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22 septembre 2003

La vulnérabilité argentine face à la propagande scientiste pro-OGM du modèle néo-libéral.

par Lilian Joensen

 

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Au delà de la destination première de l’article suivant, c’est clairement de la responsabilité de cadres dirigeants et exécutants dont il est question dans un projet sociétal. Ceci est valable pour tous les corps de métiers et à tous les plans, notamment éthique. Le débat sur la compromission des cadres avec un modèle est incontournable aujourd’hui. Ce débat doit avoir lieu pour le bien être du plus grand nombre.
Carlos Debiasi

La Transgénesis. Une simple technique d’étiquetage de semences

Quand on défend la biologie moléculaire, on ne défend pas toujours une branche de la science. Très souvent on défend une industrie (1-4). La biologie moléculaire est l’étude des événements moléculaires, principalement au niveau d’ADN et d’ARN. Au moyen de la biologie moléculaire, on a pu révéler plusieurs mécanismes intra - et intercellulaires depuis leurs origines, mais non jusqu’à leur terme. Parce que, en réalité, aucun processus biologique, ne peut être connu jusqu’à son terme.

En connaissant comment on synthétise une enzyme, on peut construire une hypothèse basée sur la probabilité. Je m’encourage à affirmer que jamais l’étude basée sur une hypothèse biologique ne nous a amenée à des conclusions simples uniques et absolues. L’étude des phénomènes biologiques nous a toujours amené vers des surprises qui débouchent sur de nouveaux de mystères à révéler. Et encore aujourd’hui, bien que souvent on veuille nous tromper, chaque découverte pose une solution minimale, en même temps qu’elle ouvre la porte à de nouveaux problèmes et à des mystères qui mettront des décennies à être éclaircis, si l’être humain a suffisamment de temps pour continuer à étudier, dans l’esprit dans lequel on utilise à la science, uniquement à des fins de profit et non comme un outil pour augmenter nos connaissances.

Quand je dis qu’on veut nous tromper, je me réfère au fait que le modèle néo-libéral a pris les rênes de l’utilisation des connaissances scientifiques, par le biais d’entreprises multinationales qui décident des politiques "scientifiques" à suivre, spécialement dans les pays du Tiers Monde (4-7).

De nos jours, quand une entreprise multinationale voit un intérêt dans l’étude qui mène au développement d’une certaine technique qui, indirectement, peut lui servir à augmenter ses profits et par conséquent, son pouvoir économique, alors la dite technique est mise en avant, en subventionnant les projets des scientifiques qu’ils réussissent à convaincre de par les bénéfices économiques qu’on peut en tirer. Beaucoup de scientifiques n’ont pas de scrupules pour livrer leur connaissance au service des grands groupes économiques, puisqu’ils obtiennent directement un bénéfice de cette livraison (8-9).

Mais il ne s’agit pas seulement des scientifiques qui travaillent directement dans le secteur privé. Dans la mesure où dans les états du Tiers Monde ils ont été détachés des universités, en faisant appel à des subventions provenant d’entreprises multinationales, d’entités étatiques de subventions au Tiers Monde par les pays développés, ou par le biais d’agences et d’institutions internationales comme les Nations Unies (la FAO, OMS, UNICEF), les scientifiques de la recherche publique du Tiers Monde ont été directement « invités » à orienter leurs recherches vers les intérêts de leurs « sponsors » (10-11).

Il est important que les gens perdent l’innocence qui les amène à croire que la FAO, l’OMS ou l’UNICEF sont des institutions indépendantes des intérêts des multinationales. Il n’en est absolument rien. Ces agences du PNUD et leurs fonctionnaires dépendent aussi dans une grande mesure des subventions des puissantes entreprises.

D’autre part, les scientifiques du « premier monde » ne sont pas étrangers à cette réalité. Ils dépendent aussi des subventions de ces multinationales, en plus des subventions publiques de leur pays. Pays qui, d’autre part, souffrent aussi des coupes budgétaires permanentes, produits des politiques néo-libérales de leurs dirigeants. De plus, dans la majorité de ces pays, par exemple en Europe, on dispose d’un certain niveau intellectuel, d’une presse libre, accessible au plus grand nombre, chose qui n’est pas le cas dans des pays du Tiers Monde, comme le nôtre. Pour ce motif, le public a davantage accès à une information critique et à davantage d’indépendance de pensée. Ceci mène à ce que la recherche scientifique soit plus contrôlée et mise en question, quand elle est soupçonnée de manipulations ou de manœuvres purement orientées et de profit.

