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17 février 2013

Équateur, un résultat contondant qui ne résout pas les problèmes

par Guillermo Almeyra *

 

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De façon quasi sûre, Rafael Correa sera élu président au premier tour de ces élections et quasi sûrement la coalition instable plurinationale des gauches qui s’oppose à lui et s’oppose aussi à la droite classique obtiendra moins de 6 % des votes. Correa pourra alors, à juste titre, parler de sa consécration populaire (surtout si l’abstention diminue, comme c’est probable) et l’ALBA, l’UNASUR et le groupe de gouvernements « nationaux et populaires » respireront avec soulagement, après le coup dur subi avec la dévaluation vénézuélienne. Correa, en effet, dans ce dernier groupe, et bien qu’il n’ait pas pu sortir son pays de la parité avec le dollar, est l’un des plus fermes puisque, à la différence d’autres gouvernements, il a fait auditer la dette extérieure au lieu de la reconnaître, il a rompu avec le FMI et il a ignoré l’organisme émanant de la Banque Mondiale pour la résolution des conflits commerciaux (bien sûr, « la » résolution en faveur des multinationales). Par conséquent, sa victoire électorale est aussi en grande partie un échec des forces équatoriennes et internationales de droite et ce sera une bonne nouvelle pour le Venezuela, Bolivie et Cuba.

En ce qui concerne la coalition des gauches, dont les principaux membres sont le parti indigène Pachakutik et la CONAIE, je crois qu’une partie du mouvement indigène sera attirée par la tentation correiste et que la politique des maoïstes du Mouvement Populaire Démocratique qui oscille toujours entre l’ultra-gauchisme syndical et l’opportunisme recevra aussi un coup, surtout parce que le MDP était déjà en crise et a cherché dans l’Unité Plurinationale des Gauches une sortie positive à celle-ci. Cet affaiblissement possible des composants de masse de l’opposition gauchiste pèsera sur le noyau intellectuel le plus conséquent, qui trouve son expression dans Alberto Acosta, qui réunit une politique écologique radicale avec des idées démocratiques et sociales avancées et très à gauche de la ligne sociale-chrétienne, développementiste-extractiviste du président Correa.

En effet, celui-ci défend et applique – comme tous les gouvernements « progressistes » ou non des pays dépendants - une politique extractiviste qui repose, surtout, sur l’espoir de la grande industrie minière à ciel ouvert (ou, dans le cas argentin, sur celle-ci et sur l’ extrêmement couteuse extraction du pétrole non conventionnel). Y compris pour réfuter leurs critiques, il leur a demandé où se trouve chez Marx une critique de ce type d’industrie minière (qui, évidemment, aux temps de Marx n’existait pas et était techniquement impensable et, par conséquent, il ne pouvait pas l’avoir critiqué). La gauche pour sa part qui se joint aux populations affectées par ces mines, qui les laissent sans eau et détruisent l’atmosphère, n’explique pas suffisamment comment, dans une première phase de transition, un gouvernement démocratique et écologique pourrait totalement se passer de l’extractivisme imposé par la dépendance du marché mondial, et sur quelles ressources il pourrait compter pour travailler sur une alternative à l’extractivisme et au développementisme qui donne lieu à un autre type d’économie nationale, un gouvernement des autonomies et anticentraliste, à une production fondamentalement dédiée à la consommation et non à l’exportation, et à un système de communes autogestionnaires unies par la solidarité et par les plans élaborés d’un commun accord à l’ échelle nationale.

Parce que le gouvernement paie aujourd’hui ses plans sociaux, ses allocations et ses travaux publics avec l’impôt aux exportations de matières premières et, par conséquent, veille au renforcement des grandes transnationales et des grandes entreprises, ce qui l’ empêche de sortir de la dépendance du capital financier international et, tente , beaucoup grâce à l’appareil d’Etat, de palier à une bourgeoisie nationale presque inexistante. D’où le fait qu’il a eu besoin de continuer à exporter des bananes, du pétrole, des minerais en vrac et qu’il ne peut récupérer sa propre monnaie. S’il laissait de côté, tout à coup, sa politique développementiste et extractiviste, l’Équateur n’aurait pas de revenus et son économie s’écroulerait.

C’est pourquoi le problème ne se traite pas avec une opposition plate et lisse au nom de l’environnement et des besoins sociaux, à la politique de Correa. À celle-ci, il faut opposer une autre politique pour l’obtention de ressources (impôts sur les banques et les grandes entreprises, suppression des dépenses militaires, modification des politiques alimentaires et des importation d’aliments et de fournitures, création d’institutions pour réduire les coûts de transport et autres, par exemple) et une politique de préservation des biens communs et des bases pour la production indigène qui face à chaque projet étatique ou entrepreneurial discute, cas par cas, de si les effets ambiants, économiques et sociaux immédiats et à long terme ne sont pas trop lourds et irréversibles. S’il y avait un conflit entre les techniciens et les habitants, au nom des autonomies régionales, de l’autogestion, de la démocratie et de la propre Constitution, la position de ces derniers doit prédominer.

Correa obtiendra sûrement une Assemblée qui lui sera fidèle. Il faudrait profiter de cette nouvelle composition de l’appareil législatif pour compléter – et non marchander – ce qui est atteint par la Constituante. Dans ce travail autour de la constituante, la gauche perdrait si elle s’accrochait aux « non » systématiques et en revanche elle gagnera si elle se définit par ses plans et projets environnementaux et anticapitalistes puisque cela lui permettra de faire front commun avec une partie du correisme.

Celui-ci, bien qu’il soit un dur adversaire de la gauche, ne peut pas être considéré comme son ennemi mais un allié incertain, vacillant et inconséquent sous peine de, à nouveau, comme quand Pachakutik a flirté avec Gutiérrez et avec la droite, faire le jeu à celle-ci ou bien, du grand capital étranger et des transnationales extractivistes que Pachakutik et la CONAIE combattent.

Guillermo Almeyra pour La Jornada de México.

La Jornada. Mexique, le 17 février 2013.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.

El Correo. Paris, 17 février 2013.

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Cette création par http://www.elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 Unported
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* Guillermo Almeyra Historien, chercheur et journaliste. Docteur en Sciences Politiques (Univ. Paris VIII), professeur-chercheur de l’Université Autonome Métropolitaine, unité Xochimilco, de Mexico, professeur de Politique Contemporaine de la Faculté de Sciences Politiques et Sociales de l’Université Nationale Autonome de México. Domaine de recherche : mouvements sociaux, mondialisation. Journaliste à La Jornada, Mexique.

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