recherche

Accueil > Notre Amérique > Nécessité et possibilités d’une « Autre Économie » pour l’Amérique Latine.

26 mars 2008

Nécessité et possibilités d’une « Autre Économie » pour l’Amérique Latine.

par José Luis Coraggio *

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Le système capitaliste montre dans la périphérie latinoaméricaine ses pires excès : anéantir ce qui a été obtenu et que ce système a institutionnalisé comme mécanisme matériel et symbolique d’intégration : le travail salarié avec les droits sociaux qui devaient être garantis par l’État ; raser les bases naturelles de la vie, en emportant non seulement les produits de la terre mais la terre même, sa fertilité, son eau, ses équilibres climatiques. Et pas même dans les pays où il obtient des taux inédits d’une croissance si convoitée économique ce processus s’inverse. La pauvreté et l’indigence peuvent momentanément changer leur chiffre mais la tendance à la dégradation de la qualité de la vie continue, le développement des formes les plus perverses d’exploitation des êtres humains et de la nature s’étend. Cette économie capitaliste périphérique ne va pas composer seule des sociétés justes qui requièrent et permettent la reconnaissance et le plein développement des personnalités et des capacités de tous les individus et des communautés. Cela requiert une politique démocratique et un pouvoir social des majorités.

Les travailleurs, précarisés, exclus, fragmentés en tant que classe, réagissent, agissent et réfléchissent. Économie solidaire, de la solidarité, populaire, sociale, sociale et solidaire, communautaire, du travail, de la vie… [1]. Dans cette région nous cherchons un nom pour une variété de pratiques de construction de formes économiques non capitalistes qui essayent de résoudre le problème urgent du soutien quotidien immédiat, mais pas seulement cela, mais l’institutionnalisation de valeurs de solidarité. La solidarité entre les travailleurs d’une coopérative de production ou de consommation, entre les membres d’une Communauté ethnique, entre les voisins d’une association pour un habitat sain, entre les travailleurs syndiqués, entre les travailleurs qui ont récupéré et autogèrent une entreprise en faillite, entre les membres d’une famille étendue, entre les participants à un réseau de commerce équitable, entre les pauvres, entre les diverses formes du savoir, cette solidarité, qu’il n’est pas facile à obtenir - parce qu’elle suppose une pratique complexe, avec des aspects politico-idéologiques, technologiques, organisationnels, juridiques, de communication, affectifs, et une lutte constante pour la maintenir, l’étendre et la consolider- est insuffisante (il faut une solidarité ad supplémentaire : Armando de Melo Lisbonne). Par exemple : la coopérative en concurrence pour sa survie sur le marché agit de façon compétitive, motivée par l’égoïsme particulier non pas de faire des bénéfices sans limite, mais bien d’assurer la meilleure qualité de vie possible à ses membres.

Et en le faisant, elle lutte contre les forces du marché ; contre celles d’autres producteurs, capitalistes ou non, nationaux ou étrangers, luttant pour vendre leurs produits, se concurrençant par les prix ou en essayant de gagner la fidélité des consommateurs ; contre celles du système financier qui habituellement les discrimine ; contre celles des règlements et des normes qu’applique l’État, habituellement pensées pour l’entreprise de capital ; ou les institutions rigides du coopératisme traditionnel. Elle fait aussi face à l’hégémonie d’une culture individualiste, calculatrice, mercantile, de manipulation de l’autre, de méfiance et de scepticisme, de l’immédiateté, de la préférence pour le petit entreprenariat sous contrôle personnel plutôt que pour l’association avec d’autres. Il n’est pas suffisant, alors, de produire des niches de solidarité, d’efficience sociale selon des critères que la société n’a pas intégrés et reproduit comme sens commun. Il est nécessaire d’aller plus loin : pour une autre économie, pour une autre politique, pour une autre société, pour une autre culture, pour un autre monde.

Comme toute mégastructure très complexe, cela ne se modifie pas par la seule action décidée par quelques-uns (l’idée de la « prise du pouvoir » pour révolutionner la société ne jouit pas de légitimité, ou en tout cas on reconnaît que le pouvoir social est construit lentement et laborieusement), et comme il n’existe pas un paradigme plausible de cette autre société, de ses institutions, de ses subjectivités, de ses formes de sociabilité dans la diversité, de sa manière d’agir en politique, de son lien avec d’autres sociétés dans un monde global, nous sommes à un moment de réaction,d’expérimentation, d’apprentissage, de récupération lente de la mémoire, de la perspective historique et d’un regard avec un horizon à long terme, de réflexion sur les pratiques, d’articulation de ce qui est micro et local dans des processus de coalescence au niveau méso-social des projets, des groupes, Communautés, réseaux, mouvements qui réussissent à franchir les frontières nationales comme le Forum Social Mondial le démontre.

