, mais cela devrait aller.

Mais comme dans une scène de film d’horreur, le tueur est revenu. Au cours des années 1980, la Cavendish est aussi devenue malade. Maintenant, elle meurt aussi, son immunité est un mythe. Dans beaucoup de parties d’Afrique, la récolte a baissé de 60 %. Il y a un consensus parmi les scientifiques : le champignon va infecter toutes les bananes Cavendish partout. Il y a des bananes que nous pourrions adopter comme la Banane 3.0 - mais elles sont si différentes des bananes que nous connaissons maintenant, qu’elles apparaissent comme un fruit complètement différent et bien moins appétissant. La mieux placées est probablement est la Goldfinger, qui est plus croquante et plus piquante : connue comme "la banane acide."

Grâce au mauvais comportement d’entreprise et aux limites physiques, nous semblons être dans une impasse. La seule faible lueur d’espoir est une banane génétiquement modifiée qui peut s’opposer à la Maladie de Panama. Mais c’est une perspective lointaine et à laquelle s’oppose beaucoup de personnes : aimeriez -vous une banana split dont la banane issue de gènes de poisson ?

Quand nous nous heurtons à une limite naturelle comme la maladie de Panama, nous sommes stupéfiés et ensuite vexés. Cela me semble instinctivement bizarre que les bananes jaunes puissent disparaître de l’offre mondiale de nourriture, parce que j’ai grandi dans une culture sans aucune idée de limites physiques à ce que nous pouvons acheter et manger.

Y a-t-il une parabole de notre temps dans ce milk-shake bizarre de banane, sang et champignon ? Depuis cent ans, une poignée d’entreprises ont bénéficié d’un fruit splendide, libérées de toute régulation et autorisées à faire ce qu’elles ont voulu avec lui. Qu’est-ce qui est arrivé ? Elles avaient une bonne idée entrepreneuriale - et pour en presser chaque petite goutte de profit, elles ont détruit des démocraties, ont incendié des forêts tropicales et ont fini par tuer le fruit lui-même.

Mais avons-nous appris ? À travers le monde, les politiciens comme George W. Bush et David Cameron nous disent que la régulation des entreprises est "une menace" pour revenir en arrière ; ils disent même que nous devrions laisser le climat de la planète entre leurs mains. Maintenant, c’est fou.

The Independent . Londres, le 22 mai 2008.

Johann Hari est un chroniqueur pour The Indépendant.

Son blog : http://www.johannhari.com/index.php

Traduction de l’anglais pour El Correo de  : Estelle Debiasi.

***

By Johann Hari
The Independent
. London. Thursday, 22th May 2008.

Below the headlines about rocketing food prices and rocking governments, there lays a largely unnoticed fact : Bananas are dying. The foodstuff, more heavily consumed even than rice or potatoes, has its own form of cancer. It is a fungus called Panama Disease , and it turns bananas brick-red and inedible.

There is no cure. They all die as it spreads, and it spreads quickly. Soon — in five, 10 or 30 years — the yellow creamy fruit as we know it will not exist. The story of how the banana rose and fell can be seen a strange parable about the corporations that increasingly dominate the world — and where they are leading us.

Bananas seem at first like a lush product of nature, but this is a sweet illusion. In their current form, bananas were quite consciously created.

Until 150 ago, a vast array of bananas grew in the world’s jungles and they were invariably consumed nearby. Some were sweet ; some were sour. They were green or purple or yellow.

A corporation called United Fruit took one particular type — the Gros Michael — out of the jungle and decided to mass produce it on vast plantations, shipping it on refrigerated boats across the globe. The banana was standardized into one friendly model : yellow and creamy and handy for your lunchbox.

There was an entrepreneurial spark of genius there but United Fruit developed a cruel business model to deliver it. As the writer Dan Koeppel explains in his brilliant history "Banana : The Fate of the Fruit That Changed the World," it worked like this. Find a poor, weak country. Make sure the government will serve your interests. If it won’t, topple it and replace it with one that will.

