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10 janvier 2010

Connaissez-vous le conte sans fin des Etats-Unis ?
Yémen… shit !

par Santiago O’Donnell

 

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Página 12 . Buenos Aires, le 10 Janvier 2010.

Ce serait une erreur de penser que le monde a changé parce qu’un jeune millionnaire nigérian éduqué à Londres a voulu faire mettre le feu à un explosif plastique dans un avion chargé de passagers qui atterrissait à Detroit le jour de Noël, mais qui a échoué parce qu’il s’est fait dessus et a mouillé le dispositif.

La Guerre contre le Terrorisme déclarée par George W. Bush et continuée par Barack Obama est sur le point d’avoir dix ans. Ce n’est pas une guerre qui se déroule seulement en Irak, en Afghanistan ou dans les aéroports étasuniens, et qui maintenant s’étend sur un petit et appauvri pays arabe appelé Yémen. C’est une guerre qui se tient dans chaque pays où existe un gouvernement ou une insurrection islamiste. En Somalie, en Palestine, en Indonésie, au Pakistan, au Liban, en Algérie, en Tchétchénie. Et aussi dans les puissances occidentales, dont les habitants sont des cibles de plus en plus fréquentes d’attentats, que se soit sur leur propre territoire ou dans leurs ambassades, discothèques ou hôtels de luxe de leurs anciennes enclaves coloniales.

Au-delà de la valeur stratégique de chaque scénario et des intérêts économiques qui pèsent toujours, il s’agit d’une guerre de racine culturelle, un choc de civilisations, comme dirait Huntington, qui s’est répandue dans le monde entier. Cela à l’exception notable de l’Amérique latine, au moins depuis l’attaque à l’AMIA [Argentine] à nos jours, attentat dont le mobile est très loin encore d’être éclairé.

Échouées les grandes initiatives globales qui ont été tentées l’année dernières, depuis l’accord commercial à Doha jusqu’au traité environnemental à Copenhague, en passant par l’accord de la paix au Moyen-Orient qui est mort avant de naître, 2010 commence avec les États-Unis encore une foissur le pied de guerre. Toute la semaine fut réunions, discours, déplacements, visites, stratégies et d’initiatives liées à la menace terroriste venant du Yémen, le pays où le Nigérian incontinent aurait obtenu les explosifs.

Le Yémen est l’unique république de la Péninsule Arabe et le plus pauvre pays de la région. En 2007 le niveau de chômage atteignait 40%. C’est un pays qui dispose d’une faible administration centrale, avec une forte corruption, appuyée par les États-Unis, dont la domination ne s’étend pas beaucoup plus loin que la capitale, entourée par les organisations tribales qui ensemble exercent le contrôle territorial sur une grande partie du pays. A l’intérieur se trouvent des zones montagneuses où les insurgés peuvent se cacher, et il figure bien haut dans le classement mondial des attentats terroristes subis durant les dernières années.

Plusieurs de ses chefs tribaux sont ded musulmans conservateurs qui ont une influence sur le leadership des forces armées yéménites, et qui voient avec méfiance tout rapprochement de son gouvernement avec Washington. Avec ces leaders religieux musulmans et à travers l’armée yéménite musulmane, les espions de l’Occident doivent négocier des permis de capture pour poursuivre les chefs musulmans d’Al Qaida dans les montagnes.

Tous les jours les yéménites voient passer par le détroit d’Aden les navires chargés du pétrole de ses riches voisins gouvernés par des monarchies qui n’offensent jamais l’esprit démocratique et républicain des habitants successifs de la Maison Blanche.

Jusqu’à ce qu’un jour un Nigérian se fasse un pipi dessus et éteigne une mèche mais en allume une autre. Au milieu de tout ce cirque médiatique, militaires, espions, avocats, armes et des dizaines de millions de dollars provenant des États-Unis et de son allié inconditionnel, le Royaume-Uni, ont débarqué cette semaine à Saná, la capitale yéménite. Le subit intérêt n’a pas ému le gouvernement yéménite, mais il l’a mis sur la défensive.

Le Ministre des Relation Exterieures de ce pays s’est épuisé à dire qu’il ne veut pas de troupes de combat étrangères. « Je suis sûr que les expériences de l’Occident en Irak, en Afghanistan et au Pakistan seront très utiles pour apprendre que l’intervention directe complique les choses », s’est permis de conseiller Abu Bakr al Qirb, en s’adressant à tout un hémisphère, attentif à la dimension globale de ce qui ce joue dans son petit pays.

Le diplomate arabe a semblé comprendre mieux que personne que les principales victimes de la Guerre contre le Terrorisme ce sont les pays gouvernés par des musulmans modérés, qui doivent élever leurs niveaux de répression interne pour satisfaire les expectatives des Croisés. Cette répression leur prend de la légitimité, donc ils deviennent encore plus dépendants de l’appui de l’Occident pour se maintenir dans le pouvoir. Ce qui génère à son tour plus de soutiens pour l’insurrection.

En Irak. En Afghanistan. Au Pakistan. En Jordanie, Cisjordanie, Égypte, Arabie Saoudite, Koweït et dans les Émirats. Dans la corne de l’Afrique. Une guerre qui au fur et à mesure qu’elle s’étend complique tout accord avec la Syrie, l’Iran et l’Autorité Palestine, tend la corde au Cachemire et mobilise la ferveur islamiste à Bornéo et au Maghreb, en spropageant sur toute la largeur de la planète la violence qui surgit de la dialectique terroriste-contre-terroriste.

Pendant ce temps là les États-Unis et l’Europe s’isolent et s’enferment, pris d’une xénophobie obsédante et paranoïaque qui balaye les droits et la liberté qui ont donné vie aux textes fondateurs de ses démocraties libérales. Ainsi ils génèrent des contradictions difficiles à expliquer, qu’à leur tour nourrissent davantage d’actes de terrorisme contre un ordre qui depuis de nombreux endroits du monde apparaît comme de plus en plus hypocrite, sanguinaire et exploiteur.

Et où est Ben Laden ? Il semble presque impossible de croire que ce leader multimillionnaire du réseau terroriste le plus sophistiqué et global de l’histoire n’a pas accès à un téléphone cellulaire pour se faire une photo, la mettre en ligne avec Internet et faire trembler le monde. Depuis de longues années déjà qu’il apparaît seulement dans des audio à la véracité certifiée par des experts supposés de la CIA, les premiers intéressés à maintenir la menace vivante, puisque leurs travaux dépendent d’elle. Et tous les mois apparaît mort un « numéro deux » d’Al Qaida dans tel ou tel pays, quelqu’un qu’ avant personne ne connaissait, dont la mort viendrait à représenter un grand triomphe pour les forces du bien. Il y a trop d’intelligence, de contre-espionnage et de re -contre-espionnage tournant autour pour pouvoir savoir ce qu’il passe. Sauf que nous sommes dans une guerre, que la guerre s’étend et qu’un jour peut s’approcher (ou revenir) ici.

Alors, maintenant, l’axe du malheur passe-t-il par le Yémen ? Alors bla bla bla, bla bla bla, et tous au Yémen parce que c’est la fin du monde ? Uff, ce film je l’ai déjà vu. Le décor change, les méchants changent, mais la chansonnette se répète comme sur un disque rayé :

Saigon, shit…
Charlie don’t surf.
Apocalypse now.
The horreur, the horreur...

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