Puisque les scientifiques sont des êtres humains, produits de la société dans laquelle ils vivent, ils ont les mêmes vices que tout autre personne. Et je cite seulement les défauts, parce que le même système se charge déjà de mystifier les vertus du scientifique, donc je ne crois pas qu’il vaille la peine de faire un effort sur ce point. Je répète que les scientifiques de nos jours ne sont pas parfaits et sont aussi vulnérables à la corruption que tout autre professionnel de la politique, de l’économie, de la loi et autres branches de la société.

Je clarifie ce point pour expliquer qu’une grande partie de l’expérimentation scientifique qui ne peut pas être menée à bien dans les pays où la population l oblige ses dirigeants à respecter le principe de précaution, est menée à bien dans nos pays du Tiers Monde. Et ceci est garanti tant par les agences du PNUD (PNUMA, IFPRI), que par les gouvernements qui résistent à l’expérimentation dans leur propre pays. Et en ce sens, l’Argentine qui a souffert de la publicité scientiste - alors qu’elle compte avec une population urbaine dans sa pensée et son mode de vie, qui pratiquement dans sa totalité voit la campagne comme un sujet simplement folklorique, sans comprendre son importance réelle- est beaucoup plus vulnérable pour être l’objet d’une certitude sans montrer de position critique.

L’Argentine, beaucoup plus qu’autres pays du Tiers Monde, est vulnérable à la publicité scientiste pro-transgéniques, parce qu’elle ne compte pas une population rurale enracinée, importante en nombre, qui permet une culture et une pensée propres, qui rend visibles l’importance qu’a la terre et les manières de production y compris pour l’habitant de la ville. Une population qui comprend qu’il y a une connexion directe entre la production et la souveraineté et la sécurité alimentaire. Qu’il y a une connexion directe entre des modèles de production agricole et la faim ou le bien-être social. Qu’il y a une connexion directe entre le modèle agricole et les prix, la qualité, la quantité et la variété des produits accessibles dans les gondoles du supermarché.

Cela ne devrait pas être très difficile d’élucider ceci, mais pour une quelconque raison, ni la population argentine, ni ses politiciens, ni d’ailleurs ses scientifiques, ne peuvent le voir. En ajoutant alors la relation qui existe entre les entreprises multinationales, les organismes internationaux du PNUD (PNUE ifpri), les entités publiques de subventions au Tiers Monde, les pays riches et les scientifiques disposés à vendre leurs connaissances (voir cette interrelation des sponsors dans : (12-14)), la biologie moléculaire est devenue un outil de profit pour quelques entreprises.

Mais pour que ceci soit possible, la pensée qui "réduit" la biologie à la chimie, sans maintenir la vision holistique de la complexité de la première, a été un outil fondamental. Ceci s’est spécialement produit dans des universités, comme les universités argentines, où les étudiants qui choisissent la biologie moléculaire comme orientation de leur carrière, ont cessé de recevoir une éducation obligatoire dans d’autres disciplines de la biologie, comme l’écologie et l’évolution. On a même restreint la connaissance générale de la physiologie tant humaine qu’ animale et végétale.

La politique universitaire de la carrière biologique orientée vers le moléculaire a restreint son programme, afin de donner de l’importance et une transcendance à des matières qui tendent vers une vision nettement réductrice. On a créé simplement durant les dernières années des carrières orientées vers une approche technicienne, en relation avec la biologie moléculaire et l’alimentation. De plus, les biologistes diplômés, produits de la carrière moléculaire, n’ont pas une formation panoramique de base. Ils savent incroyablement beaucoup sur les méthodes de clonage et d’expression des vecteurs. Mais s’ils s’éloignent de cela, ils sont totalement vulnérables.

Dans les facultés de Sciences Exactes, de nos jours on peut observer une différenciation claire entre les "moléculaires" et les "écologistes" comme si les deux orientations étaient opposées et irréconciliables l’une avec l’autre. Il existe aussi une surestimation de la qualité intellectuelle des biologistes moléculaires. Ceux-ci ont même reçu énormément de pouvoir dans plusieurs centres de recherche étatiques, c’est pourquoi la vision réductrice prédomine. En outre, on observe ceci dans les carrières de doctorat, qu’ils tendent de sélectionner en donnant une plus grande quantité de points aux cours qui favorisent la vision réductrice de la biologie, même dans l’épistémologie.

Tout ceci fait que l’étudiant et le professionnel diplômé en spécialité moléculaire se transforment en fondamentalistes réels, qui n’acceptent pas une autre vision critique. Il leur est impossible de comprendre d’autres positions et ils se sentent attaqués face aux remises en question. La biologie moléculaire est une fin en soi pour eux, comme ce que la religion et la défense d’un dieu tout-puissant et créatif sont pour les partisans de la création. Il n’est pas possible d’avoir une discussion scientifique avec eux.

