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7 février 2016

La situation en Argentine inquiète la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH)

par Washington Uranga

 

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Le rapporteur pour la Liberté d’Expression de la Commission Interaméricaine de Droits de l’Homme (CIDH) a rencontré les dirigeants des organismes de défense des droits de l’homme, associations et groupes liés à l’univers des médias. Il a aussi rencontré des fonctionnaires du Gouvernement.

La Commission Interaméricaine de Droits de l’homme (CIDH) s’inquiète de la situation vécue en ce moment en Argentine dans le domaine qui relève de son ressort. C’est ce qui a été mis en évidence à la suite d’une série de réunions qu’a eu l’avocat et communiquant uruguayen Edison Lanza la semaine dernière à Buenos Aires. Rapporteur pour la Liberté d’Expression de l’organisation internationale, Edison Lanza s’est entretenu avec des représentants du Gouvernement, mais aussi avec des représentants des organismes de défense des droits de l’homme, associations et groupes liés à l’univers des médias de communication.

Le premier contact formel de Lanza avec la question argentine a eu lieu le 22 janvier dernier quand il a rencontré Washington la défenseur du Public, Cynthia Ottaviano, rencontre à laquelle a aussi participé le secrétaire exécutif de la CIDH, le Mexicain Emilio Alvarez Icaza.

En termes formels le passage de Lanza par l’Argentine ne fut pas une « visite » programmée par la CIDH, mais étant donnée la quantité de croissante de plaintes reçues à Washington sur des violations présumées des droits de l’homme dans différents domaines et étant donné que le rapporteur prévoyait d’être à Buenos Aires pour participer à un séminaire (Quantifying Societies : An exploration of date exploitation in the la Date Driven Society) , il a été chargé par la Commission de la « mission » de mener des entretiens pour récolter de l’information sur la situation actuelle.

Pendant son séjour à Buenos Aires le rapporteur a eu un entretien avec le chef de Cabinet, Marcos Peña, et avec Miguel de Godoy, le responsable de l’Entité Nationale de Communications (Enacom), l’organisme qui par décret du président Mauricio Macri a remplacé l’Afsca (l’Autorité Fédérale de Services de Communication Audiovisuelle) et l’Aftic (l’Autorité Fédérale des Technologies d’Information et de Communications). C’est la première fois que des fonctionnaires du gouvernement macriste assistent à une rencontre formelle avec les représentants de la CIDH. Jusqu’à présent officiellement le gouvernement n’avait même pas répondu aux notes de la Commission demandant de l’information sur les plaintes reçues. En revanche, il y a eu des démarches informelles pour essayer d’expliquer et de justifier les actions officielles.

Marcos Peña et Miguel de Godoy se sont vus poser une série de questions et de demande d’éclaircissements de la part de Lanza sur les motifs qui ont mené le Gouvernement à émettre des décrets de nécessité et d’urgence (DNU) pour modifier la législation en matière de communication, mais aussi les raisons pour essayer de désigner des Juges de la Cour Suprême par décret (chose inusuelle en Argentine où c’est la tache du Congrès. NDLT). L’uruguayen a également fait part de sa préoccupation à propos de l’arrestation de Milagros Sala, l’état d’urgence en matière de sécurité qui habilite l’attaque d’avions en vol et les abus dénoncés (répression très violente non justifiée avec des tirs des balles en caoutchouc. NDLT) contre les travailleurs et les manifestants de la part des forces de sécurité.

Au sujet des DNU qui ont éliminé l’Afsca et l’Aftic, tant Peña que Godoy se sont montrés inflexibles, assurant qu’il n’y aura pas de retour en arrière sur cette mesure. Défendant cette décision, les fonctionnaires ont argumenté qu’il s’agit d’une disposition tendant à « favoriser la convergence » et à « moderniser » les communications. Il est aussi ressorti que le Gouvernement aurait l’intention d’envoyer au Congrès un projet de loi fixant la nouvelle stratégie dans la matière, mais malgré cela, de nouveaux décrets pourraient être adoptés pour approfondir le cap choisi. Face aux interlocuteurs officiels mais aussi face à tous ceux qui l’ont interviewé, Lanza a souligné sa préoccupation à titre personnel et celle de la CIDH pour que les standards internationaux du respect pour le pluralisme, la liberté d’expression et la diversité demeurent en Argentine, insistant sur le danger que représente en cela le contrôle monopolistique et la propriété croisée des médias de communication de masse.

