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10 décembre 2015


Argentine : Une présidence avec rimmel et ses attributs

par Sandra Russo *

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

En 2007, quand Cristina est arrivée à la Présidence, j’ai écrit son portrait dans ce quotidien sur une double page que j’eu du mal à mener. Il n’y avait presque pas d’information « perso » dans les archives. Comme députée et comme sénatrice, elle avait toujours parlé politique. La note publiée le jour de sa prise de fonction était titrée «  Cuentos para leer con rimmel  », parce que, je pense maintenant, que déjà elle m’intriguait par son type de féminité, qui combinait des attributs qu’il n’était pas courant de voir ensemble.

Elle savait qu’elle était une bonne oratrice, que le groupe du Parti Justicialiste l’avait expulsée en 1997, qu’elle avait le caractère nécessaire pour avoir contesté le chef du bloc ménémiste, Augusto Alasino, quand elle a voté en dissidence sur la réforme du Conseil de la Magistrature, « Ce n’est pas une caserne ici, et je ne suis pas la recrue Fernández » ou, en 2003, pour avoir crié aux partisans de Luis Barrionuevo [1] « bruleur des urnes » à Catamarca [Capitale de la province du même nom], avec les cheveux collés par les œufs, « les balles des militaires n’ont pas pu nous arrêter, une bande de mafieux ne va pas nous arrêter maintenant ». Mais moi, ce qui m’intriguait, c’était le rimmel.

Ces cils plombés de rimmel. Ce maquillage si années 70. Les lèvres toujours brillantes, les ongles toujours si longs et faits. Sa garde-robe. Ce qui me semblait qu’il ressortait était le coté marqué à la taille de cette garde-robe, parce que la mise de Cristina incluait toujours sa ceinture. Elle n’était pas seulement une femme, mais un type de femme qui ne renonçait pas au moindre coup de pinceau de ce qu’elle considérait comme « féminin ». C’est un peu excessif et elle le sait et le dit, elle dit qu’elle s’est toujours maquillée comme une porte. Elle rit de cela. Comme si s’était impossible de séparer le style de femme des autres de ses aspects, comme si sa voracité, pour absorber des données et sa compulsion à trouver des résultats concrets à un problème était aussi naturelle en elle que donner libre cours au rimmel.

Bien que maintenant je pourrais énumérer beaucoup d’autres choses sur cette Présidente qui a assumé y compris pudiquement ce premier mandat (avec cette petite robe blanche en broderie, avec manches aux coudes, croisée par le bandeau présidentiel et elle soutenant le batôn, comme si elle soupesait), je continue à croire que sa féminité, et plus spécifiquement son type de féminité, si puissant, qui fut le ressort qui a délimité dans cette société, d’un côté l’identification de milliers et de milliers de femmes de tous les âges, voyant en elle la jument qui a tiré le chariot national avec une obstination et un entêtement animal, et de l’autre, le rejet qui a été accrédité et nourri pendant des années chez tant d’autres femmes qui la détestent et ne la supportent pas, notamment parce que cette touche excessive de Cristina n’est pas qu’on a culturellement appris aux femmes à apprécier chez d’autres femmes.

C’est un type de femme en capacité d’agir depuis son propre centre, ou si l’on préfère, depuis sa propre structure. Les autres, en général, nous passons toute la vie en essayant de tenir les rênes de nos propres vies. Certaines d’entre nous admirons celles qui avancent arborant l’étendard de ce qui nous manque. D’autres les jalousent.

Évidemment, le fond de tout cela est politique, et beaucoup d’autres variables sont en jeu, qui font que l’on aime Cristina ou qu’on la déteste. Ce fond contient « les ovaires » qui ont scellé cette étape, ceux-ci, qu’elle même une fois a réclamé de prendre compte au militantisme, qui fêtait son courage en entonnant les attributs masculins. Cristina laisse gravé dans notre histoire la marque des siens comme symbole à avoir, dans l’exercice du pouvoir, pour avaler toutes les couleuvres qu’il faut au nom des convictions, quand ces convictions ne penchent vers la soumission face aux puissants, et prennent racine du côté des plus fragiles.

Sandra Russo* pour Página 12

Página 12. Buenos Aires, le 10 décembre 2015

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la diáspora par : Estelle et Carlos Debiasi

* Sandra Russo est journaliste, éditorialiste, auteur et animatrice argentine de diverses émissions de radio et télévision

El Correo de la diáspora. Buenos Aires, le 10 décembre 2015.

Notes

[1Luis Barrionuevo (le 15 mars 1942, Catamarca) est un syndicaliste, un entrepreneur et un homme politique du Partie Justicialiste argentin.(péroniste de droite)

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