Ils versent dans des concepts équivoques dans lesquels ils croient de façon obtuse. Cette nécessité de défense face à l’"attaque" d’autres idées plus vastes, le fait s’enfermer dans un système corporatif très solide et difficile à pénétrer ou à casser aussi bien depuis l’intérieur que de l’extérieur ; cette restriction de la connaissance à ce qui est simplement moléculaire, fait aussi qu’ils défendent un modèle qui garantit leur existence et leur travail. Ce modèle les contient réellement, puisqu’il voit en eux un outil fondamental pour sa publicité. L’aspect réducteur de la biologie peut seulement exister dans un modèle néo-libéral.

En même temps, les multinationales de la biotechnologie peuvent croître économiquement seulement si on permet de refléter une pensée biologique réductrice au mépris de la connaissance scientifique intégrale. Ce modèle a besoin de scientifiques qui croient et promulguent la défense et l’inévitabilité du brevetage de gènes, comme la seule ressource pour que la science accomplisse un rôle lucratif pour l’entreprise sponsor, seule forme possible de subsistance dans le modèle néo-libéral. Ce modèle a besoin de scientifiques qui savent beaucoup de très peu et rien du reste. Il a besoin de scientifiques fondamentalistes qui défendent obséquieusement des hypothèses incomplètes et trompeuses. Il a besoin de scientifiques qui, avec l’autorité que leur donnent leurs responsabilités dans des entités publiques, éliminent toute hypothèse qui ne convient pas à leurs sponsors. Il a besoin de la fierté et de l’arrogance pour désarmer toute possibilité de discussion constructive. Il a besoin de scientifiques disposés à confondre ou embrouiller l’opinion publique.

Mais justement, il a besoin de scientifiques avec une préparation intellectuelle restreinte aux connaissances ponctuelles et ignorant totalement ce qui est général. Il a besoin de scientifiques chaque fois plus compromis dans des politiques qui tôt ou tard démontreront leur très haut caractère risqué et erroné (15-16). Tout ceci a pu être garanti de manière incroyablement efficace et progressive dans les universités argentines, durant ces dernières décennies. C’est ainsi que le modèle agricole des cultures transgéniques, tellement mis en question dans le monde, a disposé de la totale sympathie des scientifiques argentins réductionnistes, qui ont pris part de manière active et fondamentale dans le lobby des multinationales de l’agrochimie (8-9). Ils ont convaincu les producteurs et ils se sont convaincus eux-mêmes, à travers un mécanisme de retro-alimentation, des bénéfices des cultures transgéniques.

Ils ont travaillé dans les secteurs privés et publics (9) pour entraîner le producteur dans un modèle qui montre maintenant ses pièges (15-16). Pièges qui étaient évidents et prédictibles pour ceux qui avertissaient des risques en exigeant des mesures conformes aux principes précaution.
Nous disposons maintenant de millions et de millions d’hectares ensemencés avec des cultures transgéniques dans tout le territoire argentin (17-18). Cultures de semences qui ont été conçues avec des gènes brevetés pour la vente immédiate et à long terme d’herbicides qui sont commercialisés par les mêmes entreprises propriétaires des semences génétiquement modifiées. La modification génétique des cultures n’a aucun sens en dehors du cadre économique néo-libéral.

La modification génétique des cultures sert seulement à permettre que des entreprises comme Monsanto (2) et leurs associés puissent vendre de manière monopolistique leurs semences, leurs produits agrochimiques et leurs machines. Elle sert seulement à ce que les entreprises comme Monsanto puissent disposer d’une façon d’étiqueter chimiquement une semence ou une plante. Ceci pourrait principalement être fait avec toute séquence d’ADN, puisqu’en la connaissant, on pourrait suivre l’étiquette moléculaire avec des techniques de base de biologie moléculaire.

Mais, évidemment, le fait d’introduire une étiquette d’ADN sans sens pour la traduction génétique dans une semence ou dans une plante, produirait sûrement un rejet logique. C’est pourquoi il est étiqueté avec des gènes connus et justifiables. Pour cela, on étiquette ainsi les gènes B.t incorporés au maïs et au coton transgéniques. Ces gènes confèrent à la plante la résistance à des insectes (19). Mais utiliser les gènes B.t, c’est seulement une façon de justifier convenablement la modification génétique, toujours dans une vision réductrice. Dans la pratique on démontre que cette modification génétique est nuisible à long terme pour l’environnement (15). Bien qu’elle ne soit pas nuisible pour Monsanto, l’entreprise qui en a acquis le brevet.

