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11 février 2012

Les routes sinueuses de la crise internationale, vu depuis l’Amérique Latine

 

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Contradictoires, et voire même confuses, ainsi se présentent les informations et versions du parcours économique et politique de la crise internationale. C’est le propre de toute crise, d’où l’imprévisibilité du destin immédiat de la direction des événements mondiaux.

Cependant, il est nécessaire de signaler quelques faits et aussi d’élaborer une hypothèse à ce sujet. De tous, il est connu que cette phase de la crise s’est dénouée dans le centre quasi hégémonique de l’économie mondiale, les EU qui depuis son commencement en 2008 sont arrivés à perdre près de 8 millions d’emplois. Les EU ont réussi à récupérer péniblement 3 millions d’ entre eux, au coût d’une injection presque illimitée de dollars fabriqués sans un autre soutien que leur prépondérance mondiale.

Mais nous avons simultanément pu observer le déplacement de la catastrophe économique vers l’Europe, son associée. D’abord dans ses plus faibles maillons, l’Irlande, la Grèce et le Portugal, ensuite l’Espagne et l’Italie jusqu’à arriver finalement en France. La gravité de la situation européenne a mis en évidence le rôle prépondérant de l’Allemagne et de son économie, principale et presque exclusive, bénéficiaire durant ces 13 années écoulées depuis l’instauration de l’Euro, de cette chance « de convertibilité » à l’européenne. Emerge aussi, de façon criante, le potentiel industriel allemand, conséquence de la dépendance de marché de ses associés de l’Eurozone et de sa capacité à tirer parti de la débâcle soviétique, en réunifiant l’Allemagne au prix de la transformation de la RDA en réservoir de main-d’œuvre bon marché, de même que quelques autres pays de l’est européen, porte-avions productifs externes et d’ une certain mesure dépendants.

L’Allemagne exhibe une autre qualité qui la différencie des EU : son secteur financier fut au service de l’expansion industrielle, en majorité de hautes technicité et qualité et elle a exporté ainsi la bulle financière sous forme de dette souveraine au reste de sa clientèle Europeéenne . Mais cela n’exempte pas de subir les graves conséquences d’une chute en dominos de ceux qui constituent son marché principal de biens industriels et financiers. Tout semble l’indiquer si les recettes du FMI continuent d’être les fondements du chemin « de sortie ». Pendant ce temps le chômage s’étend comme une tache de sang jaillie des « livres de chair » exigées par les gourous de l’architecture financière internationale, qui poussent les indices de « risque pays » vers le haut et la valeur des bons de la dette souveraine vers le bas, afin de les transformer en « Junk bonds ». Termes et équations déjà connues par nos lecteurs, images vécues, expériences douloureuses du peuple argentin.

La France s’introduit dans cette brèche d’intérêts entre capitaux industriels et financiers et semblait surprendre avec la décision de Sarkozy de décider d’appliquer en France, de façon solitaire, la Taxe Tobín, cassant unilatéralement le paradigme d’intouchabilité fiscale du secteur financier. Sa prétention, longtemps réclamée à Merkel, de créer un impôt sur les finances a échoué au moins pour l’instant. Une pirouette provoquée, qui sait, par la désillusion produite par son suragissement militariste dans l’Otan contre la Libye, qui ne l’a pas libéré de la pression allemande pour maintenir la banque Centrale Européenne comme garant de sa suprématie.

Ainsi le risque proche d’explosion de l’Euro comme monnaie commune de l’Eurozone ne se limite pas à la perspective presque inexorable de la Grèce d’avoir à sortir à la recherche d’une dévaluation salvatrice, mais montre le nœud problématique du point de bifurcation de l’architecture européenne construite après la chute du Mur de Berlin. Sauf si quelqu’un ose penser que l’Allemagne de Merkel est disposée à placer son capital réel et potentiel au service du sauvetage européen. Depuis les temps et les analyses de Marx, le capitalisme montre le contraire.

Mais les vents de Fronde qui soufflent depuis l’intensification de la crise européenne autorisent à douter de la force des alliances et blocs traditionnels de pouvoir, surtout quand leurs rafales chargent ses fondements économiques et que le « sauve qui peut » commence à se manifester, comme Londres l’a fait maintenant face au reste d’Europe.

Et les États-Unis où êtes-vous ?

