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30 novembre 2012

CREOMPAZ : La petite « École des Amériques » du Guatemala

par Dawn Paley *

 

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Depuis février, les anthropologues légistes ont trouvé prés de 400 restes humains dans une base militaire dans le Cobán, au Guatemala, dans ce qui est rapidement devenu la découverte de l’une des plus grandes fosses communes clandestines du pays. Pendant le conflit armé qui a saigné le pays pendant 36 ans et qui fut la scène d’actes génocidaires, la base de Cobán fut utilisée comme centre de renseignement pour la coordination d’opérations militaires.

Mais ce qui semble extraordinaire dans le cas en question, c’ est que la base militaire continue d’ être encore active aujourd’hui : Des effectifs militaires et policiers étrangers se rendent régulièrement à la base pour entraîner des troupes du Guatemala, Salvador, Nicaragua, Honduras et de la République Dominicaine. (« Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction ») En 2006, la zone militaire de Cobán a été rebaptisée avec le nom de CREOMPAZ, sigle pour« Comando Regional de Entrenamiento de Operaciones de Mantenimiento de Paz » (Commando Régional d’Entraînement d’Opérations de Maintien de Paix en espagnol).

L’histoire terrifiante de la base militaire de Cobán au Guatemala et l’impunité face à l’extermination d’hommes, femmes et d’enfants déploie une toile de fond inquiétante pour les « Opérations de paix » actuellement.

Dans toute la capitale guatémaltèque nous pouvons trouver des panneaux publicitaires ou des affiches aux arrêts d’autobus qui annoncent les actuelles excavations. A l’extrême droite de l’affiche nous voyons une femme avec un masque, observant un instrument médical. La même photographie à Los Angeles pourrait servir à annoncer un programme de perte de poids. À Houston, servir à faire de la publicité pour une clinique privée. Mais ici non. Au lieu de cela, le texte dans la marge supérieure prie : «  As-tu un parent disparu entre 1940 et 1996 ?  » Et continue : «  avec l’ADN nous les identifions. Un échantillon de salive est suffisant  ».

La Fondation d’Anthropologie Légiste du Guatemala (FAFG) a lancé cette campagne pour, de cette façon, essayer d’identifier les restes des disparus après avoir comparé leur ADN à celui de parents vivants. Les anthropologues de la FAFG travaillent partout au Guatemala en creusant, en nettoyant, en examinant et finalement en exhumant des restes humains.

La zone de CREOMPAZ est l’une des plus grandes excavations en cours.

« Nous avons réalisé un peu plus de 400 tranchées où nous avons trouvé, jusqu’à maintenant, je crois 60 fosses, et nous avons trouvé 426 squelettes, en majorité comme partout ce sont des hommes, mais il y a aussi des femmes, mais dans ce lieu spécifique, à CREOMPAZ, il y a aussi beaucoup d’enfants », expliquait José Suasnávar, sous-directeur exécutif de la FAFG, au cours d’une interview dans la Ville de Guatemala en octobre. La FAFG est l’unique organisation au Guatemala qui se consacre à l’identification de près de 50 000 disparus pendant le conflit interne que le pays a vécu.

On estime que la majorité des restes trouvés dans la zone du CREOMPAZ appartient à des membres disparus de communautés venant de tout le pays.

Des hommes et femmes enlevés par l’armée tandis qu’ils se rendaient dans des magasins acheter de la nourriture pour leurs enfants, gens qui un matin ont dit au revoir à leur famille avant d’aller à l’école ou au travail et dont on n’a jamais plus rien su. Les examens des anthropologues légistes révèlent que les personnes qui ont disparu dans différentes régions ont été déplacées par des soldats de l’armée à la base de Cobán pour être interrogées et torturées et avant devenir les victimes d’une exécution extrajudiciaire accompagnée d’un enterrement secret.

Les exhumations dans la zone du CREOMPAZ évoquent des images de terreur pure.

« La différence très marquante que nous avons dans cette base militaire … ici il y a jusqu’à 62 personnes inhumées dans une seule fosse, qui représente un seul événement », affirme Suasnávar.

Selon lui, quelques restes exhibent des blessures par balle. La majorité des cadavres présentent des traces qui montrent qu’ils ont été ligotés et plusieurs ont eu les os brisés, qui se sont soudés et à nouveau qui ont été cassés, ce qui indique que les victimes ont été torturées et interrogées, certaines pendant de longues périodes, avant d’être assassinées et jetées dans la fosse.