Une autre façon pratique d’étiqueter les semences et les plantes est de la faire à travers des ADN qui en même temps se codifient pour résister au glifosato (RR par RoundUp Ready), un herbicide propriété de l’entreprise qui commercialise les deux (19). Ainsi non seulement on obtient d’étiqueter la semence, mais on rend dépendant le producteur, en le poussant à acheter une quantité chaque fois plus grande de l’herbicide en question. En outre, on l’oblige à l’utilisation progressive d’autres herbicides qui forcent la même dynamique de la sélection directionnelle, comme conséquence de la résistance des broussailles provoquée par la pression exercée pour le glifosato (16). Encore une fois, ce qui finit par être nuisible pour le producteur et le pays en général, est bénéfique pour Monsanto, qui a obtenu les droits de propriété des semences et créations phytogénétiques, ainsi que le droit de propriété intellectuelle par la technologie et l’expérience incorporées dans les variétés, comme l’exige le contrat commercial que doivent maintenant signer les producteurs pour l’utilisation des semences. Il convient de souligner, à la seule fin de découvrir la perversion du mécanisme de séduction auquel ont été soumis les producteurs argentins, que ceux-ci contrairement aux américains, ont été exemptés du paiement de redevance à Monsanto, outre le fait que l’entreprise ait maintenu un niveau de prix très faible pour l’herbicide, pendant plusieurs années. Ceci avec l’objectif, qui devient maintenant évident, de les soumettre à un modèle agricole, dont ils ne peuvent pas sortir.

A mon avis, il n’y a aucun argument scientifique qui justifie la modification génétique comme méthode d’ "amélioration" des cultures. Ce n’est simplement pas économiquement rentable à long terme pour la société. Tout au contraire, les modifications génétiques ne sont pas stables et permanentes. Les mécanismes d’expression génétique sont infiniment complexes et non maniables. Les facteurs tant internes qu’externes auxquels sont exposées les cultures transgéniques, comme le climat, la salinité et l’acidité du sol et d’autres, ont des conséquences difficilement prédictibles du point de vue scientifique. Il est possible de savoir comment cela a commencé, mais on ne peut certainement jamais savoir comment cela va se terminer. Ceci devrait être su des scientifiques. Ils devraient le signaler à la population. Et ils ne le font pas. Bien au contraire, l’INTA vend l’idée des supposés bénéfices des OMG en escamotant la vérité.

La diminution des récoltes qui est observée dans les cultures transgéniques pourrait être due à cette instabilité génétique des plasmides introduits dans les plantes. Il serait intéressant qu’on étudie en profondeur cette hypothèse, mais qui voudra ce travail de recherche, quand les résultats probablement seront défavorables aux intérêts des entreprises sponsors de la recherche des OGMs. Pour moi, comme biologiste moléculaire avec des connaissances qui vont au-delà de la simple technique de ma spécialité, je ne conçois pas la science transgénique comme une méthode nécessaire pour améliorer les cultures. Tout au contraire.

Je peux seulement comprendre la manipulation génétique comme une simple méthode pour étiqueter des plantes avec un intérêt commercial. Si on pouvait estampiller une semence à l’extérieur avec un logo et ainsi garantir la propriété du commerçant, cela aurait été fait. Mais comment convaincre les politiciens et les producteurs de quelque chose dont les intentions seraient tellement évidentes. La mystique scientiste réductrice a atteint l’objectif principal des manipulations génétiques : garantir la propriété privée de quelques entreprises de cultures d’intérêt commercial.

Lilian Joensen, PhD (secteur biologie cellulaire)
GRR Groupe de Réflexion Rurale/REDALLT(Argentine)
Courrier : grupodereflexionrural@hotamil.com
Courrier : rtierra@yahoo.com

Références :
1)
http://www.dowagro.com/ar/about/arg...

2) http://www.monsanto.com.ar

3) http://www.foarbi.org.ar/Empresas/E...

4) http://www.bioceres.com.ar

5)http://www.inta.gov.ar/crbsass/balc...

6)http://www.inta.gov.ar/crbsass/balc...

7)http://www.aapresid.org.ar/seccione...

8) http://www.portalalimentario.com/PD...
Agriculture- ensemencement direct : X Congrès National d’AAPRESID. l’Affaire de la Biotechnologie. 14-ago-02- E-campo.com. Agronegocios par internet. Presse AAPRESID 14-ago-2002.

9) http://rafaela.inta.gov.ar/publicac...

10) http://www.ambiente-ecologico.com/e...

11) http://istoe.terra.com.br/planetadi...

12) www.ifpri.org

13) www.isaaa.org

14) www.futureharvest.org

15) :http://www.bio.ic.ac.uk/research/d...

17) http://siiap.sagyp.mecon.ar/http-hs...

18) http://siiap.sagyp.mecon.ar/http-hs...

19) Genetic Engineering in Agriculture. Pflanzanschutz Nachrichten Bayer. Bayer AGS. Special Issue : 33-56, 1996

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