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5 mai 2020

Commerce interrégional et asymétries avec le Brésil

par Camila Caresia Wexell Severo

 

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Ce rapport fait partie d’un programme de recherche récent sur les relations de commerce interrégional, d’investissement et de production au cours des deux dernières décennies, avec une attention particulière sur le rôle joué par le Brésil. Pour des raisons d’espace et d’organisation méthodologique, il a été décidé de présenter ici des réflexions sur le premier des thèmes, les échanges commerciaux.

Dans un premier temps, il convient de noter que ce n’est que pas uniquement par le commerce que les obstacles à la construction d’une Amérique du Sud intégrée et équitable seront résolus. Le commerce, selon la stratégie des pays les plus développés de la région, peut être un élément qui élargit ou réduit l’écart entre les économies. Dans cette perspective, l’évolution des asymétries commerciales entre le Brésil et les pays voisins sera analysée. Il est précisé que les asymétries commerciales, dans ce cas, signifient la relation entre les exportations (A) et les importations (B), c’est-à-dire A / B.

Au cours de la période dite « progressiste » de 2003 à 2014, l’intégration a gagné de la place dans l’agenda régional, notamment avec l’idée que l’Amérique du Sud pourrait devenir un pôle de pouvoir dans le système international. Alors que les initiatives d’intégration s’intensifiaient, des inquiétudes grandissaient également quant à la distance entre les économies qui composent le bloc. C’était un souhait commun que la promotion de l’intégration, dans ses diverses dimensions, devienne une impulsion pour le développement des pays et la réduction des asymétries entre eux.

En 2005, l’asymétrie commerciale du Brésil avec l’Amérique du Sud était de 1,98. En d’autres termes, pour chaque dollar importé par le Brésil, le pays a exporté 1,98 dollars. Au cours des années suivantes, l’écart a progressivement diminué pour atteindre 1,22 en 2014. L’importance des économies sudaméricaines dans les exportations totales du Brésil est passée de 13,8% en 2003 à 16,2% en 2014, période au cours de laquelle les ventes totales ont augmenté de 3,1 fois. Au cours de la même période, le poids des importations brésiliennes en provenance des pays voisins est passé de 15,8% à 13%, avec une augmentation de 4,7% du total des achats au Brésil.

Au cours de ces années-là, il convient de noter que, parmi les pays d’Amérique du Sud, l’Argentine avait la relation la moins asymétrique avec le Brésil, avec une moyenne de 1,25. Avec la Bolivie, le Brésil a enregistré des déficits commerciaux tout au long de la période. La Colombie est le pays avec lequel l’asymétrie s’est le plus réduite, passant de 7,59 à 1,38. Le Venezuela était la relation la plus instable et la plus inégale (hors Surinam et Guyane).

D’autre part, il convient de noter que de 2003 à 2014 le Paraguay a été l’exception, le seul pays d’Amérique du Sud qui a présenté une augmentation de l’asymétrie en faveur du Brésil, passant de 1,48 à 2,63, avec des pics de 4,1, en 2006, 2010 et 2011.

Depuis 2014, l’Amérique du Sud a connu plusieurs bouleversements. Dans le cas du Brésil, en résumé, il y a eu un écart par rapport aux programmes de développement et d’intégration, suivi d’une crise économique et politique qui a abouti à un coup d’État institutionnel, via un processus de destitution. Puis il y a eu un changement de président et de nouvelles élections. En 2019, un opposant déclaré au processus d’intégration de l’Amérique du Sud prend la tête du Gouvernement brésilien, représentant un groupe qui voit le sous-développement des pays de la région comme un argument pour s’approcher des grandes puissances, notamment les États-Unis et l’Union européenne.

La politique étrangère actuelle est, selon le gouvernement lui-même, « d’alignement automatique avec les États-Unis d’Amérique ». À cette fin, le pays a adopté, depuis l’année dernière, une série de mesures, telles que la mise en place de quotas d’importation sans droits de douane sur les produits US. Également à la demande de Washington, le Brésil a accepté d’abandonner la liste des pays bénéficiant d’un traitement spécial et différencié de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), soi-disant en échange d’un soutien à l’adhésion rapide à l’Organisation de coopération et de développement Économique (OCDE), ce qui ne s’est pas produit.

Brasilia s’est également engagée dans l’objectif de signer l’accord du Mercosur avec l’Union Européenne, qui devrait faciliter l’accès des produits industriels d’Europe en Amérique du Sud et, dans une moindre mesure, des produits agricoles du Mercosur dans les pays de l’Union européenne. Il faut tenir compte du fait que le secteur agricole européen est essentiellement protégé par des subventions qui continueront d’exister et non par des tarifs douaniers . En d’autres termes, si ces conditions existent, la tendance est d’accélérer la désindustrialisation de l’Amérique du Sur et d’accentuer la « primarisation » des schémas d’exportation des économies de la région.