Les nouvelles initiatives microsociales pour résoudre ce que Polanyi appelait « la subsistance de l’homme » ont un potentiel pour montrer des options individuelles ou collectives, et elles se développement, mais elles n’ont pas encore ni l’échelle, ni la complexité adéquates, et on a pas obtenu d’avancer suffisamment dans le lien pratique entre la Théorie Critique et la rationalité instrumentale indispensable. Franz Hinkelammert a posé l’irrationalité sociale de notre abandon à la rationalité formelle des moyens aux fins, que caractérise tant les propositions de la théorie économique hégémonique, comme le sens commun justificateur de ce système.

Et il propose une perspective de rationalité reproductrice de la vie de tous, une économie dans laquelle nous entrons tous, comme disent les Zapatistes.

Paul Singer et Luiz Inacio Gaiger ont exploré l’idée que puisse exister un mode de Production Solidaire, capable de reproduire sur ses bases propres une société avec ces valeurs (sans conclusion définitive). Pour étendre l’espace de dialogue, rappelons que pour des auteurs y compris anti-utilitaristes comme Alain Caillé, la possibilité que l’économie est elle-même solidaire, est sans sens, parce que la solidarité sociale est obtenue par la politique démocratique et par une société d’associations libres qui limitent, règlent, encastrent cette économie qui ne pourrait pas cesser d’être un aspect de la vie, de ce qui est relatif en économisant, en calculant, en échangeant, en cherchant des avantages et des solutions pour les nécessités elles-mêmes. Jean-Louis Laville propose de maintenir la différenciation Polanyiana (Karl Polanyi) entre l’économie formelle et la substantielle et affirme la nécessité d’une théorie pluraliste de l’action économique comme action sociale. En retournant à l’Amérique Latine, Aníbal Quijano considère que, au-delà de formes fragmentaires, il ne pourra pas exister une économie alternative sans une structure d’autorité alternative à chacune des variantes de l’État capitaliste.

Défis

Nous faisons face à de nombreux défis : peut -il y avoir un système de commerce juste généralisé, non limité à des cercles qui lient des groupes très inégaux dans leur niveau de richesse ? Comment établir non seulement quelques prix justes pour quelques produits et quelques groupes concrets (Luiz Razeto), mais un Système de Prix alternatif qui produisent aujourd’hui sur les marchés globaux ? Peut-on radicalement transformer le système financier et le contrôle de l’argent, quand les mêmes acteurs de l’économie populaire acceptent et valorise un microcrédit usuraire et disciplinant et préfèrent la monnaie qui a un cours légal aux monnaies locales ? Quelle efficacité a l’autonomie du processus de travail autogéré, s’il n’y pas de transformations radicales dans les médiations culturelles et politiques qui entretiennent le lien social, y compris celui de la participation à un système de division du travail ? Pouvons-nous récupérer le pouvoir de la connaissance dans toutes ses formes, ce qui est ancestral, pratique, scientifico-technique, et l’intégrer comme « intellect général » à tous les acteurs et institutions de cette autre économie et pas seulement dans le capital fixe et à cette strate d’analystes symboliques (Pedro Cunca Bocayuba) ? Pouvons-nous récupérer l’accès juste à la terre et à l’eau (Ulrich Duchrow et Franz Hinkelammert) pour ceux qui la travaillent produisent les aliments dont ont besoin les Communautés et les régions pour assurer leur soutien et à la fois contribuer à produire de dont ont besoin les travailleurs d’autres continents, en dépassant non seulement le commerce mais la consommation inégale ?

Pouvons-nous construire une autre économie sans préalable ou construire simultanément une autre politique, qui reconstitue la volonté des majorités pour une transformation sociale anticapitaliste ? Comment penser le sujet de cette économie si ce n’est en dépassant le sujet métaphysique de la modernité pour le sujet corporel, eu besoin, en dépassant l’eurocentrisme et nous en plaçant moralement du côté des victimes du colonialisme (Enrique Dussel) ?