Burn down its rainforests and build banana plantations. Make the locals dependent on you. Crush any flicker of trade unionism. Then, alas, you may have to watch as the banana fields die from the strange disease that stalks bananas across the globe. If this happens, dump tons of chemicals on them to see if it makes a difference. If that doesn’t work, move on to the next country. Begin again.

This sounds like hyperbole until you study what actually happened. In 1911, the banana magnate Samuel Zemurray decided to seize the country of Honduras as a private plantation. He gathered together some international gangsters like Guy "Machine Gun" Maloney, drummed up a private army, and invaded, installing an amigo as president.

The term "banana republic" was invented to describe the servile dictatorships that were created to please the banana companies. In the early 1950s, the Guatemalan people elected a science teacher named Jacobo Arbenz, because he promised to redistribute some of the banana companies’ land among the millions of landless peasants.

President Eisenhower and the CIA (headed by a former United Fruit employee) issued instructions that these "communists" should be killed, and noted that good methods were "a hammer, axe, wrench, screw driver, fire poker or kitchen knife." The tyranny they replaced it with went on to kill more than 200,000 people.

But how does this relate to the disease now scything through the world’s bananas ? The evidence suggests even when they peddle something as innocuous as bananas, corporations are structured to do one thing only : maximize their shareholders’ profits. As part of a highly regulated mixed economy, that’s a good thing, because it helps to generate wealth or churn out ideas. But if the corporations aren’t subject to tight regulations, they will do anything to maximize short-term profit. This will lead them to seemingly unhinged behavior — like destroying the environment on which they depend.

Not long after Panama Disease first began to kill bananas in the early 20th century, United Fruit’s scientists warned the corporation was making two errors. They were building a gigantic monoculture. If every banana is from one homogenous species, a disease entering the chain anywhere on Earth will soon spread. The solution ? Diversify into a broad range of banana types.

The company’s quarantine standards were also dire. Even the people who were supposed to prevent infection were trudging into healthy fields with disease-carrying soil on their boots. But both of these solutions cost money — and United Front didn’t want to pay. They decided to maximize their profit today, reckoning they would get out of the banana business if it all went wrong.
So by the 1960s, the Gros Michel that United Fruit had packaged as The One True Banana was dead. They scrambled to find a replacement that was immune to the fungus, and eventually stumbled upon the Cavendish. It was smaller and less creamy and bruised easily, but it would have to do.

But like in a horror movie sequel, the killer came back. In the 1980s, the Cavendish too became sick. Now it too is dying, its immunity a myth. In many parts of Africa, the crop is down 60 percent. There is a consensus among scientists that the fungus will eventually infect all Cavendish bananas everywhere. There are bananas we could adopt as Banana 3.0 — but they are so different to the bananas that we know now that they feel like a totally different and far less appetizing fruit. The most likely contender is the Goldfinger , which is crunchier and tangier : it is know as "the acid banana."

Thanks to bad corporate behavior and physical limits, we seem to be at a dead end. The only possible glimmer of hope is a genetically modified banana that can resist Panama Disease. But that is a distant prospect, and it is resisted by many people : would you like a banana split made from a banana split with fish genes ?

When we hit up against a natural limit like Panama disease, we are bemused, and then affronted. It seems instinctively bizarre to me that lush yellow bananas could vanish from the global food supply, because I have grown up in a culture without any idea of physical limits to what we can buy and eat.

Is there a parable for our times in this odd milkshake of banana, blood and fungus ? For a hundred years, a handful of corporations were given a gorgeous fruit, set free from regulation, and allowed to do what they wanted with it. What happened ? They had one good entrepreneurial idea — and to squeeze every tiny drop of profit from it, they destroyed democracies, burned down rainforests, and ended up killing the fruit itself.

But have we learned ? Across the world, politicians like George W. Bush and David Cameron are telling us the regulation of corporations is "a menace" to be "rolled back" ; they even say we should leave the planet’s climate in their hands. Now that’s bananas.

Johann Hari is a columnist for The Independent.

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