Dans les années postérieures à 2014, le déséquilibre entre les pays d’Amérique du Sud s’est comporté de manière instable. En 2015, l’asymétrie commerciale du Brésil avec ses voisins a commencé à augmenter rapidement pour revenir en 2017 aux niveaux de 2006. Puis elle a de nouveau diminué. Ce mouvement intervient au milieu d’un scénario, dans toute la région, de fuite des capitaux, de chute des marchés boursiers et de dévaluation des devises locales par rapport au dollar.

Dans ce scénario, le cas du Venezuela se démarque, pays en crise profonde, avec lequel l’asymétrie avec le Brésil est passée de 3,8 en 2014 à 5,2 en 2019. Au cours des trois premiers mois de 2020, il est passé à 17,2. Déjà dans le cas de la Bolivie, il y avait un changement significatif. Au cours des trois des cinq dernières années, le pays andin a enregistré un déficit commercial avec le Brésil, en raison de la réduction des achats brésiliens de gaz naturel, actuellement en cours de renégociation. Toujours en contrepoint, l’asymétrie avec le Paraguay a diminué ; en 2019, elle a atteint son niveau le plus bas depuis 2003, atteignant 1,9.

Dans le cas des États-Unis, malgré le discours enthousiaste de Brasilia, le déficit commercial brésilien s’est maintenu en 2019. Jusqu’en mars 2020, le résultat négatif a atteint 2,7 milliards de dollars, période durant laquelle les ventes aux États-Unis sont tombées à 10% du total des exportations brésiliennes (elles étaient de 12% en 2014 et 22% en 2003). À leur tour, les importations ont atteint 18,9% du total (contre 15,3% en 2014 et 19,8% en 2003).

Avec l’Union Européenne, le Brésil a accumulé des excédents au cours des trois dernières années. Mais ce résultat ne s’est pas traduit par un dévekloppement des échanges, au contraire, de 2013 à 2019, les exportations brésiliennes vers le bloc européen ont chuté de 24,8% et les importations de 34,2%. En d’autres termes, le solde positif a été produit parce que les importations brésiliennes ont diminué, en raison de la récession du pays. L’Union européenne, qui représentait 25,7% des exportations brésiliennes en 2003, a terminé 2019 avec 15,9%. Au cours de la période, les importations sont passées de 27% à 18,2%.

Une partie importante de ces pertes relatives a été compensée par la Chine, qui a délogé les États-Unis, devenant, ces dernières années, le principal partenaire commercial du Brésil. En 2003, le pays asiatique représentait 6,2% des exportations et 4,4% des importations brésiliennes. En 2019, elles avaient déjà augmenté respectivement de 28,1% et 19,9%. La Chine a généré pas moins des deux tiers de la balance commerciale brésilienne ces dernières années. Malgré cela, depuis l’année dernière, le gouvernement brésilien a fourni plusieurs raisons pour rompre cette relation.

L’analyse des résultats des échanges du Brésil avec ses voisins ces dernières années nous permet de présenter quelques considérations préliminaires. Tout d’abord, il est important de garder à l’esprit que lorsqu’il n’y a pas de stratégie d’intégration visant à réduire les asymétries, ou lorsque le libre marché est laissé à son propre arbitre, l’intégration commerciale peut aggraver les disparités existantes, bénéficiant de manière disproportionnée aux pays plus développés, comme le Brésil et l’Argentine. En même temps, lorsque le Brésil ne comprend pas qu’une Amérique du Sud forte et intégrée est fondamentale pour sa propre stratégie d’insertion internationale, le supposé leader régional continue à se tirer une balle dans le pied.

Camila Caresia Wexell Severo* pour le magazine La Espada , n° 22 (mai / 2020).

*La Espada O La Espada é um Boletim de Economia e Política na América Latina produzido pelos estudantes da UNILA, sob a coordenação do professor Luciano Wexell Severo (@luwsevero). Em português e espanhol.
*La Espada es un Boletín de Economía y Política en América Latina producido por estudiantes de UNILA, bajo la coordinación del profesor. Luciano Wexell Severo (@luwsevero). En portugués y en español.
* Camila Caresia Wexell Severo Économiste brésilienne diplômée de PUC-Sao Paulo, étudiante en maîtrise sur l’intégration contemporaine de l’Amérique Latine - UNILA et chercheuse à l’Observatoire pour l’intégration économique sudaméricaine (OBIESUR).

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diáspora par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo de la Diaspora. Paris, le 3 avril 2020

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