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13 juillet 2015

L’Euroclarté

par Rafael Poch de Feliu*

 

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L’escroquerie à laquelle nous assistons nous rend un peu plus lucides. La crise de l’UE n’a rien fait de plus que commencer.

Il s’agissait de punir un défi. Un défi à la stupidité économique et surtout au principe d’autorité. Noyer une manifestation donquichottesque de dignité pour éviter l’exemple. « Ne doutez pas que la réponse au référendum sera implacable », « Préparez-vous au cirque médiatique qui approche », écrivions-nous mardi. Avec le « Grexit » ou sans lui, c’est ce qui est arrivé. Mais, à quel prix ?

Merkel a sauvé la face devant la partie majoritaire de son opinion publique qui croit à la légende selon laquelle la crise est le résultat de l’excès de dépense sociale et de la mauvaise administration de gouvernements dispendieux. Cette légende a offert « les grecs » comme nouveaux Juifs. Avec elle la Cinquième Allemagne a tissé un mythe pour canaliser la colère sociale et pour éviter une mise en cause du système euro et du casino en général.

Avec ce « les grecs », le nationalisme allemand a été catalogué comme ce qu’il a toujours été : un sujet ethnique et suprématiste qui nourrit la contrainte et la domination. Aujourd’hui beaucoup d’Européens retournent à la vieille idée qu’est impossible une relation égalitaire avec l’Allemagne.

Dans la salle de torture de la Grèce, la France représentait le rôle du « bon policier ». Des fonctionnaires français ont aidé le gouvernement grec à rédiger les termes de sa capitulation gangstérienne. Hollande a joué le « collabo » de service, mais il s’est aligné avec les forces extra-européennes, le FMI et le gouvernement des États-Unis, pour modérer Merkel et son sinistre ministre. Le Président Hollande a déjà commencé la campagne de sa réélection (2017) et a misé, à travers l’opposition au Grexit, sur une manière différente de participer au châtiment. Cependant, cette différence et son recours à ceux de dehors a fissuré le mythe de « l’axe franco-allemand ». Avec la Grèce, l’Allemagne voulait discipliner en même temps la France (et l’Italie), tandis qu’elle voulait mettre en évidence l’Allemagne. La bête néolibérale, dans ses deux ailes, social-démocrate et conservatrice, est davantage divisée.

Le Politburó de Bruxelles, son régime de souveraineté limitée, son idéologie (le stalinisme de marché) et son comportement antidémocratique, sont devenus plus évidents pour de plus en plus de citoyens européens. Les médias encore moins crédibles. L’’escroquerie à laquelle nous avons assisté nous rend, en définitive, un peu plus lucides. Un peu plus de clarté sur l’Europe réellement existante et le malaise que toute personne décente sent en elle. La crise de l’U.E. n’a rien fait de plus que commencer.

Rafael Poch* pour sa colonne le Diario de Paris dans La Vanguardia

La Vanguardia. Barcelone, le 13 juillet 2015.

* Rafael Poch, Rafael Poch-de-Feliu (Barcelone, 1956) a été vingt ans correspondant de « La Vanguardia » à Moscou et à Pékin. Avant il a étudié l’Histoire contemporaine à Barcelone et à Berlin-Ouest, il a été correspondant en Espagne du « Die Tageszeitung », rédacteur de l’agence allemande de presse « DPA » à Hambourg et correspondant itinérant en Europe de l’Est (1983 à 1987). Actuellement correspondant de « La Vanguardia » à Paris.

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la diáspora latinoamericana par : Estelle et Carlos Debiasi.

El Correo de la diaspora latinoaméricaine. Paris, le 13 juillet 2015.

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