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4 octobre 2013

Pénétration militaire US en Amérique Latinoriginaire

Fin des idéologies, ce maudit racontar.

par Nicolás Rojas Scherer, Rina Bertaccini *

 

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Entrevue. Rina Bertaccini. Sociologue. Le coordinateur du document élaboré en 2012 par la Ctera et le Mopassol sur les postes militaires aux Malouines, analyse l’actualité de l’impérialisme : « On applique des politiques mises à jour pour dominer aux peuples et leurs biens naturels ».

Un document élaboré dans 2011 - Bases militaires étrangères en Amérique Latine et les Caraïbes - conjointement par la Ctera et le Mopassol sur les Malouines rendait compte de plus de 40 bases militaires étrangères en Amérique Latine. Concernant la base de Mount Pleasant, Isla Soledad, on pouvait se lire dans le document : « y opèrent de en permanence au moins 1 500 militaires et 500 civils britanniques. L’équipement disposé dans la base est semblable à celui qu’ont les effectifs britanniques en Irak et en Afghanistan. Ils ont installé des silos et des rampes pour le lancement d’armes nucléaires ». Le principal coordinateur du document, Rina Bertaccini, a accordé un entretien Miradas al Sur pour au sujet de l’actualité de l’impérialisme.

Quelle utilisation conserve le concept « impérialisme » qui, pour le « mainstream » de l’intelligentsia occidentale, ancrée profondément dans les universités et les centres de pensée latinoamericains, paraîtrait avoir été enterré avec les reliques de l’Union Soviétique ?

Ce qui est d’actualité dans notre monde contemporain est l’impérialisme. Et logiquement, si l’impérialisme existe, et il est bon de pouvoir définir conceptuellement ce dont quoi il s’agit. En réalité ce qui est rigoureusement actuel est l’existence de l’impérialisme. Il peut être analysé du point de vue théorique – il y a beaucoup de définitions à propos de l’impérialisme mais on peut aussi voir l’impérialisme par les conséquences des actes qu’il fait. Alors nous n’avons pas besoin d’aller très loin. L’impérialisme se manifeste dans la guerre en Libye [Côte d’Ivoire, Mali], l’impérialisme c’est la préparation des agressions contre la Syrie, l’impérialisme c’est la menace contre l’Iran, l’impérialisme c’est le conflit dans la péninsule de Corée, tout cela est la façon concrète de visualiser que l’impérialisme existe et agit contre les intérêts des peuples. Par conséquent, en effet il est nécessaire de pouvoir le définir conceptuellement. Beaucoup de gens ont cru qu’à la fin de la guerre froide, avec la dissolution de l’URSS, on entrait dans une étape dans laquelle comme il n’y avait pas d’ennemi visible, il n’y avait plus de possibilité d’une quelconque manifestation de guerre. Toutefois, la vie a démontré précisément le contraire : l’impérialisme US, nordaméricain ou usaméricain, qui est la tête de toutes les puissances impérialistes, prépare des conflits dans plusieurs régions, outre des invasions, des interventions, différents types de guerre dissimulée, formes d’agression idéologique et culturelle. Tout cela est l’impérialisme. Maintenant, comment les gens qui vivent dans notre continent peuvent-ils voir cela ? Parce qu’ici , l’ important c’est que celui qui lit ces informations se sente obligé de faire quelque chose.

Il semblerait que l’impérialisme, étant quelque chose de si grand et si abstrait, qu’il ne toucherait pas les gens de la rue…

Exacte. Voila le point pour lequel je disais, chacun doit trouver la façon de comprendre que la chose le touche directement. Alors, en Amérique Latine et dans les Caraïbes, en parlant de façon générique, l’impérialisme est visible de nombreuses manières mais il y en a une qui n’offre aucun doute, qui est la présence militaire des Etats-Unis [d’Amérique et non du Mexique. NDEC], de la Grande-Bretagne et de la France dans des bases militaires enclavées en territoire souverain. Et cela n’importe qui peut le voir. En Argentine, par exemple, où ont-ils une base militaire ? Aux Malouines, et on voit là, la relation entre le vieil impérialisme colonisateur des Britanniques et son alliance avec les Etats-Unis d’Amérique et le reste des pays de l’OTAN, parce que cette base est à l’OTAN. Quand le gouvernement argentin reprochera à la Grande-Bretagne de ne pas s’assoir négocier, de vendre des licences de pêche, et par conséquent que des grands navires usines volent nos ressources naturelles de la mer argentine [Idem avec la Somalie où des bateaux pêche, français, Espagnols, etc., pêchent protégés par des militaires de leurs pays à bord. NDEC], ou quand ils vendent des licences d’exploration de pétrole à grandes multinationales qui sont installées avec des plates-formes aux Malouines, cela est de l’impérialisme, clairement. Quand le gouvernement argentin proteste, que répond la Grande-Bretagne ? Que bien sûr, qu’ils vont continuer à soutenir et à utiliser la plate-forme d’exploration de pétrole, qu’il vont continuer à vendre des licences pour l’exploration du pétrole et des licences de pêche, parce que dans ce cas ils vont défendre leur « droit », bien qu’en vérité ce soit un vol, ils vont défendre ce vol, avec la base militaire qu’ils ont aux sur nos Malouines. C’est-à-dire, que ce dont il s’agit est clair, mais il est nécessaire de voir concrètement ce que fait l’impérialisme, et ce n’est pas la seule chose qu’il fait, ce qui se passe, c’est que la partie militaire est très forte.