Un moyen de le savoir est de regarder ce que font leurs adversaires principaux. La Chine et la Russie semblent laisser de côté la diplomatie « réservée » (une caractéristique qui surtout sied en Chine) et des déclarations commencent à apparaître, aux niveaux inférieurs ou non officiels, alertant sur le danger de généralisation du conflit guerrier. Ou ce que de façon alarmiste nous pourrions nommer les risques d’une nouvelle guerre mondiale, comme sortie traditionnelle à la crise la plus profonde depuis les années 30 du XXe siècle. Ce qui apparaît comme certain c’est que les deux pays resserrent leur alliance et semblent ne pas être disposés à laisser passer une agression nord-américaine en Iran. Ce qui dans sa version plus « light » pourrait seulement s’agir d’une bravade dissuasive. Ou bien une intervention indirecte à la bataille politique intérieure des US qui vire au vif rouge.

À l’égard des EU, il faut formuler plusieurs observations. Pour la première fois depuis des décennies un gouvernement des Etats-Unis, pressé par ses difficultés économiques, qui se traduisent par un déficit gigantesque, coupe significativement le budget de Défense de son pays. Ce qui affecte le complexe militaro industriel, qui a depuis longtemps surdimensionné la dépense d’armement que requiert la prédominance impérialiste, pour verser des milliers de millions de dollars dans ses coffres. Cela se traduit dans une enchère sur les politiques de défense et des guerres menées ou à mener. La proposition d’Obama est de concentrer la dépense ayant recours à la plus haute technologie et en réduisant l’intervention militaire externe au strict nécessaire pour préserver une hégémonie mondiale qui est diluée dans l’économique et le politique. Une faible consolation : L’Amérique latine est restée, dépriorisée, hors des plans qu’Obama a présentés.

Mais en réalité il y a les autres politiques, inavouables d’un point de vue fondamental, qui surgissent comme alternatives en face des difficultés financières et budgétaires qui apparaissent comme des marais vietnamiens sur le chemin des guerres nord-américaines. L’une est le chemin des assassinats ponctuels, comme ceux de Saddam, Ben La den, Kadhafi et maintenant les scientifiques nucléaires iraniens, c’est-à-dire le terrorisme à peine sournois. L’autre, est la couverture dans le style de celle utilisée avec la Libye, en faisant jouer à ses associés comme la France et l’Italie le rôle de mascarons de prou de l’agression militaire. Sur ce chemin, on prépare Israël pour agresser éventuellement l’Iran.

Et le troisième et plus visible, est le chemin des Drone, qui leur permet des bombardements ponctuels à bas coût et sans offrir leur propre sang. Mais c’est aussi le chemin de la guerre –plus cachée- bactériologique, terrible, indistincte et inhumaine sans paire. Là s’inscrivent les investigations récentes diffusées sur des grippes mortelles. Mais on ne doit pas cesser de considérer que la violence de la politique nord-américaine actuelle porte le signe de sa faiblesse - structurelle déjà - dans l’économique et le politique.

Un chemin propre à soi

Heureusement dans la vie sociale et politique le dernier mot n’est jamais dit. Il n’y a pas de destin inexorable et ni de lois immuables qui conduisent à la guerre. Pas plus de feuilles de route ou de recettes théoriques qui conduisent à la sortie. A moitié si la volonté et l’intelligence des collectifs humains, à mesure qu’ils affinent l’expérience historique de manière vive et agissent en conséquence.

Grossièrement, dans la vie politique étasunienne mouvementée, seuls sont perçus les chemins marécageux. C’est que la droite ultraconservatrice yanki ne trouve pas de candidat « tea party » viable et les libéraux - démocrates ou républicains – qui d’habitude mènent à une mise en pratique du programme conservateur, sont en même temps maîtres coupables dans l’art d’entraver leurs propres politiques de domination, Et les « indignés », surgissant encore comme des champignons générés par la crise, ne peuvent plus que mettre des cailloux faute d’un programme et de densité alternative.

L’alternative, nous les Latinoaméricains l’avons, et nos liens avec les BRICS, à condition d’accélérer le pas à la recherche de l’articulation et des accords indispensables pour éviter les aspects les plus négatifs de la récession internationale, en même temps que nous construisons les mécanismes financiers, économiques et surtout politiques qui dessinent un nouvel ordre possible. Une politique de défense commune ne serait pas une précaution démesurée, sur le chemin d’une politique de paix internationale qui s’oppose aux vieilles et aux nouvelles formes d’agression et d’intervention.

Lido Iacomini
Carta Abierta. Buenos Aires, le 20 janvier 2012

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.

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El Correo. Paris, le 11 février 2012.

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