Lanza s’est aussi entretenu avec Cynthia Ottaviano, la défenseur du Public avec qui il s’était entretenu il y a quelques semaines à Washington. À plusieurs occasions le rapporteur a évalué le travail réalisé par la Defensoria, chose que reconnaissent aussi, d’après ce qu’on sait, les fonctionnaires du gouvernement macriste, qui auraient assuré Lanza qu’il n’y avait pas d’intention de modifier la situation de l’organisme que la Loi de Services de Communication Audiovisuelle (LSCA) a créée pour la défense des publics. A l’occasion Ottaviano a insisté sur les mêmes points présentés à Washington quant à l’irrégularité que suppose de modifier par décret des normes qui ont été approuvées par des lois avec un vaste consensus et qui touchent à la communication démocratique. Selon la défenseur, « Lanza a reçu toute la documentation avec beaucoup d’intérêt et s’est engagé à tout transmettre à la Commission ».

Martín Sabbatella, l’ex responsable viré [para la force NDEC] de l’Afsca, s’est aussi entretenu avec Lanza pour présenter son point de vue. Selon Sabbatella, « ce fut une rencontre très positive lors de laquelle Lanza a réaffirmé le souci de préserver la pluralité et la liberté d’expression ».

Ce ne fut pas les seules rencontres. Dans un agenda très dense Lanza a rencontré les représentants de la Coalition pour la Communication Démocratique (CCD), l’alliance qui à travers « 21 points » a poussé l’approbation de la LSCA. A cette rencontre ont aussi participé les représentants de Farco (Forum Argentino de Radios Comunitarias), le Syndicat Argentin de Television (SAT) et la Redcom (Réseau de Carrières de Communication). Dans ce cadre, Lanza a reçu des points de vue semblables quant à l’inquiétude que génèrent les mesures officielles en matière de communication.

L’hôtel dans le quartier de Retiro, (quartier du centre de Buenos Aires. NDLT) siège de la rencontre à laquelle Lanza participait fut le lieu d’une réunion que le rapporteur a eu avec des organismes de défense des Droits de l’Homme. Ont participé à ces entretiens Estela de Carlotto (présidentes des Grand-mères de Place de Mai), Taty Almeyda (Mères de Place de Mai-ligne une fondatrice), Lita Boitano (Familles des Détenus et disparus pour Raisons Politiques) et une délégation H.I.J.O.S. Capitale (enfants des disparus NDLT). A un autre moment, Lanza a rencontré avec une équipe du CELS (le Centre d’Études Légales et Sociales). Dans le contenu de ces réunions, il y a eu des allusions directes au « climat de violence institutionnelle », mais aussi des remarques sur l’usage des DNU, les déclarations de Darío Lopérfido et la préoccupation concernant la préservation de la documentation quant à la mémoire des violations des droits de l’homme en Argentine. Taty Almeida a remercié Lanza de les avoir reçus mais a aussi déclaré « nous voyons avec tristesse qu’à cette hauteur nous devons recourir encore une fois à la CIDH pour dire que les droits de l’homme sont violés en Argentine ». Estela de Carlotto, s’est exprimé dans le sens, soulignant que « être venu pour le sujet pressant de la liberté d’expression et ne pas se désintéresser d’autres sujets est aussi une très grande gentillesse » de la part du rapporteur et a remarqué que « l’important est que nous savons que quelqu’un nous écoute à Washington ».

A un autre moment de son séjour, Lanza a rencontré des représentants du Cemci (Commission Entrepreneuriale des Médias Indépendants) un organisme que regroupe des éditeurs de quotidiens et de revues, de radios privées et de télévisions ouverte et par câble de tout le pays, et du Fopea (Forum du journalisme argentin), institution qui réunit des journalistes. Il a aussi reçu une lettre et de la documentation apportées par des journalistes renvoyés de Radio Nationale [pour des raisons purement politiques NDLT].

De retour à Washington, dans quelques jours Lanza fera un rapport pour la Commission et on estime qu’il est hautement probable que la situation argentine soit incluse dans l’ordre du jour de la réunion plénière qui se tiendra durant la première semaine d’avril prochain.

Washington Uranga* pour Página 12

Página 12. Buenos Aires, le 7 février 2016.

*Washington Uranga est journaliste, enseignant et chercheur en communication. Spécialisé dans les sujets de communication liés avec la citoyenneté, la participation, les politique publiques et la planification des processus communicationnels. Il est éditorialiste du quotidien national Pagina 12, et responsable du supplément La Ventana, et écrit sur des sujets de communication dans des médias universitaires et scientifiques. Il conseille des organisations sociales, des organismes publics et des gouvernements. Il donne des cours et a été directeur du Maitrise Planification des Processus Communicationnels (UNLP) et du Maitrise en Journalisme (UBA) et actuellement il dirige la maitrise de Communication Institutionnelle à l’Université Nationale de San Luis. Son site est : www.wuranga.com.ar

Traduction de l’espagnol pour El Correo de la Diaspora de : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo de la Diaspora. Paris, le 7 février 2016.

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