Vous avez dénoncé plusieurs fois la « culture stratégique », cette association entre le Commando Sud et l’Université de Floride où on effectue une sorte d’« analyse anthropologique » des différentes nations et peuples latino-américains, mais qu’une anthropologue US qui s’appelle Adrienne Pine a dénoncée comme une opération idéologique…>

En réalité, ce colloque existe pour faire des ateliers financés par le Commando Sud lui-même, décidés par eux et l’Université Internationale de l’État de Floride, où dans chacun de ces ateliers on traite ou on considère en quoi consiste la culture de chacun de nos pays d’Amérique Latine et des Caraïbes. Nous savons qu’ils ont déjà organisé 16 de ces rencontres. Alors, ce que dénonce l’anthropologue est qu’en réalité ce qu’ils veulent faire est purement et simplement de la pénétration ou de la domination culturelle et que pour cela ils veulent introduire leur conception de la culture et du monde, en remplaçant la culture de chacun de nos peuples. Et cela est directement un objectif de domination culturelle. Nous avons commencé à analyser certains de ces travaux. À première vue ils apparaissent comme des travaux grossiers, stupides, voilà les premières impressions des compagnons qui ont commencé à les traduire pour ceux d’entre nous qui ne lisent pas l’Anglais, que ceci est une chose qui ne sert à rien, mais en réalité il faut le lire avec davantage d’attention, parce qu’ils y mettent ce qu’ ils voudraient que soit la pensée culturelle de notre peuple. Là est la grande tergiversation.

Ceci est spécifique pour chacun des pays ?

– Oui, et ils invitent, mais, qui convoquent-ils ? Ils convoquent quelques d’académiciens à qui ils payent tous les frais pour aller là bas et prendre part aux débats, mais ensuite ceux qui font les résumés de ces ateliers sont deux ou trois personnes, et les choses qu’ils y mettent sur nos antécédents ou sur notre idiosyncrasie , c’est tout ce qu’eux voudraient que nous soyons pour qu’ils puissent nous dominer. C’est à dire que cela n’a rien d’ingénu, ni d’idiot, ni rien qui s’y apparente. Bon, si nous parlons de l’Argentine, le politicien invité fut Ricardo López Murphy, qui est un représentant de la droite [dure] de notre pays. C’est-à-dire, ils auraient pu inviter quelques intellectuels en plus, mais non, ils ont invité seulement cet homme. Et aussi, il y avait des chefs militaires.

Et ceci sous couverture d’une université qui est hypothétiquement l’une de plus grandes et prestigieuses de USA, comme celle de Floride.

Bon, l’État de Floride est célèbre pour être l’un des plus réactionnaires de tous. Il faut se souvenir que grâce à cet État et à son frère gouverneur, Bush a gagné à l’époque les élections à la présidence des USA. Mais Adrienne Pine définit la culture stratégique comme une propagande pro-impérialiste [« Culture Stratégique » : le Commandement Sud et la militarisation des universités]. Ce que je veux dire , c’est que les chefs du Commando Sud et du Pentagone, sont sûrs de ce qu’ils veulent avec ceci, ce n’est pas accidentel qu’ils soient en train de le faire, parce qu’ils ont des documents élaborés où ils parlent d’une doctrine qu’ils appellent de la « domination du spectre complet ». Alors, ceci est une doctrine militaire ; que veut dire ce « spectre complet » ? Qu’ils n’envisagent pas seulement la domination militaire, ni seulement la domination politique, ni seulement la domination économique, en réalité ce dont ils parlent c’est de domination culturelle qui comprend tout le reste, et cela a une relation directe avec ces aberrations qu’ils appellent la « culture stratégique » de chaque pays.

Combien de bases militaires US recense-t-on jusqu’à présent en Amérique Latine ?

Entre des Sites d’Opérations Avancées (SOA), des bases militaires traditionnelles et les autres, vérifiées il y en 76, en étude il y en a 10 ou 15 en plus.

Ce nombre, peut-il croître ?

Totalement. En trois ans nous sommes passés de 21 à 76. Et à de nouvelles formes de bases, « Centres d’Opérations pour Prévention de Catastrophes », centre d’opérations pour aider aux opérations de paix de l’ONU comme à Concón.

Quelques bases n’ ont même pas de militaires US, non ?

