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26 février 2010

CELAC : Le bloc latinoaméricain et caribéen
Raúl Zibechi

par Raúl Zibechi *

 

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La création de la Communauté des États Latinoaméricains et Caribéens fait partie du virage mondial et continental, caractérisé par le déclin de l’hégémonie des Etats-Unis et l’ascension de l’ensemble des blocs régionaux qui donnent forme à un nouvel équilibre global. La création de cet organisme sans la présence du Canada et des Etats-Unis germait depuis quelque temps, mais commence à prendre corps quelques mois après le remarquable échec de l’OEA pour résoudre la crise provoquée par le coup d’État au Honduras, pays qui ne fait pas partie, pour le moment, de l’organisme en gestation.

La décision, qui a été préparée pendant les deux précédentes années, poussée par le président Lula, complète un long processus d’autonomisation de la région par rapport à la superpuissance. Regardons en arrière pour observer le changement profond qui s’est produit dans la région. Depuis sa création en 1948, l’OEA a répondu aux intérêts de Washington. Quand Cuba a été expulsée en 1962, aucun pays n’a voté contre, pour s’éviter des problèmes avec les États-Unis, bien que six se soient abstenus, dont l’Argentine, le Brésil et le Mexique. En 1983, la création du Groupe de Contadora (Colombie, Mexique, Panama et Venezuela) afin de trouver des sorties aux guerres civiles de l’Amérique Centrale, représente la première tentative pour doter la région d’une voix qui s’écarte du chœur imposé par la Maison Blanche et le Pentagone. C’était l’intervention du Premier ministre suédois, Olof Palme, qui as’est avérée décisive pour que soit formé ce groupe qui a été élargi, malgré le refus de Washington.

En 1990, le Groupe de Río a remplacé le Contadora (déjà transformé en Groupe des Huit), avec l’entrée des pays sudaméricains qui à cette époque n’en faisaient plus partie, plus la Communauté des Caraïbes et les pays de l’Amérique Centrale. En 2008, il a acquis son actuelle physionomie avec l’intégration de la Guyane, d’Haïti et de Cuba, et en 2010, pendant la célébration de sa 21ème réunion, le Sommet de l’Unité à Rivera Maya, il a franchi le pas définitif en donnant la nouvelle Communauté des États. Ce sont deux décennies et demie de construction lente que domine un processus commencé quand l’offensive impériale contre le Nicaragua, le Salvador et le Guatemala semblait omnipotente, qui aboutit alors qu’arrive une nouvelle conjoncture.

La Déclaration de Cancún, souscrite par les 32 présidents (avec la seule absence du Honduras), souligne que l’objectif du nouvel organisme est « d’approfondir l’intégration politique, économique, sociale et culturelle de notre région », de défendre le « multilateralisme » et « de se prononcer sur les grands sujets et événements de l’agenda global ».

Dans le paragraphe consacré à la crise économique, est promu la création d’une nouvelle architecture financière régionale ou sous-régionale, incluant aussi la possibilité de réaliser des paiements dans des monnaies nationales et d’évaluer la création d’une monnaie commune, ainsi que la coopération entre des banques nationales et régionales de développement. Une importance claire à l’intégration, sans établir de calendrier, se lit dans l’esprit du document. Cependant, les deux aspects centraux et plus concrets qu’ont signés les présidents, sont les paragraphes consacrés à « l’énergie » et à « l’intégration physique dans une infrastructure ». Il est proposé d’affronter les défis énergétiques en promouvant le développement de sources d’énergie renouvelables et « en promouvant l’échange d’expériences et de transferts de technologies sur des programmes nationaux de biocombustibles », notamment , pour permettre « aux plus petites économies et aux pays les moins développés d’avoir un accès juste, équilibré et constant aux diverses formes d’énergie ».

Au sujet de l’infrastructure, il est proposé d’intensifier les travaux pour la connectivité et le transport aérien, maritime, fluvial et terrestre, ainsi que le transport multimodal. Qui dit une intégration via des travaux d’infrastructure et de biocombustibles, dit Brésil, le pays qui est à la tête à la région dans les deux activités et est le premier producteur mondial d’éthanol, à égalité avec les États-Unis.

Mais le document consacre un paragraphe « aux catastrophes naturelles », dans lequel il appelle à créer des mécanismes pour « se donner une réponse régionale rapide, adéquate et coordonnée ». Ici aussi on peut voir, la main brésilienne, échaudée doublement après la réaction anémique de l’OEA au Honduras et l’intervention-invasion brutale de la Quatrième Flotte en Haïti. Bien que la Communauté des États Latinoaméricains et des Caraïbes soit encore à la déclaration d’intentions, qui fera ses premiers et vrais pas aux sommets du Caracas (2011) et au Chili (2012), quand elle devra être dotée de statuts, le fait qu’elle s’est mise en marche est le plus significatif. Sa création doit être vue sous trois angles.

A court terme, elle représente un frein au repositionnement des États-Unis en Colombie et au Panama avec 11 bases militaires, mais aussi au Honduras et à Haïti. Rappelons que quand eut lieu l’attaque de la Colombie en Équateur, le 1er mars 2008, avec le bombardement du campement de Raul Reyes, les temps qui ont mené à la création de l’Union de Nations Sudaméricaines (Unasur) et au Conseil de la Défense Sudaméricaine se sont accélérés. Le deuxième sujet est lié au long terme : la Communauté des États Latinoaméricains et des Caraïbes complète le cycle long d’autonomisation face au centre impérial. Ce n’est pas fortuit que les deux pas aient été franchis dans des moments de graves tensions : des guerres de l’Amérique centrale, depuis 25 ans ; une crise économique et une polarisation mondiale, maintenant.

La troisième question a un caractère géopolitique. Le Mexique et l’Amérique Centrale ne seront pas seulement tiraillés depuis le nord. Le bloc régional a beaucoup de problèmes et de contradictions internes qui le feront avancer lentement. Rien de cela ne l’a empêché de prendre corps depuis le début des années 80 du siècle dernier, dans une situation de poids et de présence beaucoup plus grands des États-Unis, ensuite de s’être amplifié et, maintenant, de commencera se consolider. Un temps long fait son travail ; lent, mais inexorablement, il pulvérise le temps court.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

La Jornada . Mexico, le 26 février 2010.

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