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24 juillet 2020

Les évangélistes argentins s’organisent en un parti allié à « Juntos por el cambio »

Le macrisme est déjà à la recherche du vote anti-droits

 

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Le parti s’appelle « Una Nueva Oportunidad (UNO) » [Une nouvelle opportunité (UNO)] et rassemble les leaders évangélistes de dix provinces. Ils ont déjà eu une réunion virtuelle avec Patricia Bullrich.

por Werner Pertot*

La coalition « Juntos por el Cambio  » [Ensemble pour le changement] a commencé, il y a longtemps, de tenter de capter le vote anti-droits. Ce n’est pas pour rien que Mauricio Macri a reçu les représentants de l’aile conservatrice des évangélistes au milieu de la campagne pour surmonter la défaite du PASO 2019. Bien qu’ils aient déjà quelques députés - il y en a aussi au sein du PJ -, pour la première fois les différents partis évangélistes provinciaux se rassemblent au sein d’ une force nationale : « Una Nueva Oportunidad (UNO) ». Après une réunion virtuelle avec la présidente du PRO, Patricia Bullrich, ils cherchent à faire partie du futur groupe élargi de « Juntos por el Cambio ».

La participation des évangélistes à la politique argentine a traversé tout le XXe siècle, de William Morris à nos jours. Cependant, il y a une nouvelle vague de secteurs qui cherchent à influencer la politique (en particulier, en matière de lois comme l’avortement) à partir de 2018. Lors des élections de l’année dernière, divers représentants de cette nouvelle éclosion ont émergé, parmi eux la candidature de Cynthia Hotton [1] aux côtés de Juan José Gómez Centurión [2] dans une liste qui s’oppose ouvertement au droit des femmes à avorter et qui a obtenu 450 000 voix aux élections présidentielles. À Santa Fe, Amalia Granata [3] a été élue candidate pour le courant « Unidad por la Familia y la Vida »[Unité pour la Famille et la Vie], avec lequel elle a rapidement rompu pour former un monobloc.

De ce même courant fait parti le pasteur évangéliste Walter Ghione [Député Provincial de Santa Fe.], qui est l’un des chefs du nouveau parti national. « Nous nous armons dans chaque province. Nous voulons créer l’espace au fil du temps, avec des bases pro-vie », a déclaré le député provincial à Página / 12. « Nous rencontrons des dirigeants politiques dans l’ensemble du pays. L’UNO est un espace au niveau national. Ce n’est pas un parti confessionnel. En fait, la plupart des référents sont tous évangéliques », a-t-il dit.

Coïncidence ou pas, UNO est composé de leaders évangéliques d’une dizaine de provinces. Ghione a indiqué parmi elles, Santa Fe, Salta, Entre Ríos, Buenos Aires, Corrientes, La Pampa, Chaco, Formosa et Mendoza. Bien qu’ils soient encore au stade de la formation, an sein de « Juntos por el cambio », on les voit déjà comme des alliés et des partenaires potentiels de l’espace d’opposition dans le futur.

En fait, la première conversation qu’ils ont eue avec une référence nationale fut avec la présidente de PRO, Patricia Bullrich. Celle qui a servi d’intermédiaire pour que cette conversation ait eu lieu, fut la députée Dina Rezinovsky, qui est entrée au Congrès en tant que députée de « l’écharpe céleste » [signe des évangélistes et des sympathisants d’autres bords qui sont contre l’avortement et adhèrent à la campagne « sauver deux vies », ndlt] par l’intermédiaire du PRO. Rezinovsky, cependant, fait partie du PRO et non de l’UNO. C’est le lien avec d’autres secteurs qui n’ont pas encore rejoint « Juntos por el Cambio ».

Outre Ghione, les autres membres de ce courant sont Ana Valoy , PRO de Tucumán, Diego Villamayor de Buenos Aires, Roberto Torres et Leandro Jacobi de La Pampa, une référence pour les églises évangéliques de Paraná, Entre Ríos. La plupart sont ou furent proches du PRO. Après la rencontre avec Bullrich, ils vont en chercher d’autres avec les radicaux Alfredo Cornejo et Mario Negri, et avec la Coalition Civique .

Bien que les différentes églises évangéliques soient hétérogènes et qu’il y ait des secteurs plus progressistes ou plus conservateurs ,elles ont gagné en importance dans la sphère publique. Les secteurs les plus réactionnaires sont regroupés au sein de l’Alliance chrétienne des églises évangéliques de la République argentine (Aciera), qui a fourni le plus grand nombre de manifestants aux manifestations contre la légalisation de l’avortement, sûr et gratuit. En Argentine, le nombre d’évangélistes (et, en particulier, de pentecôtistes) n’atteint pas les niveaux du Brésil, mais il augmente. Selon une enquête sur les croyances religieuses publiée à la fin de l’année dernière, ils représentent 15% de la population. On estime qu’ils sont environ neuf millions.

Pendant les gouvernements Macri et María Eugenial Vidal, ils sont entrés en contact étroit avec l’État. En fait, l’ancienne gouverneur leur a reconnu à maintes reprises de « travailler pour le bien commun » et les a intégré comme médiateurs pour la distribution de nourriture pendant les pires étapes de la crise économique qui a débuté en 2018. C’est un rôle que l’Église catholique occupe depuis des années, mais les secteurs évangéliques se sont ajoutés. Ainsi, ils ont participé à la distribution de plus de 400 000 kilos de lait en poudre et 120 000 modules d’aide alimentaire. Macri leur a ouvert la voie pendant son gouvernement mais surtout dans la dernière phase de sa campagne, quand il a dit d’acte en acte qu’il était toujours « avec le foulard bleu clair ».

La réalité argentine est cependant loin de celle du Brésil, où selon un recensement de DataFolha de 2016, 30% de la population est évangéliste, dans ses différents aspects. Et où depuis 2014, on compte un bloc important de parlementaires (environ 90), qui ont rejoint le banc de la triple B (Bible, Bovins et Balles de munitions). Après l’arrivée au pouvoir de Jair Mesias Bolsonaro, plusieurs chercheurs universitaires travaillant sur l’évangélisation ont averti que les cas argentin et brésilien ne sont pas comparables, en raison de la manière dont le vote confessionnel s’est développé dans le pays voisin et non en Argentine.

Cependant, les élections menées l’année dernière par Granata et Hotton (une evangéliste qui évolue en politique depuis des années, à l’origine avec Francisco De Narváez), ont amené Juntos por el Cambio à se concentrer sur ce secteur. Il reste à voir comment se dérouleront les futures négociations avec l’UNO et comment cela pourra être concilé avec le secteur en faveur de la légalisation de l’avortement qui existe également au sein du PRO.

Werner Pertot * pour la Página 12

Página 12. Buenos Aires, le 24 juillet 2020

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi.

El Correo de la Diaspora. Paris, le 23 juillet 2020.

Notes

[1Cynthia Hotton est une politicienne argentine, ancienne députée nationale et candidate à la vice-présidence.

[2Juan José Gómez Centurión est un,miltaire et homme politique argentin.

[3Amalia Granata est une mannequin, journaliste et politicienne argentine. Elle est membre du Congrès de la province de Santa Fe depuis 2019.

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