La base Mariscal Estigarribia [Paraguay] n’a pas un seul militaire US, mais cette base a la piste la plus étendue d’Amérique Latine, d’où peuvent décoller et atterrir des avions avec tout le nécessaire pour une invasion ou tout type d’opération militaire. Maintenant, par exemple, prolifèrent au Pérou un tas de « Centres d’Opérations d’Urgence Régionale ». Le dernier que nous connaissons et c’est vérifié, parce que nous en avons dix de plus sur qui enquêter, se trouve en Piura. Et comme par hasard Piura est une localité qui se trouve à l’ouest de l’Équateur, c’est comme un coin qui pénètre par le flanc de l’Équateur par le Pacifique. Ce centre fut installé après que le président de l’Équateur ait chassé les Yankees de la base de Manta. Mais après cette base à Piura, il est apparu maintenant dans les journaux du Pérou et d’ailleurs qu’il y en a au moins dix de plus. Toutes sont de petites bases.

Il semblerait que c’est une sorte de réseau de petits points d’opérations.

Il se trouve qu’ils ont déjà les principaux troncs, ils n’ont pas besoin de bases énormes comme celle des Malouines ou celle de Mariscal Estigarribia ou celle de Palanquero, ils ont tout ça. Mais il y a en outre une redéfinition de l’armée US, qui est d’avoir une armée plus dynamique et pas aussi centrée sur la lourde puissance de feu exclusivement. La redéfinition est liée au fait qu’avec les avancées technologiques actuelles, ils ont besoin d’autres choses. Une base d’opérations peut être un radar et un système de base de communication, cela peut être aussi une base d’opérations, parce qu’avec cela ils exercent le contrôle. Évidemment ils ont ensuite les autres grandes bases. Ils fonctionnent en réseau ou en réalité plus qu’un réseau, c’est une trame qui est quelque chose beaucoup plus entrelacée. Alors, bon, voilà des choses concrètes, ce sont des marques spécifiques des politiques impérialistes. Ils élaborent un concept comme celui de la « domination du spectre complet », c’est-à-dire, sur tous les plans, et ensuite ils le travaillent à travers leur présence directe dans les zones qu’ils veulent dominer. Pour donner un exemple, la présence du lithium aux frontières entre l’Argentine, la Bolivie, le Chili et le Pérou convertit cette région des Andes en une zone qu’ils veulent dominer.

… des pays qui font partie de l’Alliance du Pacifique…

Exact, l’Alliance du Pacifique compte quatre pays principaux, plus certains associés. Les principaux sont la Colombie, le Pérou, le Mexique et le Chili. Mais ensuite, le Panama est associé, et ils cherchent maintenant à associer d’autres pays d’Amérique Centrale, c’est-à-dire, qu’ils travaillent dans cette direction. Ils ont conspiré pour essayer de diviser la Bolivie, séparer toute la partie du croissant du reste du territoire bolivien bien qu’ils n’y soient parvenu, mais ils travaillent toujours dans cette direction. C’est-à-dire, pour revenir à la question initiale, la question est que l’impérialisme lui-même nous démontre que non seulement il existe, mais qu’il applique des politiques actualisées pour dominer les peuples, pour dominer leurs ressources naturels, pour les dominer territorialement, pour étendre leur influence. Par exemple, la IVème Flotte peut se penser de différentes façons, mais ce qui est en effet clair c’ qu’ils sont une quantité énorme de navires.

Mais, la Russie, malgré cela a encore fait des manœuvres conjointes avec le Venezuela dans le « mare nostrum » US.

La IVème Flotte a autant de puissance de feu qu’ un ensemble de bases militaires mobiles, parce que les dimensions de ces navires sont énormes, comme les porte-avions, et ils remplissent de nombreuses fonctions. Toutefois, ils disent qu’ils assurent des fonctions humanitaires, ce qui est un mensonge éhonté. Ils ont positionné un porte-avions après le séisme d’Haïti et concrètement l’aide ne pouvait pas arriver parce qu’ils bloquaient le port. C’est à dire, la IV Flotte remplit beaucoup de fonctions mais parmi celles-ci, on peut la considérer comme un ensemble de bases militaires mobiles, petites, mais absolument fonctionnelles. Ils ont désormais obtenu sur la Côte du Pacifique et aussi dans les ports des Caraïbes de pouvoir approvisionner tous les navires de la IVème Flotte. Par exemple, la région de Turbo en Colombie, dans les Caraïbes colombiennes, qui est une entrée très large, comme une espèce d’estuaire ; là il y a une zone d’approvisionnement de la IVème Flotte. Mais dans le port du Callao, au Pérou aussi, il y a une autre zone d’approvisionnement, notamment. C’est-à-dire que toutes les bases aéronavales qu’ils ont installées ces 2 ou 3 dernières années au Panama, sont très petites, mais tout cela, leur sert comme de points d’approvisionnement pour leurs plans généraux de domination. De la sorte que l’impérialisme se préoccupe de nous montrer qu’il existe, qu’il agit en fonction de ses intérêts et contre les peuples.

Nicolás Rojas Scherer pour Miradas al Sur.

Miradas al Sur. Année 6. Édition nombre 262. Dimanche 26 mai 2013.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.

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* Rina Bertaccini, est argentine, sociologue de formation, présidente du Mouvement pour la Paix, la Souveraineté et la Solidarité entre les Peuples (Mopassol ) en Argentine et vice-président du Conseil Mondial par la Paix.

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