recherche

Accueil > Réflexions et travaux > Les « indignés » et la Commune de Paris.

22 mai 2011

Les « indignés » et la Commune de Paris.

par Atilio A. Boron *

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Peut-être par l’une de ces surprises de l’histoire, le grand soulèvement populaire qui émeut aujourd’hui l’Espagne (et qui a commencé à se répandre dans le reste d’Europe) éclate par coïncidence le 140er anniversaire de la Commune de Paris, un geste héroïque dans lequel la demande fondamentale était aussi la démocratie. Mais une démocratie conçue comme gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple et non comme un régime au service du patronat et dans lequel la volonté et les intérêts populaires sont inexorablement subordonnés à l’impératif du profit patronal. C’est pourquoi les demandes des « indignés » ont des résonances qui évoquent immédiatement celles que les armes à la main les Parisiens et les Parisiens sont sortis pour se défendre dans les journées héroïques de 1871. La commune ne croyait pas, avec juste raison, dans l’institutionnalité bourgeoise, incurablement tricheuse parce que seulement préoccupée de consolider la richesse et les privilèges des classes dominantes ; ils exigeaient une démocratie directe et participative et l’abrogation du système parlementaire, cette déformation vicieuse de la politique devenue une charlatanerie creuse et pleine de toutes sortes de magouilles et négociations étrangères au bien-être des majorités ; ils demandaient la création d’un nouvel ordre politique, exécutif et législatif, en même temps, basé sur le suffrage universel et avec des représentants révocables et directement responsables devant ses mandants ; et voilà qu’ils réclamaient une démocratie authentique, non fictive, dans laquelle les représentants du peuple et les bureaucrates de l’état auraient une rémunération équivalente à celle du salaire ouvrier, parmi d’autres mesures.

Il suffit de jeter un regard aux documents « des indignés » pour vérifier l’actualité étonnante des demandes des communards et le peu qu’a changé la politique du capitalisme. Les jeunes et pas si jeunes qui font exploser environ 150 places d’Espagne se rebellent contre la fausse démocratie, surgie des viscères du franquisme et consacrée dans le Pacte si applaudi de la Moncloa, exhibé devant les peuples latinoaméricains comme le chemin sûr vers une vraie démocratie. Une démocratie que les manifestants dénoncent comme un simulacre qui sous ses tenues édulctrées cache la persistance d’une cruelle dictature qui décharge le poids de la crise déclenchée par les capitalistes sur les épaules des travailleurs. Ce que la démocratie « exemplaire » de la Moncloa propose pour affronter celle-ci , c’est de faciliter les licenciements des travailleurs, de réduire leurs salaires, de casser le droit du travail, geler les pensions et d’augmenter l’âge requis pour prendre sa retraite, diminuer l’emploi public, réduire les budgets dans la santé et l’éducation, privatiser des entreprises et des programmes gouvernementaux et, en couronnant toute cette escroquerie, réduire encore plus les impôts des grandes fortunes et des entreprises pour qu’avec l’argent restant ils investissent dans nouveaux projets.

La réponse de la fausse démocratie espagnole – en réalité, une sordide ploutocratie – devant la crise provoquée par la voracité insatiable des capitalistes est d’approfondir le capitalisme, en appliquant les recettes du FMI jusqu’à ce que la société soit saignée et plongée dans le découragement et la misère, acceptant toute solution. Le fameux bipartisme a démontré n’ être pas autre chose que les deux visages du même parti du capital. Mais maintenant le concubinage entre le parti socialiste espagnol et le PP est tombé sur un obstacle inespéré : encouragé par les vents -qui depuis le nord de l’Afrique - traversent la Méditerranée, les jeunes victimes principales mais non exclusives de ce pillage, « ont dit : Basta ! ets e sont mis en marche », comme l’ a exprimé une fois le Che Guevara. Rien ne recommencera à être comme avant en Espagne. Sans avoir lu les classiques du marxisme, la vie leur a appris qu’il n’y a pas de démocratie possible sous le capitalisme. Et que quand ils unissent leurs volontés, sont organisés et sont éduqués au débat d’idées, leur force est capable de paralyser la partitocratie et de battre la domination du capital.

* Sociólogo y analista internacional.

* Blog Atilio Borón . Buenos Aires, le 22 mai 2011.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par  : Estelle et Carlos Debiasi

Contrat Creative Commons
Cette création par http://www.elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 Unported.

El Correo. Paris, le 22 mai 2011.

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site