L’excavation de Cobán met en lumière la réalité crue du conflit armé guatémaltèque, pendant lequel ce qui ont été traités d’insurgés – des militants politiques et des étudiants, des leaders indigènes ou des membres de communautés, notamment — ont été enlevés et torturés en masse. Il y a aussi eu des enfants qui ont été assassinés et ensuite jetés dans des fosses clandestines dans la base. Tout cela s’est passé à l’intérieur des limites protectrices d’une zone sous contrôle militaire.

Des 28 anciennes zones militaires où la FAFG a mené des excavations depuis 1996, des restes humains ont été trouvés dans 24. Certaines de ces excavations restent actives et ils restent encore plus de bases, zones et détachements où il faut enquêter. L’excavation dans la zone du CREOMPAZ implique la plus grande découverte de restes humains dans une base.

« Avec la signature de la paix plusieurs des détachements ou des bases militaires ont été réduits et fermés. Mais dans ce lieu les militaires se sont restés tout le temps », affirme Suasnávar à propos de la base de Cobán.

« Ils nous disent : ’ Nous ne savions pas que cela s’est passé, c’était un autre temps, ce fut d’autres personnes, vous les avez déjà trouvés, maintenant il n’y a pas autre chose à faire que à les travailler’. Ce sont les mots qu’ils nous disent à l’égard des découvertes. Mais la continuité dans la structure, dans la fonction, le contrôle territorial qui est fait dans ces lieux a été strictement militaire ».

Malgré les fosses communes trouvées dans la base, l’entraînement militaire et policier se poursuit, et ils disposent de l’appui de pays comme les États-Unis et le Canada.

« Cette installation a une espèce de rang de corps militaire des Nations Unies, de fait les soldats et les employés qui se trouvent là dans le cas de l’armée guatémaltèque utilisent l’insigne des bérets bleus », déclare Iduvina Hernández Batres, de l’organisation Sécurité dans la Démocratie (Sedem), dont le siège est à Guatemala City.« Cependant, cela est un fait, et cette unité existe là sur un terrain qui, aujourd’hui s’est avéré, a constitué un énorme cimetière clandestin », affirme-t-elle.

En 2011, le Pearson Centre d’Ottawa a organisé un atelier dans la zone du CREOMPAZ sur « police et coopération militaire dans des opérations de paix ». (« Workshop in Guatemala to Discuss Police and Military Cooperation in Peace Operations ». Centre Pearson, 29 November –1 December 2011). Le Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada et le Commando Sud des États-Unis ont conjointement financé l’événement. Plusieurs soldats entraînés dans le CREOMPAZ ont servi lors de missions des Nations Unies en Haïti et dans la République Démocratique du Congo.

Pour certains, comme Ka’koj Ba Tiul, professeur et anthropologue de l’ethnie Poqomchi’, le CREOMPAZ a blanchi son image de façon injustifiée après que la base militaire été rebaptisée comme centre pour le maintien de la paix.

« C’est une école d’assassins. Sa figure occulte est la formation d’un schéma d’intelligence militaire contre-insurgé », affirme Ba Tiul, et il appel le CREOMPAZ « la petite École des Amériques  ».

« Il y a des instructeurs argentins, il y a des instructeurs chiliens, il y a des instructeurs colombiens, il y a des instructeurs usaméricains, et il y a des instructeurs israéliens ici », affirme Ba Tiul lors d’une entrevue dans sa maison, à un peu plus d’une douzaine de kilomètres de la base.« Là, s’entrainent à tous ceux qui vont faire partie du modèle contre-insurgé moderne pour le Guatemala, et pour l’Amérique Centrale ».

Dawn Paley pour sa page Dawn Paley

Original : CREOMPAZ : Guatemala’s ‘Little School of the Americas’

Traduit de l’espagnol pour El Correo par  : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 30 novembre 2012.

Pour plus d’information visiter notre rubrique :
TERRORISME D’ETAT
 : GUATEMALA

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* Dawn Paley est une journaliste indépendante et co-fondatrice de la coopérative de medias de Vancouver, Canada. Son twitter est @dawn_. Cet article a été écrit en anglais et publié dans sa version originale par Against the Current.

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