Ces défis prédisent une longue phase de transition, dans laquelle les promoteurs collectifs partageant des stratégies et l’État dans toutes ses instances (nationales, provinciales et locales) devront remplir un rôle critique. L’application avec justice réparatrice et efficacité sociale du principe de redistribution de ressources matérielles et de la connaissance, la redéfinition des cadres normatifs, la production et la provision de biens publics de haute qualité, et des politiques macro-économiques qui contribuent à la protection de ce secteur, sont des conditions générales du développement d’un secteur organique d’économie sociale qui, à notre avis, ne pourra jamais être seulement soutenu sur ses bases propres sans un État cohérent et actif. Toutes les politiques publiques ont une répercussion sur ce développement possible, il n’est pas question un Ministère, un Secrétariat ou une Direction en charge, à moins qu’il ait la possibilité de convoquer et de coordonner les divers programmes sectoriels. Ce qui suppose des changements significatifs dans la culture politique et bureaucratique de l’État.

Derrière les tendances des statistiques angoissantes et le sens commun justificateur du « possibilisme » l’Amérique latine baroque est en mouvement. De la conjonction de l’impératif de subsister, les pédagogies réfléchies (Marc Tiriba) et les actions qui récupèrent, en synthétisant, cette vaste gamme de mouvements et d’ intellectuels non académiques qui agit, explore, enregistre et systématise de façon participative, qui récupèrent et développent la culture communautaire et anticoloniale des peuples originaires ou des descendants d’esclaves, le socialisme de Mariategui et d’autres grands penseurs de cette région, la théologie de la libération, l’éducation populaire freireane, la théorie de centro-périphérie, la culture populaire de la « légèreté », il convient d’espérer qu’émergent des anticipations plausibles d’un ou plusieurs systèmes production et reproduction dont l’articulation dans une longue transition peut produire une autre manière de résoudre la question de la subsistance et la reproduction étendue de la vie de tous avec dignité et justice.

Références bibliographiques :

- Alain Caillé, "Sobre los conceptos de economía en general y de economía solidaria en particular", en J. L.Coraggio (Comp), Qué es lo económico ?, Editorial CICCUS, Buenos Aires (en preparación)


 José L. Coraggio
(Org), "La economía social desde la periferia. Contribuciones latinoamericanas", Colección Lecturas sobre Economía Social, UNGS/Altamira, Buenos Aires, 2007


 Pedro Cláudio Cunca Bocayuva
, "Economía solidaria y la nueva centralidad del trabajo asociado", (en La economía social…)


 Armando de Melo Lisboa
, "Economía solidaria : una reflexión a la luz de la ética cristiana", (en La economía social…)


 Ulrich Duchrow
y Franz J. Hinkelammert, "Un mundo diferente es posible La reconstrucción del régimen de propiedad desde abajo, en la perspectiva de la vida y del bien común", (en La economía social…)

- Enrique Dussel, Ética de la liberación, Editorial Trotta, Madrid, 1998

- Luiz Inácio Gaiger, "La economía solidaria y el capitalismo en la perspectiva de las transiciones históricas", (en La economía social…)

- Franz J. Hinkelammert, El sujeto y la ley. El retorno del sujeto reprimido, EUNA, Heredia, 2005

- Jean-Louis Laville, "Definiciones e instituciones de la economía. Para un diálogo maussiano", en J.L.Coraggio (Comp), Qué es lo económico ?, Editorial CICCUS, Buenos Aires, (en preparación)

- Karl Polanyi, El sustento del hombre, Biblioteca Mondadori, Barcelona, 1994

- Aníbal Quijano, "¿Sistemas alternativos de producción ?", (en La economía social…)

- Luis Razeto Migliaro, "Aporte a la reflexión sobre ’precio justo’", en Otra Economía, Revista Latinoamericana de Economía Social y Solidaria, Vol 1, Nº 1, 2007 (http://www.riless.org/otraeconomia)

- Paul Singer, "Economía solidaria. Un modo de producción y distribución", (en La economía social…)

- Lia Tiriba, "Pedagogía(s) de la producción asociada : ¿hacia dónde camina

Alai-Amlatina . Équateur, le 25 mars 2008.

Note :

Notes

[1Voir Pablo Guerra (Org), « Comment appeler les expériences économiques solidaires basées le travail ? Dialogue entre des académiciens latinoamericains sur la polémique conceptuelle", dans une Autre Économie, Revue latinoamericaine d’Économie Sociale et Solidaire, Vol 1, Nº 1, 2007. http://www.riless.org/otraeconomia

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site