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24 janvier 2003

Le pétrole, nerf de la guerre.
En Colombie aussi.

par Christine Renaudat

 

Une file de voitures et de camions s’allonge devant l’entrée du site pétrolier. Dans la chaleur écrasante, des soldats fouillent les véhicules, et des chiens anti-explosifs reniflent le chargement des coffres. Sur les murs du poste de contrôle sont épinglées les photos d’une dizaine de guérilleros recherchés pour sabotage.

Derrières les barrières jaunes et noires du barrage, le site pétrolier le plus surveillé de Colombie, Caño Limon, étend sur des hectares ses puits de pétroles. « Bienvenue à la Occidental Petroleum » proclament d’immenses pancartes rouillées.

Sur la route qui serpente dangereusement, Jesus Angarita, employé du site, évite les nids-de-poule. Ici, la guérilla a dynamité un camion. Le trou n’a toujours pas été bouché. Un peu plus loin, il montre les restes calcinés d’un puits de pétrole attaqué il y a un mois. Ça n’arrête jamais. Les guérilleros n’aiment pas les gringos, soupire-t-il. Pourtant, 70 nouveaux « gringos » ont été parachutés dans le département la semaine dernière. Les bases militaires de l’Arauca préparaient depuis des mois l’arrivée des soldats des Forces spéciales américaines.

L’ambassade m’a envoyé jusqu’aux architectes pour construire les bunkers, explique agacé le lieutenant colonel Santiago Herrera, sur un des centres d’entraînement. Les Etats-Unis ont promis que leurs Marines ne sortiraient pas, ou presque, de ces bunkers cinq étoiles. Ils ne sont pas là pour combattre, a assuré le Département d’Etat. Leur mission consistera à préparer 6.500 soldats colombiens pour protéger les installations de la multinationale contre la guérilla.

German Vargas, chargé de communication de l’entreprise, compte sur cette aide pour retrouver un peu de tranquillité. Il y a 6 mois, un missile artisanal de la guérilla a atterri à 50 mètres de son bureau et des réservoirs de pétrole. Depuis l’arrivée de l’entreprise dans la région, en 1985, les puits et l’oléoduc qui transporte chaque jour 110.000 barils de brut vers la côte des Caraïbes et les États-Unis, ont été attaqués près de 1.000 fois.

Au départ, tout a commencé pourtant assez bien. La guérilla de l’Armée de libération nationale, ELN, dont l’Arauca est un bastion depuis des années, laisse construire l’oléoduc en un temps record, grâce à l’impôt généreux que verse l’entreprise de construction pour garantir sa tranquillité. Mais la Oxy décide de rompre avec ces coutumes. Elle finance et accueille une base militaire dans ses installations, d’où partent les hélicoptères qui combattent la guérilla. En réponse à cette intromission de la multinationale dans le conflit, les attentats de l’ELN et des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) se multiplient.

Attiser la guerre

Entouré d’une garde rapprochée d’une dizaine de jeunes guérilleros, Alberto*, commandant d’un front des Farc qui opère dans la zone, explique cette stratégie. Les Américains nous ont déclaré la guerre. Ils nous considèrent officiellement comme des terroristes. Nous répondons en leur déclarant la guerre. La guérilla attaque donc tous ceux qui collaborent avec la Oxy.

Le mois dernier, deux gardiens sont tués dans un bus de l’entreprise. Les villes qui longent l’oléoduc sont également touchées. A Saravena, les derniers attentats en octobre ont fait une dizaine de victimes. Et la situation s’enlise depuis que le gouvernement colombien a décidé en septembre d’inclure le parcours de l’oléoduc dans une de ses zones d’exception. L’armée, qui supplante avec des pouvoirs spéciaux la plupart des autorités civiles, a arrêté près d’une centaine de personnes, souvent sans preuve de leur appartenance à la guérilla. Ils arrivent dans un parc, ferment les entrées et nous emmènent jusqu’au bataillon sans explication, raconte un habitant. Après, on apparaît dans les journaux comme guérilleros.

Ces méthodes sont arbitraires, inefficaces et ne font qu’attiser la guerre, analyse Teresa Cedeño, défenseur des Droits de l’homme de la région. L’arrivée des soldats américains aura, selon les habitants, le même effet. Ici, les gringos ont déjà laissé un souvenir amer. En décembre 1998, sur les indications de trois mercenaires américains payés par la Occidental Petroleum, l’armée colombienne a bombardé par erreur un village, tuant 18 civils. L’arrivée de cette force spéciale ne va pas arranger les choses. Les Américains veulent sauver leur pétrole à n’importe quel prix. Et nous aurons encore plus de morts et plus de larmes, prophétisait récemment Oscar Garcia syndicaliste de la Oxy.

* Le nom du guérillero a été changé

Le Soir, à Cano Limon (Arauca), 20 de enero de 2003

© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2003.

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