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1er août 2014

« Gaza est le symbole de ce qu’un pouvoir militariste et colonial peut faire de pire » Yonatan Shapira

 

Ancien pilote d’hélicoptère, Yonathan Shapira a été mis au ban de l’armée israélienne en 2003 pour avoir dénoncé ses méthodes. Il soutient aujourd’hui les appelés et les réservistes qui refusent de servir à Gaza.

Quel est le sens du combat des refuzniks israéliens ?

Yonatan Shapira. Ces jeunes gens et ces jeunes filles qui rendent public leur refus de servir sont pour nous source d’espoir. Aucun changement ne viendra de ceux qui sont intégrés au système. A Gaza, Israël sème la mort et la destruction. Ceux qui refusent de prendre part à cette folie en rendant public leur refus de servir sont une lueur d’espoir. Aucun changement ne viendra de ceux qui sont intégrés au système, qui larguent en ce moment même des bombes sur des enfants palestiniens. Les enfants, les adolescents subissent en Israël un lavage de cerveau orchestré par le système éducatif, par les médias. Mais certains échappent à ce formatage. lls sont comme des nénuphars flottant sur les eaux sales d’un marais d’obéissance et d’ignorance.

Ce phénomène prend-il de l’ampleur ?

Des jeunes de plus en plus nombreux évitent le service militaire par différentes techniques. La plupart invoquent des problèmes personnels ou psychologiques. Mais ceux qui déclarent publiquement qu’ils refusent d’aller à l’armée pour des raisons politiques, à cause des crimes de guerre, de l’apartheid, de l’occupation restent encore très peu nombreux. Il faut dire que ceux qui refusent de servir en dénonçant les massacres sont jetés en prison.

Quelles sont les conséquences pour ces objecteurs de conscience ?

Il sont incarcérés sur décision du commandant du centre de recrutement, sans passer devant un tribunal, pour les priver de toute tribune leur permettant d’exposer publiquement les raisons de leur refus. Ils restent deux semaines à un mois en prison et lorsqu’ils en ressortent, ils sont de nouveau incarcérés. L’un d’entre eux est en prison depuis le mois d’avril, avec ce système d’aller retour. Quant aux conséquences à long terme, dans une société militarisée comme la nôtre, certains objecteurs de conscience peinent à trouver du travail.

Pour vous, quel fut le point de basculement ?

Je n’ai pas autant de mérite que ces jeunes objecteurs de conscience. Je me suis engagé dans l’armée, j’ai servi durant de longues années comme pilote d’hélicoptère. Longtemps témoins des méthodes de cette armée, j’ai finalement ouvert les yeux et pris conscience que je me battais du mauvais côté. Je ne voulais plus être l’un des rouages de ce système de violence, qui sème la mort et la destruction. Je n’ai pas, moi même, appuyé sur les déclencheurs qui larguent les bombes. Mais peu importe. J’étais responsable de servir un tel système.

Comment jugez-vous la guerre en cours à Gaza ?

Yonatan Shapira. Ce massacre d’innocents est un crime contre l’humanité. C’est pour Israël une façon brutale de tenter de détruire l’unité entre le Hamas et le Fatah, en prenant pour cible 1, 8 millions de personnes. Nous ne devrions pas oublier que cette guerre a été précédée d’une opération folle en Cisjordanie. Des Palestiniens ont été tués, près de 500 d’entre eux ont été kidnappés et jetés en prison, en guise de réaction au meurtre des trois adolescents israéliens. Gaza est le symbole de ce qu’un pouvoir militariste et colonial peut faire de pire.

Dans une situation si grave, comment imaginer encore un chemin de paix ?

À mes yeux, entre le Jourdain et la mer, chacun, qu’il soit juif, chrétien ou musulman, athée, devrait être libre d’aller et venir, de vivre où il veut, de quitter le pays et d’y revenir. Ce qui fait aujourd’hui obstacle à la paix, c’est cette classe d’Israéliens qui se croit supérieure aux gens qui vivent sur cette terre. Ils appellent cela « démocratie » mais en pratique, Israël contrôle la vie de près de 4 millions de personnes dont les droits sont confisqués. Peu importe la forme, l’essentiel est que tous puissent vivre sur cette terre en citoyens égaux, qu’il y ait ou non des frontières.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui

L’Humanité. Tel Aviv, envoyée spéciale, 30 Juillet, 2014

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